Haïti – Paris/Exposition : «Grottes d’Haïti, entre imaginaires et réalités», protéger et valoriser Haïti

Source eMag SUEZ ENVIRONNEMENT | huffingtonpost.fr

eMag SUEZ ENVIRONNEMENT – Du 5 au 21 janvier 2015 à la maison de l’UNESCO à Paris, l’exposition « Grottes d’Haïti, entre imaginaires et réalités » offre le fruit de 5 années de recherche menées par trois photographes spéléologues – Carole Devillers, Olivier Testa et Jean-François Fabriol- Le résultat ? Des clichés exceptionnels mettant en lumière des richesses géologiques à préserver.
Rencontre avec ces photographes du centre de la terre.

Pourquoi avoir choisi Haïti ?

Olivier Testa : Parce qu’aucun spéléologue n’y était allé depuis 30 ans ! En tant que spéléologue, c’est à dire explorateur de grottes, je vais là où les autres ne vont pas. Haïti est un pays calcaire. La géologie du pays est favorable à la formation de grotte. Aller découvrir cet inconnu est le moteur de mon action.

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Carole Devillers : Pour ma part, mon histoire avec Haïti commence il y a près de 40 ans, en 1976, quand j’y suis allée pour la première fois avec des amis haïtiens. Attirée par l’hospitalité de la population, sa ténacité envers tous les aléas, son sourire, son sens de l’humour, sans parler de la beauté du pays, j’y suis retournée régulièrement, seule, développant un très fort amour pour ce pays attachant. Finalement je m’y suis installée au début des années 80 et y suis restée une vingtaine d’années.

Jean-François Fabriol : Je ne connaissais pas HaÏti avant qu’Olivier ne me propose de rejoindre leur équipe pour couvrir la promotion photographique des grottes découvertes. Je suis très heureux d’avoir pu ainsi me rendre en Haïti a l’occasion de plusieurs expéditions. C’est un pays que j’aime découvrir chaque fois davantage.

Comment avez-vous été accueillis par le peuple haïtien ?

OT : Nous avons très rapidement trouvé des soutiens en Haïti. De plus, le peuple haïtien était véritablement heureux qu’enfin, une équipe s’intéresse à ce sujet. Les grottes sont présentes dans l’imaginaire, dans les contes, dans la vie des Haïtiens, mais personne ne s’y aventure, par peur. Ces photographies permettent de leur montrer des beautés qu’ils imaginaient sans pouvoir les admirer.

CD : Le peuple haïtien est un peuple très hospitalier. Que ce soit au niveau institutionnel avec les fondations qui nous soutiennent, ou que ce soit au niveau local dans les campagnes, nous avons été accueillis avec enthousiasme, curiosité, et un désir de leur part de faire connaitre ce patrimoine oublié.

JFF : Nous avons reçu un accueil chaleureux. Ils se sont montrés très curieux de notre travail et nous accompagnaient volontiers à l’entrée des grottes.

Quels ont été vos plus grandes émotions durant les différentes explorations ?

OT : La redécouverte du Gouffre Séjourné m’a certainement le plus marqué – ce gouffre exploré fin des années 70 hantait mon imaginaire depuis le début de nos explorations en 2009. Un gouffre vertical de 125 mètres de profondeur qui s’ouvre à l’air libre. Lorsque nous jetons une pierre, celle-ci met dix secondes à atteindre le fonds, avec un écho amplifié par le volume souterrain : une version haïtienne du gouffre de Padirac.

CD : C’est avec notre première expédition “Ayiti Toma 2009″ que je me suis mise à la spéléologie et à explorer des grottes sauvages, non aménagées, en compagnie d’Olivier. Ce fut un vrai coup de cœur et je me suis découverte une nouvelle passion. Être les premiers à découvrir des salles magnifiques jusque-là inconnues et pour ainsi dire vierges de tout contact préalable, telles que celles de la grotte Bellony, donne une émotion indescriptible. Pour moi, les grottes c’est tout simplement magique. Et en conséquence lorsque je me retrouve parfois en présence de cavités saccagées, je ressens alors une profonde tristesse, comme si on avait détruit une entité vivante.

