Haïti – Économie: Perspectives sur la sécurité alimentaire pour le reste de l’exercice fiscal 2015-2016
Depuis vendredi dernier nous entamons le troisième trimestre de l’exercice en cours, donc il nous reste environ 6 mois pou boucler l’année fiscale 2015-2016 et définir les perspectives ou les stratégies de politiques socio-économiques pour 2017, notamment celles liées à la question de la sécurité alimentaire en Haïti qui reste de nos jours un grand sujet de préoccupation.
A quelques mois de la fin de l’exercice en cours, la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA) a publié un dernier rapport sur les perspectives de la sécurité alimentaire jusqu’au mois de septembre 2016, des perspectives très sombres qui sont pour la plupart les conséquences de nos choix en matière de politiques publiques formulées notamment au niveau du secteur agricole.
En effet, selon les experts de la CNSA, les prix des produits locaux tels que maïs et haricots vont continuer à augmenter d’entre 15 et 25 %, au moins jusqu’au mois de juin 2016, sous la pression de la demande combinée à un manque d’approvisionnement. Par contre, à partir du mois de juillet prochain les prix devraient amorcer une baisse saisonnière grâce aux récoltes escomptées. D’un autre côté, les prix des produits importés pourront poursuivre leur hausse, si la gourde continue de se déprécier par rapport au dollar américain.
Il faut dire que selon les données fournies par la CNSA, de nombreuses communes dans le Sud-Est, l’Ouest, le Sud, le Nord-Ouest, le haut Artibonite, le Centre et le Nord-est sont en situation de crise (Phase 3 de l’IPC) et y resteront jusqu’en juin 2016. Si les récoltes attendues en juillet 2016 sont plus abondantes que celles de juillet 2015, une amélioration de la situation reste très probable et ces zones pourraient passer en stress (Phase 2 de l’IPC). Cependant, dans certaines communes telles que dans les Nippes, le Nord-Est, le Sud-Est, l’Ouest, le Nord-Ouest et le Sud, les agriculteurs, déjà décapitalisés, auront beaucoup de difficultés pour acquérir les intrants agricoles nécessaires à la conduite de la campagne agricole de printemps, selon la CNSA. Donc les perspectives d’abondance de récoltes en juillet sont hypothéquées, pendant que la superficie normalement cultivée pourrait se réduire de 20 à 30%. Dans une évaluation rapide entreprise par la CNSA en décembre 2015 dernier dans les zones les plus affectées par la sècheresse, les résultats préliminaires indiquent que 72% des répondants ont affirmé avoir perdu plus de 80% de leur production.
Par rapport à ce tableau sombre d’augmentation des prix des produits locaux, de la dépréciation de la gourde, de la baisse de la production agricole et d’un manque d’accompagnement à très court terme aux agriculteurs décapitalisés, la sécurité alimentaire pour le reste de l’exercice en cours est très menacée et on risque d’avoir 1.4 millions de personnes de plus basculer dans l’insécurité alimentaire, ajouté aux 3.6 millions déjà existant, pour porter le nombre à 5 millions, comme la FAO l’a si bien prédit.
En termes de réponses, il faut dire que la FAO compte intervenir au niveau de trois départements pour un total de dix communes et 13 000 ménages pourront bénéficier d’une distribution de semences tolérantes à la sécheresse dans le cadre de la campagne agricole du printemps qui a déjà démarré. D’un autre il y a des projets de développement comme Feed the Future Haiti dans l’Ouest, RESEPAG et AVANSE dans le Nord et d’autres dans le département du Sud qui fournissent de l’assistance technique et financière aux agriculteurs dans leur zone respective d’intervention, mais ces projets ne pourront résoudre malheureusement ni le problème de l’agriculture ni le phénomène de l’insécurité alimentaire en Haïti.
Les alternatives pour pallier ce phénomène d’insécurité alimentaire en Haïti ne doivent pas se résumer exclusivement en de petits projets et assistance humanitaire, car le problème est beaucoup plus profond et plus complexe. C’est tout un système qui est malade. C’est toute une administration publique qui requiert des réformes en profondeurs. C’est tout un secteur agricole qui nécessite une politique de relance nationale avec des investissements de taille et des stratégies pour faire face aux aléas climatiques.
Riphard Serent, MPA (Policy)
Economiste
Radio Vision 2000