Le Panama submergé par le flux d’Haïtiens transitant sur son territoire en direction des États-Unis
Le président de la République du Panama, Juan Carlos Varela, a rencontré la presse de son pays la semaine dernière pour l’informer que le Panama traverse une des périodes les plus « critiques » de son histoire en termes de flux irrégulier d’immigrants, selon ce que rapporte l’agence EFE.
Des centaines de migrants arrivent chaque semaine à Peñita, un village autochtone niché dans la jungle du Darién Panaméen, dans de frêles esquifs avec comme seul objectif : continuer leur dangereuse route vers un avenir incertain en Amérique du Nord pour, in fine, atteindre les États-Unis.
Le président panaméen a entretenu les journalistes de la mise en place d’un programme avec le Costa Rica pour desservir quelque 4 000 personnes en provenance d’Haïti et en dehors du continent. Il leur a ensuite parlé d’un « fonds de migration », doté de plus de 35 millions de dollars, permettant de couvrir aux dépenses engagées par le Service national des frontières (Senafront) et au service de protection des établissements chargé de venir en aide aux migrants.
Ces migrants – en provenance majoritairement de Cuba, d’Haïti et du Népal – convergent en deux points, l’un situé entre la province de Darién, frontalière de la Colombie, et l’autre situé dans la province de Chiriqui, limitrophe au Costa Rica.
« Dans cette jungle, j’ai eu de la chance […] J’y ai vu de mes propres yeux des personnes mourir», a raconté à EFE Joseph Casséus, un Haïtien de 40 ans qui voyage avec sa femme enceinte de 39 ans. Après avoir vécu plusieurs années au Brésil, il a décidé de tenter sa chance ailleurs en optant pour ce long périple vers les États-Unis.
« Nous vivons l’un des moments les plus critiques de la crise migratoire du pays, avec plus de 4 000 migrants qui se trouvent actuellement entre Darién et Gualaca. La plupart d’entre eux sont d’origine haïtienne et extracontinentale et sont en route pour l’Amérique du Nord », a expliqué le président Varela aux journalistes.
Un total de 1 516 Haïtiens, Cubains, Africains ou Asiatiques sont rassemblés dans une sorte de camp temporaire d’aide humanitaire géré par Senafront à Peñita, tandis que 1 560 autres se trouvent à Bajo Chiquito, de l’autre côté de la rivière Chucunaque, premier point d’arrivée des migrants.
Plus loin, le chef de l’Etat panaméen a rappelé que 2016 constitue une année record avec le transit de 28 000 migrants irréguliers sur le sol du Panama. L’année 2019, a-t-il prédit, est bien partie pour battre ce record.
Selon les chiffres du Senafront, plus de 11 100 migrants cette année ont déjà franchi le sol panaméen en provenance de la frontière naturelle avec la Colombie.
Pour faire face à ces arrivées massives et incessantes de migrants, le Panama et le Costa Rica ont été contraints d’appliquer conjointement un programme appelé « Flux contrôlés ».
Il s’agit d’un processus de vérification sanitaire et biométrique permettant de comparer les informations avec des bases de données américaines et d’autres pays afin d’établir le profil de ces migrants et déterminer ainsi s’ils génèrent ou non une menace épidémiologique.
« Le Panama met en œuvre l’opération Flux contrôlés pour défendre les droits humains des immigrés. La population (panaméenne) n’a jamais été affectée par ces flux migratoires ; bien au contraire, c’est une tâche très professionnelle qui ne permet à aucun trafiquant d’êtres humains d’en tirer profit », a-t-il déclaré.
Le chef de l’Etat du Panama a ensuite indiqué que la majorité d’entre eux arrivent de la Colombie par des passes ou des sentiers illégaux jusqu’à leur arrivée dans la jungle panaméenne inhospitalière de Darién. Malgré cela, il dit ne pas envisager de fermeture entre la frontière naturelle pour empêcher l’arrivée d’immigrants sans papiers.
« Fermer la frontière avec la Colombie reviendrait à menacer la vie de ces personnes », a expliqué le président Varela, confiant avoir remis une centaine de migrants par jour aux autorités du Costa Rica.
En ce qui concerne les 4 000 immigrants haïtiens, le président panaméen a estimé qu’une période d’un mois était nécessaire pour les héberger dans le pays voisin, à savoir le Costa Rica. Et ceux qui présentent des irrégularités dans les contrôles biométriques seront déportés dans leur pays d’origine.
La traversée n’est pas exempte de dangers. Un migrant haïtien de 28 ans, arrivé à Peñita avec son épouse et son fils en provenance du Chili, où ils ont vécu pendant 6 ans, a raconté à EFE comment ils se sont fait dépouiller de tous leurs biens en Colombie.
Des chiffres communiqués par le responsable du programme de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) au Panama, Gonzalo Medina, à EFE font état de 79 personnes seulement traversant le Darien en 2006 ; en 2012, cette quantité s’élevait à 1 777, avant de grimper en flèche pour atteindre 29 289 en 2015 et 30 055 en 2016.
Patrick Saint-Pré
Le Nouvelliste