Les décrets sur l’ANI et la sécurité publique représentent un danger pour les droits et libertés, selon la FJKL
La Fondation Je Klere (FJKL), dans un rapport d’analyse des décrets portant création, organisation et fonctionnement de l’Agence nationale d’intelligence (ANI) et celui pour le renforcement de la sécurité publique, estime que l’exécutif, par ces textes juridiques, « menace les droits et libertés fondamentaux » dans le pays. D’entrée de jeu, l’organisation de défense des droits humains a indiqué que le décret portant création de l’ANI comme tant d’autres n’est pas applicable car ils n’ont cessé de soulever inquiétudes, surprise, étonnement, indignation et peur dans la société.
« Ces décrets, comme tous ceux pris par le président Jovenel Moïse, souffrent d’abord d’un problème de légitimité lié à la situation politique actuelle qui est un état d’exception non déclarée. […] L’ANI représente un danger réel pour le respect des droits et libertés fondamentaux garantis et protégés par la Constitution, les lois, traités et conventions internationales ratifiés par Haïti. Aussi le décret du 25 novembre 2020 pour le renforcement de la sécurité publique doit être purement et simplement rapporté », a écrit la FJKL.
Dans cette analyse, l’organisation de défense des droits humains avance l’ANI n’est pas créée dans le but de garantir la sûreté intérieure de l’État ni la pérennité de l’ordre démocratique et constitutionnel. Elle ne vise pas non plus à garantir la sécurité des institutions de l’État et la sauvegarde de la continuité du fonctionnement régulier de l’État de droit, des institutions démocratiques, des principes élémentaires propres à tout État de droit ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Avec ce que prévoit le décret comme autorité secrète, autocontrôlée, autosaisie, avec tous les pouvoirs de police judiciaire, d’information et d’instruction et bénéficiant, en plus, d’une immunité quasi absolue, l’Agence doit faire l’objet d’une législation plus adaptée aux valeurs d’une société démocratique, avance la FJKL. Elle a souligné au passage que ses méthodes et techniques qu’elle est appelée à utiliser, de même que ses structures de contrôle, ses rapports avec la justice doivent faire l’objet de définitions claires de manière à éviter les abus.
Selon la FJKL, l’idée de placer les agents de l’ANI au-dessus de l’administration, de la police et de la justice pour mieux les contrôler tout comme celle de l’immunité quasi absolue par ses agents pour les actes posés dans l’exercice de leurs fonctions doit être abandonnée. De même que les sources d’informations pour la collecte des données ou les activités qui menacent ou pourraient menacer l’Etat, telle organisation criminelle, terrorisme, extrémisme, prolifération, ingérence, fondamentalisme religieux … doivent aussi faire l’objet de définitions conformément aux compréhensions universelles de ces concepts dans la nouvelle législation à venir.
« La méfiance et l’inquiétude sont renforcées par la multitude des décisions et décrets pris par le gouvernement de Jovenel Moïse qui sont la négation pure et simple des droits proclamés et protégés par la Constitution et les conventions internationales ratifiées par Haïti », a ajouté la FJKL.
Jovenel Moïse et ses ressemblances avec Duvalier
Pour l’organisation de Droits humains, les agissements du président Jovenel Moïse présentent une telle similitude à ceux de François Duvalier au moment de conduire le pays vers la présidence à vie à un moment où la peur de voir le pays basculer dans une aventure sans lendemain se justifie et empêche même un débat ouvert et serein sur ses actes. À titre d’exemple, la manipulation constitutionnelle de Duvalier pour se débarrasser le 22 mai 1961 de la Constitution de 1957 qui lui interdisait sa réélection.
Du 31 juillet 1958 au 31 janvier 1959, pendant six mois, Duvalier a fait promulguer 142 décrets ayant force de loi et portant sur des sujets variés, tels modification du code pénal en vigueur, réorganisation des Forces armées d’Haïti, usage des fonds publics, etc. Duvalier s’est fait donc passer pour le maitre absolu de la législation.
Fort de cette comparaison, la FJKL estime qu’il n’existe pas non plus de cadre légal (ou cadre de référence) bénéficiant d’un large consensus politique et social permettant au président de la République de diriger pendant cette période exceptionnelle. D’où le problème de légitimité des décisions prises par un chef de l’Etat singulièrement seul et animé de la volonté de retour aux méthodes et pratiques qui rappellent étrangement une période que l’on croyait révolue.
Source: le Nouveliste