La discipline, les taxes, la confiance… les secrets du maire de Delmas

Maire de Delmas depuis douze ans, Wilson Jeudy a su tailler une réputation d’un leader progressiste et éclairé. De 94 millions de gourdes en 2006, la mairie a une prévision budgétaire de 700 millions de gourdes pour la nouvelle année fiscale. Pour ce maire qui se distingue de la plupart de ses homologues, la formule pourrait se résumer ainsi : se donner des objectifs, collecter des taxes, se doter d’un budget de développement et instaurer la rigueur et la discipline. Selon Wilson Jeudy, « les autorités doivent savoir que l’argent collecté ne leur appartient pas, ni aux membres de leur famille, mais à la population, aux citoyens qui payent des taxes pour obtenir des services en retour ».

Il n’est ni roi ni président mais il a son palais. Son palais municipal. À côté d’un jet d’eau en construction, les cris de quelques cygnes brisent le silence d’un paon isolé sous un arbuste. Pour la nouvelle année fiscale qui vient de débuter, la salle d’attente de la mairie est remplie de contribuables. Après une réunion avec une partie de ses employés, le maire a l’air satisfait. Une page vient d’être tournée. La mairie a, en effet, atteint la prévision budgétaire qui était de 650 millions de gourdes pour l’exercice 2017-2018 qu’elle s’était fixée. Pour la nouvelle année fiscale, le défi à relever est d’atteindre les 700 millions de gourdes.

Le maire de Delmas reçoit Le Nouvelliste.Sur son bureau une Bible reste constamment ouverte. C’est l’un des « secrets » de Wilson Jeudy, ancien candidat à la présidence. « Quand on dirige, il faut le faire avec la Parole, il faut le faire avec la Bible, estime le maire, en costume bleu. Dans la Bible, on trouve la sagesse, la discipline… »

Contrairement aux autres municipalités de la région métropolitaine, la mairie de Delmas se montre plutôt active depuis quelques années. La municipalité se lance dans l’asphaltage des rues de la commune, l’installation de feux de signalisation dans quelques artères, l’électrification des rues, entre autres. Selon Wilson Jeudy, l’acteur principal de ces travaux reste le citoyen qui paye ses taxes, ses impôts. « De la même façon que les fidèles cotisent à travers leurs offrandes à l’église, les citoyens doivent payer des taxes pour construire ou reconstruire leur pays », soutient-il.

Si le maire de Delmas a réussi à collecter de l’argent pour faire bouger les pions, c’est parce que, dit-il, il a su gagner la confiance des citoyens et instaurer une certaine discipline et de la rigueur. « Dans un pays comme Haïti, il faut beaucoup de rigueur, de discipline pour avancer, soutient Wilson Jeudy, ancien juge de paix, ancien employé de l’Administration générale des douanes, entre autres. On ne peut rien faire sans la discipline, sans des règlements et des principes établis. Tout ce que nous arrivons à faire à la mairie, c’est grâce à la discipline instaurée. »

Malgré ce climat plein de principes, tout ne marche pas comme sur des roulettes pour autant. Avec l’informel qui bat son plein, le maire n’arrive pas à libérer les rues et les trottoirs des marchands qui les prennent d’assaut quotidiennement.

A l’interne, le maire doit lutter contre la corruption. « Nous avons des employés modèles et d’autres dont la seule obsession est de gagner de l’argent dans la corruption, critique le maire. Quand vous ne leur donnez pas la possibilité ou l’occasion d’atteindre leurs objectifs, vous êtes automatiquement leur ennemi, celui qu’il faut combattre. »

La mairie compte près de 800 employés. Les ressources humaines se révèlent importantes pour le bon fonctionnement de l’institution. Malgré les efforts consentis, beaucoup d’habitants de Delmas ne payent pas d’impôts. Selon le maire, la commune compte près de 500 000 habitants. « Les citoyens nous font confiance, ils payent des taxes, leurs impôts locatifs, mais il faut reconnaître que nous sommes encore loin de notre objectif, avance Wilson Jeudy. Notre objectif est que tous les résidents de la commune payent leurs impôts pour atteindre les deux milliards de gourdes. Ceux qui payent leurs impôts aujourd’hui sont autour de 20% », explique Wilson Jeudy. À qui la faute ? À l’Etat central, répond le maire.

« Les gens ne veulent pas payer d’impôts s’ils ne sont pas contraints de payer, indique le premier citoyen de Delmas. Puisque l’Etat est incapable de contraindre les gens à payer, on aura toujours ces problèmes. Si le propriétaire savait que s’il ne paye pas sa maison serait placée sous séquestre, il s’acquitterait régulièrement de ses impôts », continue le maire. Il prend à titre d’exemple des gens à l’étranger qui perdent souvent leurs maisons pour n’avoir pas été en règle avec le fisc.

Un budget de développement au lieu d’un budget de fonctionnement

La différence entre les actions de la mairie de Delmas et celles des autres municipalités de la région métropolitaine saute aux yeux. Le garage de la mairie de Delmas compte beaucoup de matériels roulants. Quatre camions-remorques, cinq camions-pompiers, deux camions-citernes, des ambulances, entre autres. Ce ne sont pas des dons. « Tout a été acheté par la mairie de Delmas, excepté un camion compressif que nous avons reçu récemment de l’État central », précise le maire avec un zeste de fierté.

Wilson Jeudy persiste et signe : les taxes doivent servir pour construire le pays. Il n’est pas de ceux qui misent sur l’international pour faire le développement. « Il y a de l’argent dans les taxes, il faut aller le chercher, insiste le maire. C’est aux citoyens de reconstruire le pays.»

Pour l’édile de Delmas, il faut cesser de monter des budgets qui ne servent qu’au fonctionnement des institutions. « L’un de nos problèmes majeurs, c’est que nous avons toujours des budgets de fonctionnement et non des budgets de développement », raisonne Wilson Jeudy, chrétien protestant.

Malgré sa bonne réputation auprès de la population, Wilson Jeudy est parfois accusé par des particuliers de spoliateur. Il banalise cette accusation qui revient toujours. « Les gens qui m’accusent n’ont qu’à se rendre à la justice avec leurs titres de propriété », avance le maire, entouré de plaques d’honneur, calfeutré dans son palais. Ce palais qu’il a construit en guise de réponse au « Palacio » de Santo Domingo qu’il avait visité en 2009.

Valéry Daudier

Le Nouvelliste

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