JFF : Un moment fort a été pour moi la découverte de nouvelles grottes dont la plus profonde du pays, la grotte Marie-Louise Boumba dans le Parc National de la Visite. L’extrême pauvreté observée dans les campagnes m’a également beaucoup touché.

Dans quels états avez-vous trouvé les sites souterrains ?

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OT : Les grandes grottes qui étaient connues des habitants étaient plus ou moins fortement dégradées (bris de concrétions, graffitis, dépotoirs). Évidemment, les grottes que nous avons découvertes, inconnues des locaux, étaient vierges. Certaines cavités sont de véritables merveilles de la nature, finement ciselées et pleines de couleurs. D’autres sont d’immenses galeries où coule une rivière souterraine.

CD : De nombreuses grottes ont déjà été saccagées par ignorance. La grotte Kounoubwa à Camp Perrin (Sud) est un exemple flagrant de destruction : des dizaines de milliers de noms et graffitis recouvrent les parois et presque toutes les stalactites ont été cassées. La grotte de Bassin Zim à Hinche (Plateau Central) en est un autre exemple : les pétroglyphes gravés sur les parois – possiblement par les indiens Taïno – sont recouverts par les graffitis des visiteurs contemporains qui ne réalisent même pas qu’ils sont en train de détruire irréversiblement un patrimoine historique.

Que représentent-ils pour le peuple haïtien ?

CD : Le peuple haïtien y est très attaché, bien que qu’il ait souvent peur de s’y aventurer. Les grottes sont un élément important de la topographie et de la culture d’Haïti, des contes et des légendes s’y rapportent, et le vodou y a trouvé naturellement sa place. De nombreuses cavités sont d’ailleurs devenues des lieux de pèlerinage vodous et de réunions mystiques. Il est dit que les grottes sont habitées par les esprits des ancêtres. A différentes époques de l’histoire haïtienne, elles ont servi de cachettes et de lieux de transmission du savoir.

Quelles étaient les principaux objectifs de ces 5 années d’aventure souterraine ?

OT : La première phase a consisté en la prospection, la découverte, l’inventaire et la topographie de ces grottes.la seconde phase, en l’étude, la recherche et la protection de ce patrimoine naturel. La troisième phase, en la formation, l’aménagement et la valorisation de ces sites. Nous avons par ailleurs découvert la grande pénurie d’eau des régions intérieures. Les massifs karstiques absorbent l’eau de ruissèlement dans les cavités, et cette eau, perdue, ressort par des résurgences sous-marines. Depuis, l’un de mes objectifs est de trouver un moyen de répondre aux besoins en eau des populations par ces ressources karstiques.

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CD : Aucune documentation photographique des grottes d’Haïti n’existait jusqu’alors. L’un des objectifs a donc été de montrer ces beautés cachées et de faire prendre conscience qu’Haïti a un patrimoine souterrain qui mérite l’attention. Fort de ce constat, il s’agit par ailleurs de promouvoir un tourisme responsable, de diversifier l’offre touristique en y ajoutant ce patrimoine souterrain, de le protéger en éduquant et en informant le public en général au travers de rapports techniques, d’articles, de prospectus, d’affiches, de publications, d’expositions, de conférences de presse. Dans ce but, j’ai réalisé un livre de photos pour enfants – “L’histoire des grottes d’Haïti, racontée par la petite goutte d’eau” -, expliquant la formation des grottes et des concrétions, les bons gestes à adopter.

JFF : Par le biais de la photographie, nous montrons sur place directement aux habitants, les beautés cachées au cœur de leur terre. Immanquablement, ils sont ébahis devant tant de beauté, et à travers nos échanges, comprennent aussi l’importance de les protéger.

Quel impact cette exposition peut-elle avoir ? Peut-elle amener à une réelle prise de conscience ?

OT : Nous voulons que lire la suite sur huffingtonpost.fr

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