Les transferts de la diaspora vers Haïti ont bondi de 18% en 2020, malgré le Coronavirus

Contrairement aux prévisions à la baisse de la Banque mondiale pour l’ensemble des pays de la région, incluant Haïti, les transferts sans contrepartie reçus par l’économie haïtienne, et collectés à travers les maisons de transfert seulement, ont bondi de 18,4% pour l’exercice 2019-2020 par rapport à l’exercice précédent, selon les données communiquées par la banque centrale sur son site web.

En effet, aussi bizarre que cela puisse paraître, la croissance des transferts en 2020 a été même plus prononcée que celle enregistrée en 2019 (6,4%), nonobstant la crise sanitaire de Covid-19 qui basculera tous les pays de la région en récession, en particulier ceux qui affichaient un certain dynamisme économique au cours de la période d’avant la crise, comme la République Dominicaine (-5,5%), le Panama (-11%), le Chili (-6%), l’Equateur (-9%) et la Jamaïque (-9%).

Les données mensuelles recueillies des maisons de transfert par la banque des banques montrent que le total des transferts (sans ajustement), pour la période allant d’octobre 2019 à septembre 2020, s’élève à environ 2.97 milliards de dollars américains, contre environ 2.5 milliards  pour l’exercice 2018-2019. Après les ajustements de la banque centrale, pour prendre en compte les transferts passant par les mécanismes informels, c’est-à-dire, par les voyageurs qui rentrent dans le pays, le montant total des transferts qu’on retrouvera dans la balance des paiements dépassera sans nul doute les 3 milliards de dollars américains pour 2020 et même un peu plus que les 3.32 milliards enregistrés en 2019. En ce sens, faudrait-il faire très attention, lorsqu’on veut comparer les données de la BRH à celles d’autres institutions comme la Banque mondiale.

Beaucoup d’analystes et d’économistes s’entendent pour dire que cette nette progression des transferts en 2020, surtout au cours de la période mai-août, est imputable au plan de soutien du gouvernement américain de plus de 2,000 milliards de dollars, à travers le  CARES Act (Coronavirus Aid, Relief and Economic Security), signé par le locataire de la Maison Blanche en mars dernier. Ce CARES Act, dans lequel le programme de ‘’stimulus package’’ était dégagé, a permis à des dizaines de millions de familles aux Etats-Unis de recevoir un chèque de 1,200 dollars plus 500 dollars par enfant. Ainsi, grâce à ce programme du gouvernement américain, les transferts reçus sur une base mensuelle par Haïti de la diaspora ont atteint la barre de 300 millions de dollars de mai à août 2020, contre une moyenne mensuelle d’environ 200 millions avant.

Le comportement des transferts au cours de la période indiquée (46% de croissance entre mai et septembre) a beaucoup supporté la baisse considérable du taux de change, en augmentant l’offre de devises sur le marché de manière substantielle, à côté d’autres facteurs comme les injections de la BRH, la décision du gouvernement liée aux dépenses en fin d’exercice et le renversement dans les anticipations négatives des agents économiques. Ainsi, le taux de change qui avait atteint un pic de 123.39 gourdes pour 1 dollar le 10 août dernier 2020 a été ramené à 67.60 gourdes au 30 septembre, ce qui a permis à l’économie de clôturer l’exercice fiscal 2020 par une appréciation d’environ 38% de la monnaie nationale avec des impacts positifs sur l’inflation qui a atteint 21,6% en octobre dernier contre 27,8% deux mois plus tôt.

Cependant, depuis septembre 2020, il convient de constater une tendance à la baisse des transferts, soit en dessous des 300 millions de dollars, alors que nous sommes habituellement dans une période de vache grasse pour les transferts avec les fêtes de fin d’année. Par ailleurs, le Congrès américain vient de voter un nouveau plan de soutien de 900 milliards de dollars à l’économie américaine. Ce plan comprendra, entre autres, un chèque de 600 dollars par adulte et par enfant pour les ménages les plus vulnérables aux Etats-Unis.

Ce nouveau plan d’urgence aux Etats-Unis, n’est-il pas trop faible, en termes de montant, pour impacter encore positivement les transferts sans contrepartie vers Haïti au deuxième trimestre de 2021 ?

 

Riphard Serent, MPA

Economiste

 

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