La Dinepa crie au secours, Port-au-Prince meurt de soif
Au cours des derniers jours, plusieurs quartiers de la commune de Pétion-Ville ont connu un problème d’alimentation en eau. La Direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement (DINEPA), dans une note datée du 22 février 2021, fait savoir que ce problème est dû à la dégradation accélérée des aires des sources d’eau de « Tèt dlo » et de Desplumes. Selon la note de la DINEPA, tous les regards et/ou installations hydrauliques du captage de la source « Tèt dlo » sont obstrués par les alluvions qui se sont accumulés dans ces regards, empêchant ainsi le passage de l’eau dans les drains.
Ce problème d’alimentation est un signe avant-coureur d’un problème plus sérieux et qui risque de toucher plus de gens si rien n’est fait au plus vite. À en croire le directeur général de la DINEPA, Guito Édouard, qui intervenait à l’émission « Dèyè Kay » sur télé 20, ce 24 février 2021, la cartographie des sources d’eau du pays, et particulièrement de celles de Port-au-Prince, est imprégnée de zones rouges.
Dégradation de l’environnement des sources
Source « Myè », source Desplumes et source « Tèt dlo », trois principales sources captées depuis une dizaine d’années par la DINEPA pour alimenter l’aire du centre-ville de Port-au-Prince, Pétion-Ville et ses zones environnantes, sont dans une situation critique, informe Guito Édouard. Même le périmètre immédiat de ces sources est influencé négativement par les activités humaines. Les constructions anarchiques pullulent dans les périmètres rapprochés et lointains de ces sources. Non loin de ces captages, un marché public fonctionne et des quartiers précaires comme Jalousie ont poussé au mépris des lois en vigueur qui protègent ces zones déclarées d’utilité publique.
Les conséquences sont palpables. On assiste à un abattage systématique des arbres dans ces zones en vue d’aménager des espaces pour construire, ce qui va empêcher l’infiltration des eaux de pluie dans les sols pour alimenter les nappes hydrauliques. In fine, cela débouchera sur la diminution du débit des sources et leur tarissement, avertit Guito Édouard.
Au sud de la capitale, la situation est pareille. Le tunnel de Diquini, construit en 1942, avec un débit de 700 mètres cubes d’eau par heure autrefois, fournissait entre 35 et 37% de l’eau à Port-au-Prince. Mais son débit est passé actuellement à 298 mètres cubes d’eau par heure, regrette M. Édouard. Depuis sa construction en 1942, ce tunnel n’a jamais connu de travaux de réhabilitation, précise le DG de la DINEPA. Pourtant il est devenu de plus en plus difficile de le réhabiliter à cause des constructions anarchiques campées sur les tuyaux. Par conséquent, avoue Guito Edouard, la DINEPA est obligée de dévier la conduite.
L’environnement de la plupart des sources s’est dégradé. La source de Cérisier, à Juvénat, est extrêmement dégradée à cause de la pollution, ajoute le numéro un de la DINEPA. Pareille pour les sources « Madame Baptiste », Corossol, Mahotière, Turgeau. Le tunnel de Frères est dans un état pareil. La coupe intempestive d’arbres dans l’environnement du tunnel met en danger cette infrastructure hydraulique, à en croire M. Édouard. Même la clôture de ce captage a été emportée par les alluvions récemment, informe le DG.
Exploitation abusive des nappes
À côté de la dégradation de l’environnement des sources et des constructions sauvages, un autre problème s’avère tout aussi inquiétant : l’exploitation abusive des nappes. La zone de la plaine du Cul-de-Sac en est un exemple poignant. C’est le second problème qui touche cette zone, selon Guito Édouard, ajouté au fait que l’eau dans cette zone a tendance à avoir un taux de salinité élevé. « Les études ont révélé qu’il y a de l’intrusion saline dans cette zone. À cause des constructions anarchiques qui se multiplient, la mer pressure la nappe d’eau douce », explique Guito Édouard.
Le directeur général de la DINEPA dénonce un désordre dans la zone de la plaine du Cul-de-Sac où des particuliers construisent des forages comme bon leur semble et exploitent l’eau à leur gré. « Cela exerce une influence négative sur les forages de la DINEPA dans cette zone », martèle Guito Édouard, qui explique que ce grand nombre de forages dans le même champ captant nuit au bon fonctionnement des forages de la DINEPA. Cette situation pousse la DINEPA à faire le dénoiement car la quantité d’eau qu’elle avait l’habitude de recevoir diminue considérablement.
Nécessité d’une réflexion autour de la problématique de l’eau
Le désordre constaté au niveau de la plaine du Cul-de-Sac est causé tout aussi bien par les fournisseurs d’eau potable, lâche M. Édouard. Il pense que la problématique de l’eau doit être une priorité nationale et étatique. Tous les acteurs doivent se réunir autour de cette question, recommande le DG de la DINEPA.
En effet, s’il y a ce désordre au niveau des périmètres des sources, ce n’est pas qu’on soit dépourvu d’un cadre légal sur la question. Un décret de juin 1992 déclare 12 sources captées et non captées d’utilité publique. « Ils les déclarent d’utilité publique, mais ne font aucune prise en charge par la suite », fustige le numéro un de la DINEPA. C’est ce laisser-aller qui est à la base des constructions anarchiques et de l’exploitation inappropriée des sources, croit M. Édouard. « Les lois existent, mais on ne les applique jamais », souligne-t-il en invitant toutes les municipalités, les ministères de l’Environnement et de l’Agriculture à agir ensemble avant qu’il soit trop tard.
Source: Le Nouveliste