Jovenel Moïse dit avoir tiré la leçon des émeutes de juillet dernier
Les émeutes des 6 et 7 juillet 2018 hantent encore l’esprit du président de la République. Intervenant à la tribune des Nations Unies, Jovenel Moïse affirme avoir tiré la leçon de ces événements qui, selon lui, ne doivent pas être sous-estimés. Cependant, il a accusé les bailleurs de fonds qui ont une vision « trop étriquée de l’aide au développement… ».
Les émeutes des 6 et 7 juillet dernier à la suite de l’augmentation des prix de l’essence sur le marché local en Haïti ont été au cœur du discours de Jovenel Moïse à la 73e Assemblée générale de l’ONU. Même s’il sait que les conditions du Fonds monétaire international (FMI) sont un passage obligé pour le pays, le chef de l’État, à la tribune de l’ONU, n’a pas oublié que c’est le FMI qui avait fait pression sur le gouvernement pour le pousser à augmenter les prix de l’essence à la pompe.
« En juillet dernier, suite à l’application de la loi sur l’ajustement des prix de l’essence conclue avec le Fonds monétaire international, le pays a vécu la fâcheuse et douloureuse expérience d’un soulèvement populaire en réaction aux exigences du Staff Monitored Program conclue avec le Fonds monétaire international », a rappelé le président de la République.
Cette expression violente de mécontentement d’une partie de la population, a-t-il dit, ne peut être sous-estimée. « Elle a posé avec une acuité particulière la question centrale des 5 risques associés à l’extrême précarité socio-économique et au manque de perspectives économiques. De plus, elle a mis en relief la fragilité des acquis obtenus. Aussi réels et incontestables soient-ils, ces acquis obtenus de haute lutte peuvent être mis en péril en l’absence d’un soutien adéquat sur une longue durée », a expliqué Jovenel Moïse.
« L’un des enseignements que nous avons tirés de cette crise est que les réformes structurelles sont un processus de longue haleine, qui, tout en étant indispensables, ne peuvent pas être entreprises dans de courts laps de temps et les conditions souvent trop rigides imposées par les partenaires techniques et financiers, sans tenir compte de la réalité socio-économique de chaque pays », a-t-il expliqué.
Sans vouloir en rejeter le blâme sur quiconque, a nuancé le chef de l’État, il y a lieu de noter que le récent soubresaut enregistré a été, en grande partie, la résultante d’une vision trop étriquée de l’aide au développement, qui ne permet pas toujours à nos partenaires internationaux de reconnaître la nécessité d’une approche moins fragmentée, moins rigide, plus intégrée, bref, plus cohérente des problèmes interdépendants de développement et de sécurité, et beaucoup plus en adéquation avec les cinq principes de Paris sur l’Administration et l’efficacité de l’aide publique au développement et le Programme d’action d’Accra. »
Jovenel Moïse a fait savoir à la communauté internationale et aux bailleurs de fonds que « le succès de la stratégie de pérennisation de la paix et des acquis, à laquelle nous sommes particulièrement attachés et sensibles, est tributaire, pour une large part, de la capacité du pays à obtenir les moyens additionnels susceptibles de lui permettre de surmonter ses handicaps structurels, de relancer notamment l’investissement public dans les infrastructures essentielles et de surmonter les obstacles auxquels se heurte la croissance et qui maintiennent près des trois quarts de la population au-dessous du seuil de pauvreté. »
La directrice du FMI, Christine Lagarde, qui avait rencontré Jovenel Moïse mercredi à New York, lui avait fait savoir ce qui suit : «Le FMI vous encourage à poursuivre la mise en œuvre de vos priorités, tout en privilégiant le filet de sécurité. Nous vous félicitons pour la lutte que vous menez contre la surfacturation et une meilleure rentabilité des ressources de l’État. Nous avons tiré les leçons des incidents du début de juillet. C’est pourquoi nous pensons qu’il faudra agir graduellement en appliquant les réformes fiscales. Il est important de poursuivre la réforme de l’État.»
Parallèlement à son intervention à la tribune de l’ONU à l’occasion de la 73e Assemblée générale, une dizaine de nos compatriotes vivant aux États-Unis manifestaient devant le consulat général d’Haïti à New York pancartes en main pour demander des comptes sur l’utilisation du fonds PetroCaribe.
Robenson Geffrard
Le Nouvelliste