Sang, larmes et refus du silence

Funeste décompte. Quand les bandits tuent, kidnappent, volent et violent, le silence n’est pas une option. S’exprimer, marcher, un acte de résistance aux bandits, de pression sur les autorités pour que nos jours cessent d’être souillés par du sang et des larmes…

La liste des victimes d’actes criminels s’allonge. Les bandits, tels des soldats de l’Apocalypse, laissent sang, larmes et consternation dans leur sillage. Peu après 8 h pm, mercredi 22 mai 2019, des bandits ont fait feu au marché grouillant de monde de Saint-Michel de l’Attalaye et tué deux personnes : le pasteur, notaire et commerçant Gracia Dumont et Lubrène Fils-Aimé, a confié au journal Ginel Julcin, un journaliste de Radio Full Power.

Le décès de Lubrène Fils-Aimé, blessé mortellement au moment où il se rendait en courant au marché pour mettre sa compagne à l’abri, a été constaté au centre de santé et le pasteur, un notable de la ville, a rendu l’âme en chemin, vers un hôpital dans le Nord, a expliqué Ginel Julcin.

L’autre décès, celui de Mme Vincent Henry, une dame âgée, a vraisemblablement été provoqué par une crise cardiaque. Jimmy et Ironce Massillon ont été également blessés par balle, a indiqué Ginel Julcin, révélant que les bandits n’ont pas pu ouvrir le commerce du pasteur Gracia Dumont mis sous scellé par la justice.

Les faits se sont produits au marché, à quelques centaines de mètres du commissariat. Les policiers ne sont pas intervenus, a déploré le sénateur de l’Artibonite, Youri Latortue, préoccupé par l’extension du banditisme dans le département de l’Artibonite. « Après Marchand-Dessalines, Petite-Rivière, Gonaïves, c’est St-Michel de l’Attalaye.  Je crois que les bandits, non inquiétés par la police, la justice et les autorités de Port-au-Prince, sont dans une phase de consolidation », a analysé Youri Latortue, qui, entre colère et indignation, a indiqué qu’Arnel Joseph, le chef de gang, a récemment distribué de la nourriture à Marchand-Dessalines. Il sera difficile de les déloger, a-t-il dit, inquiet également de la multiplication des actes de banditisme  à Port-au-Prince.

Assassinat, viols et kidnapping…

Mercredi, en milieu de journée, Alix Gaillard, professeur depuis sept ans à la faculté des Sciences de l’UEH a été tué de plusieurs balles par des bandits armés circulant à moto. Il revenait de la banque, a appris le journal. Sa compagne a été blessée lors de l’attaque. Son état est « stable », a appris le journal d’une source bien informée.

Les étudiants sont sous le choc, la faculté est sous le choc, ont confié les professeurs Justin A Casimir et Janin Jadotte interrogé par Radio Kiskeya. Le conseil de direction va sortir une note. Une cérémonie d’hommage au professeur Alix Gaillard sera organisée pour exiger que les autorités prennent au sérieux cette situation d’insécurité. Les étudiants souhaitent manifester pour forcer les autorités à assumer leurs responsabilités, a confié le professeur Janin Jadotte.

Mercredi, quarante heures après l’assassinat par balle d’un agent de la CIMO, Jacques Junior Oscar à Delmas 2, le cadavre de l’inspecteur de police Dominique Jacques été découvert à Léogâne, commune où des membres de la population, comme aux Gonaïves il y plus d’une semaine, ont marché contre l’insécurité. Le coordonnateur du RNDDH, Pierre Espérance, a confié au journal que de janvier à date, au moins 19 policiers ont été tués par balle. Sur les trois dernières années, le nombre de policiers tués se trouvait entre 16 et 17. « Nous sommes le 23 mai, au cinquième mois de l’année, et le nombre de policiers tués a déjà atteint 19 », s’est inquiété Pierre Espérance, estimant « que c’est le comportement des autorités qui n’ont pas renforcé la police, qui ont laissé que la justice soit une passoire et qui ont renforcé les gangs qui sont à l’origine de l’insécurité ». Le militant de droits de l’homme dit s’inquiéter de la présence de gangs armés dans plusieurs communes du pays.

La Commission nationale de désarmement de démobilisation et de réinsertion a déjà dénombré l’existence de soixante-seize gangs armés dans le pays. Ce chiffre peut paraître énorme, mais il n’est pourtant pas exhaustif. «  Nous avons répertorié jusqu’à présent soixante-seize gangs à travers  tout le pays. Et nous n’avons pas encore terminé », avait  déclaré Jean Rebel Dorcénat, membre de la CNDDR, interrogé par  Magik 9 (100.9 FM).  Le nombre de membres de ces groupes armés varie. Certains comptent dix membres, d’autres quinze, d’autres soixante ou quatre-vingts. Le gang Lanmò Sanjou, à Croix-des-Bouquets, compte 349 hommes, avait informé Jean Rébel Dorcénat.

Qaund ils ne tuent pas, les bandits armés kidnappent et violent. Le journal a pu confirmer auprès d’une source digne de foi qu’un médecin, une jeune, allaitante, a été enlevée dans sa clinique, à Chemin des Dalles. Si des informations en rapport à ce kidnapping ont circulé sur les réseaux sociaux, une source bien informée a indiqué que le public n’est pas nécessairement au courant de chaque cas de kidnapping. Souvent, pour des raisons de sécurité, ils ne sont pas ébruités.

#Pafesilans face à l’insécurité, l’impunité et l’incurie des autorités

Ces derniers jours, des informations, des témoignages sur des viols collectifs d’étudiantes, le soir, en sortant de leurs cours, ont circulé  sur les réseaux sociaux et choqué des consciences. «  Le jour consacré à la fête des mères, le pays doit se mettre debout. Debout pour se battre pour soi, pour l’autre, pour ces jeunes femmes universitaires, pour les femmes de La Saline, de tous les recoins de Port-au-Prince, de tous les départements du pays. Je marche et me bats pour nous », a tweeté Pascale Solages, militante féministe, Petrochallenger avec un appel à marcher et à ne pas se taire le dimanche 26 mai 2019 contre les actes de violence et les viols. « Haïti, en avant ! Participez ! Venez, marchez ! Pour vous, pour votre mère, pour votre sœur, pour votre tante, votre cousine, votre grand-mère, votre belle-sœur. Venez ! Marchez ! Pour la vie. Pour dire non », a écrit Velina Charlier, Petrochallenger elle aussi. Marie Laurence Jocelyn Lassègue, femme politique, ex-ministre, militante féministe de longue date, a appelé les victimes, la société à ne pas se taire, à agir, à accompagner les victimes de viol et rappeler que le viol est un crime et le violeur un criminel.

La sécurité publique se dégrade à un moment où l’Etat ne parvient pas à contrôler l’entrée sur le territoire d’armes et de munitions. L’aggravation de la situation socioéconomique du pays n’aide pas. L’incertitude politique, la dépréciation accélérée du change et l’inflation, 17,7 % en avril enfoncent les ménages de la classe moyenne, asphyxient les pauvres qui glissent, s’engluent dans la pauvreté extrême.

Roberson Alphonse

Le Nouvelliste

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