Haïti – Économie: République Dominicaine et Haïti, quelles projections économiques pour 2030?
Les autorités dominicaines se montrent de plus en plus préoccupées par la situation politique et économique d’Haïti et sont parvenues cette semaine à rendre publique un ensemble de projections très surprenantes qui devraient quand même interpeller l’actuel gouvernement en Haïti, notamment le premier ministre et le ministre de l’économie et des finances.
En effet, le ministre de l’Economie, de la Planification et du Développement de la République Dominicaine (RD), Juan Thémistocles Montas estime que la situation d’Haïti est la plus grande priorité de la politique étrangère dominicaine, non seulement du fait qu’Haïti est le plus grand partenaire commercial de la RD après les États-Unis, mais aussi par le fait que les implications sur la migration auront tendance à s’aggraver dans les années à venir sachant que le niveau de migration en provenance d’Haïti selon lui est déjà excessif.
Dans son intervention dans la presse dominicaine hier, M. Montas a declare que Cuba est le deuxième défi de la politique étrangère et de la diplomatie de la République dominicaine notamment avec l’ouverture éventuelle du plus grand marché des Antilles vers le marché américain.
Toujours selon Le ministre de l’Economie, de la Planification et du Développement de la RD, dans les vingt prochaines années, la République dominicaine va devenir la plus grande économie des Caraïbes et de l’Amérique centrale, donc elle doit déjà avoir des perspectives d’amélioration des compétences en termes de politique étrangère et pour une diplomatie plus efficace avec ces voisins et le reste des économies de l’Amérique latine ».
Le fonctionnaire a fait ces déclarations dans le Forum Sur une Nouvelle Diplomatie Dominicaine au siège du ministère des Affaires étrangères, où il a révélé les tendances et les projections pour la République dominicaine et Haïti en 2030, tirée d’un étude intitulée The Millenium Project: Latinoamérica 2030.
Selon cette étude, l’île d’Haïti regroupant Haïti et la République Dominicaine aurait en 2030 environ 25 millions d’habitants répartis également. Donc pas trop grand d’écart au niveau de la population. Cependant, quand nous regardons les indicateurs au niveau de revenu, la différence est énorme. En effet, le PIB par habitant dominicain passerait de 5,296 dollars à 12 000 dollars en 2030 soit une croissance de 126% en 20 ans, alors que Haïti resterait toujours avec un revenu par capita marginal, pour ainsi passer de 720 dollars en 2010 à 1,043 dollars en 2030. Cela signifie que si cette tendance se poursuit, l’écart entre les deux serait encore plus grand, car aujourd’hui le citoyen dominicain moyen a un revenu 7 fois plus élevé que l’haïtien, mais selon cette étude ce revenu par capita passerait a 12 fois plus en 2030.
Cette étude note également des différences économiques notables entre la RD et Haïti en ce qui a trait aux dépenses du gouvernement. En 2010 les dépenses gouvernementales dominicaines étaient de 12 milliards de dollars et doivent dépasser les 32 milliards de dollars en 2030, tandis que les dépenses du gouvernement haïtien en 2010 étaient au tour de 1,7 milliards de dollars américains et devraient atteindre les 3.48 milliards de dollars en 2030.
Il faut dire que l’étude parle également des projections sur le secteur agricole. Le rendement agricole passerait de 3,73 tonnes par hectare en RD en 2010 à 5,11 tonnes par hectare en 2030, tandis qu’en Haïti le rendement passerait de 2,41 tonnes à 3 tonnes par hectare. La couverture forestière en République Dominicaine resterait toujours au niveau des 40% tandis que celle d’Haïti deviendrait encore plus faible avec un taux de seulement 3,44% en 2030 contre le taux actuel de 3,72%.
Voilà ces dominicains qui comprennent très bien la question de « diriger c’est prévoir » et sont en train de faire des projections pour 2030, ils sont en train de réfléchir sur les choix en matière de politique étrangère, notamment de migration, d’orientations diplomatiques en tenant compte de la réalité d’Haïti et de Cuba, qui peuvent être à la fois des opportunités ou des menaces pour l’économie dominicaine. C’est triste de voir aussi comment les écarts entre la RD et Haïti pourraient devenir plus grands si rien n’est pratiquement fait en Haïti en termes de politique de développement au cours de ces 15 prochaines années. Contrairement au slogan de pays émergent en 2030, cette nouvelle étude nous laisse croire que le revenu par habitant pourrait rester aussi exécrable, les dépenses gouvernementales aussi faibles et les risques environnementaux très alarmants, bref, des qualités d’un pays pauvre, sous-développé, et politiquement instable même après 15 ans.
A nos élites économiques et politiques d’agir autrement, de diriger autrement pour prouver aux dominicains que leurs projections étaient erronées.
Etzer S. Emile, M.B.A
Economiste
Radio Vision 2000