Le site de décharge de Carrefour : les habitants crient, la mairie dit n’avoir aucune solution

Difficile de fréquenter l’entrée sud de Port-au-Prince, au niveau de la route des Rails sans apercevoir  l’imposant site de décharge situé entre le village Gaston Magron et le village Alpha, dégageant une odeur nauséabonde et souvent d’épaisses fumées obstruant le passage. Parfois, les immondices débordent sur la route et forcent les passagers à emprunter le sens unique. Le site accueille les détritus non pas uniquement de la commune de Carrefour mais  « certaines fois des débris de toutes sortes ramassés par les services du ministère des Travaux publics, Transports et Communications dans les communes de Gressier, de Pétion-Ville, de Port-au-Prince et de Martissant », révèle Jude Edouard, agent intérimaire de la commune.

Les habitants ne cessent de déplorer cette situation et disent ne plus pouvoir continuer d’évoluer dans ces conditions. « Chaque jour, vous vous réveillez avec cette fumée dans l’œil, cette odeur dans le nez sans espérer qu’un jour cela se terminera », déplore un père de famille logé à moins de 10 mètres de la décharge. « Le pire c’est que nous n’avons aucun recours tandis que nous sommes à bout, nous n’en pouvons plus » se plaint-il. Les mots de son voisin ne diffèrent pas : « Nous n’avons pas de vie ici. Nous ne pouvons pas recevoir de visite, car où allons-nous recevoir les gens, avec cette fumée dans cette odeur ? », s’interroge-t-il. Conscient des maladies que l’inhalation pourrait provoquer, il dit ne pas avoir d’alternative. «  Plusieurs de nos voisins souffrent de paludisme, de filariose,  nous savons que ces maladies sont dues à la décomposition de la décharge, mais nous ne pouvons aller ailleurs, c’est le seul endroit que nous avons », s’indigne-t-il.

Pour la population, le principal responsable du maintien du site, c’est la mairie de Carrefour, qui dit avoir pris de nombreuses initiatives pour forcer sa fermeture, mais qui ont toutes été avortées. Le maire est accusé d’utiliser la décharge à des fins politiques. « Nous avons fait tout ce qui était en notre capacité pour exiger la fermeture de ce site, nous avons rencontré le maire Jude Edouard en personne. Il nous a promis de le déplacer à la fin de l’année dernière, mais comme vous le constatez, le site est toujours là », explique un notable de la zone. « Il est le président de la FENAMH, il permet à des maires d’autres communes de vider leurs décharges dans le site, une façon de les récompenser pour leur vote lui permettant d’être à la tête de la fédération », lâche-t-il.

« La gestion du site est une grande catastrophe, une grande déception pour moi en tant que maire. Je reconnais ma faiblesse et mes limitations. Je reconnais mon échec. Je suis contre le fonctionnement du site ; malheureusement je suis à court de solution », reconnaît Jude Edouard. À son arrivée à la tête de la mairie, il avait fermé le site, mais face à l’insécurité qui règne à Martissant, il a été dans l’obligation de le rouvrir. « J’ai ordonné la fermeture du site, mais ça n’avait duré que deux ans.  Je ne pouvais plus utiliser la décharge de Cité Soleil à cause de l’insécurité qui règne à Martissant », regrette-t-il.

Par contre, Jude Edouard reproche aux autorités étatiques de ne pas faire de la gestion des déchets une priorité. « Nous n’avons même pas une usine de transformation de déchets, les habitants imputent la mauvaise gestion desdits déchets aux autorités municipales, alors qu’ils savent que nous n’avons aucun budget disposé à cette fin ». Le président de la Fédération nationale des magistrats haïtiens (FENAMH) dit avoir proposé au ministre de l’Environnement, Abner Décembre, « l’aménagement d’un site dans Gressier qui serait au service de trois communes, Gressier, Carrefour et Léogâne ». « Le ministre m’avait dit qu’il allait chercher du financement. Je conteste cette déclaration, l’Etat n’a pas de problème d’argent pour résoudre ce problème ».

Par ailleurs, le maire croit qu’il pourrait appliquer des solutions provisoires s’il disposait du matériel adéquat. « Si j’avais une pelle excavatrice, un bulldozer pour l’entretien du site nous aurons une solution jusqu’à ce que nous procédions à la fermeture du site. Malheureusement aucune mairie du pays ne possède un tel matériel », déplore-t-il.

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