Vers la formalisation des opérations de change en Haïti ?

L’actualité économique du week-end dernier est marquée d’abord par ce décret établissant les règles liées à la création et au fonctionnement d’un intermédiaire de change en Haïti tels qu’un bureau de change, les banques ou une entité autorisée à effectuer des opérations de change, et ensuite ce décret fixant les règles relatives à l’obligation d’affichage des prix, au paiement en gourde et la part des marges bénéficiaires dans la détermination des prix.

Sur la question de l’affichage des prix et du paiement en gourde, il n’y a aucun problème, mais quand il s’agit des marges bénéficiaires fixées à 15% dans la détermination des prix par rapport au prix de revient, ce sera un vrai défi avec ces 35% des activités de l’économie qui sont informels.

Maintenant sur la question des intermédiaires de changes, il faut dire qu’il y avait effectivement une nécessité de corriger un ensemble de dérives et d’imperfections sur le marché des changes, en constatant que tout le monde est un agent de change ; un niveau de désintermédiation financière élevé, et on pratique le taux qu’on veut, ce qui alimentait les pratiques de spéculation et qui ne restait pas sans des conséquences sur la dépréciation de la gourde.

Cependant, il faut dire que le problème sur le marché des changes est beaucoup plus complexe que ça et que seul ce décret ne pourra pas résoudre le problème de la chute de la gourde, si d’un côté la justice n’est pas forte et d’un autre côté il n’y a pas de grandes réformes et politiques économiques visant à pallier à ces déséquilibres extérieurs que l’économie confronte depuis des années. Des déséquilibres au niveau de la balance des paiements, où nos exportations totales financent nos importations totales à hauteur de 27% à 35% seulement au cours de ces 5 dernières contre environ 85% en République Dominicaine, sans oublier le faible niveau des rentrées de devises sous forme d’investissements directs étrangers qui atteignaient seulement 75 millions de dollars américains l’année dernière (2019) contre un peu plus de 3 milliards de dollars en République Dominicaine.

Les mesures de régulations des transactions de change sont très importantes, mais elles ne sont pas suffisantes, elles ne pourront pas donner de résultats satisfaisants si le marché haïtien n’est pas suffisamment alimenté en devises étrangères à travers nos différentes sources de rentrées de devises.

La recherche de la stabilité du taux de change en Haïti c’est tout un package, on ne peut pas aborder un aspect et ignorer l’autre le plus important qui est la très mauvaise position économique d’Haïti sur la scène économique internationale.

 

Riphard Serent, MPA

Economiste

 

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