Kidnappés, séquestrés, rançonnés, libérés…, et après?

On dirait qu’il existe une loi, une loi secrète, qui prescrit que « l’Haïtien ayant choisi de vivre dans son pays natal n’a plus droit au bonheur, même caricatural ». En effet, quiconque arrive à embrasser du regard toute la laideur naïve du spectacle qu’offre l’Haïti d’aujourd’hui à la face du monde parviendra, indubitablement, à la même triste et cynique conclusion. L’insécurité généralisée et ses corollaires, kidnapping, viol, vol, assassinat, tortures, laissent supposer que le diable a pris la nationalité haïtienne, imposant ainsi la loi infernale dans toute sa cruauté. D’où, toutes les limites de l’inhumanité ont été franchies. Aujourd’hui, le cancer que représente le phénomène du kidnapping s’est installé dans la Première République noire, en menaçant de détruire ce qui reste du tissu social déjà en lambeaux.

Parlant de destruction, combien de joies, de rires, d’espoirs aux lendemains qui chantent, de vies tout court, le kidnapping a déjà volé? Pas besoin de mobiliser les grands psychologues pour comprendre que quelqu’un qui a été victime d’enlèvement, qui a subi dans son âme comme dans sa chair le poids de l’humiliante séquestration, n’est plus le même après sa remise en liberté. C’est un fait ! Les hommes et les femmes, ex-kidnappés, qui ont fait l’expérience existentielle de cette « souffrance gratuite » de cette humiliation déshumanisante, ont perdu à jamais quelque chose, quelque chose de précieux, qu’eux seuls peuvent révéler la nature si seulement ils avaient le courage de raconter, à qui voudrait bien l’entendre sans juger, l’horreur indicible du kidnapping. En fait, du kidnapping on n’est jamais libéré, on est peut-être remis en liberté. Il n’y a pas de libération pour une femme qui a été enlevée, séquestrée, violée… Comment une femme à qui un ravisseur a pris ce qu’elle n’a pas délibérément donné peut se dire « libéré », même si celle-ci, mère de famille par exemple, a la chance de contempler à nouveau le sourire de ses enfants, de son mari? Comment un homme qui s’est battu dans cette Haïti qui exige tout et n’offre rien, suant du sang pour se construire, construire un semblant de bien-être, peut se dire « libéré » après avoir versé à ses ravisseurs tous ses avoirs et non-avoir? Chez les anciens kidnappés qui ont tout perdu ou presque, il y a quelque chose de tragique au goût de souffre qui reste, dans leurs têtes, leurs cœurs ou leurs âmes. Quelque chose qui, par moment, suscite la nausée, le haut-le-cœur… Grosso modo, les kidnappeurs nous ont pris des hommes et femmes sains de corps et d’esprit pour en faire des futurs malades mentaux. Voilà tout le mal qu’ils nous font, à côté des biens qu’ils nous ravissent. Seul un imbécile de profession ou un intelligent de courte vue peut ne pas flairer, voire ressentir l’ampleur de la catastrophe anthropique qui nous menace, déjà. Le pire nous attend au prochain carrefour !

Si nous ne nous focalisons pas seulement sur le coût matériel qu’entraine le phénomène du kidnapping qui a déjà décapitalisé nombre de familles, nous verrons sans doute que ce mal social, devenu notre sort collectif, a déjà vidé bien de vies de la substance qui faisait d’elles une vie. Naufrage des grandes espérances ! On ne le dira jamais assez : contre le kidnapping, mobilisons-nous ! Indignons-nous et agissons collectivement !

GeorGes E. Allen

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