Corruption : Haïti recule dans le classement 2018 de Transparency International
L’Indice de perception de la corruption (IPC) 2018, publié le mardi 29 janvier 2019 par Transparency International, montre qu’Haïti a régressé dans le classement mondial de la corruption en s’installant à une peu enviable 161e place sur 180 pays avec un score de 20 sur 100. En 2017, à pareille époque, le score d’Haïti était de 22 sur 100 contre 20 sur 100 en 2016 et contre 17 sur 100 en 2015, soit le pire score du pays sur ces trois dernières années.
« La corruption effrite la démocratie et produit un cercle vicieux en sapant les institutions démocratiques. En effet, plus ces institutions sont faibles, moins elles sont en mesure de contrôler la corruption », a déclaré Patricia Moreira, directrice générale de Transparency International, appelant à un redoublement d’efforts pour renforcer les freins et contrepoids et protéger les droits des citoyens.
En effet, une analyse croisée incorporant des données sur la démocratie dans le monde montre qu’un lien existe entre corruption et santé démocratique. Dans l’IPC 2018, les démocraties bien établies obtiennent en moyenne un score de 75 points ; les démocraties imparfaites un score moyen de 49 ; les régimes hybrides – présentant des éléments de tendance autocratique – arrivent à un score de 35 ; et les régimes autocratiques enregistrent les pires résultats, leur score moyen atteignant à peine 30 points.
A la lumière des contre-performances d’Haïti sur ces trois années, il ne fait plus aucun doute que le pays continue de présenter un degré élevé de corruption malgré les velléités du président de la République d’enrayer ce fléau constituant un boulet au développement économique national.
« Notre étude établit un lien évident entre démocratie saine et lutte efficace contre la corruption dans le secteur public. La corruption a beaucoup plus de chances de prospérer là où les fondements démocratiques sont faibles et, comme nous l’avons observé dans de nombreux pays, là où les politiciens populistes, peu démocrates, peuvent en abuser à leur avantage », a souligné Delia Ferreira Rubio, présidente de Transparency International.
Au niveau régional, les pires résultats en matière de corruption sont à mettre à l’actif d’Haïti (161) siégeant au bas de l’index avec un score de 20 points, suivi du Venezuela (168) avec un score de 18 sur 100 mais devancé par le Nicaragua (152) avec un score de 25 sur 100.
Le mauvais positionnement de ces trois pays reflète donc une corruption systémique et persistante.
Au haut de l’échelle, le Canada se classe systématiquement au premier rang de l’Indice de perception de la corruption (IPC), avec une note de 81 sur 100 pour l’indice de cette année. Les États-Unis demeurent au deuxième rang mais perdent quatre points de plus que l’an dernier pour atteindre un score de 71, leur plus bas résultat en sept ans. Les États-Unis se situent près de l’Uruguay en Amérique du Sud (70) et de la Barbade dans les Caraïbes (68).
Avec un score de 35, le Brésil a perdu deux points depuis l’an dernier pour atteindre également son score le plus bas de l’IPC en sept ans.
Dans l’ensemble, Transparency International note que la région ne parvient pas à lutter contre la corruption malgré certains progrès des pays comme l’Équateur et le Salvador qui, avec des scores respectifs de 34 et 35, ont tous deux augmenté leur score de l’IPC de deux points depuis 2017.
Avec un score moyen de 44 pour trois années consécutives, la région des Amériques continue de ne pas réussir à lutter efficacement contre la corruption. Le nombre de pays peu performants dans la région renvoie aux défis que doivent relever les systèmes démocratiques et la diminution des droits politiques en Amérique du Nord, du Sud et centrale par des dirigeants populistes et autoritaires.
Au niveau mondial, le Danemark et la Nouvelle-Zélande arrivent en tête de l’indice avec respectivement 88 et 87 points. La Somalie, le Soudan du Sud et la Syrie sont au bas de l’échelle avec 10, 13 et 13 points, respectivement. La région ayant obtenu le score le plus élevé est celle de l’Europe occidentale et de l’Union européenne, avec un score moyen de 66, tandis que les régions enregistrant les scores les plus faibles sont l’Afrique (avec une moyenne de 32), l’Europe de l’Est et l’Asie centrale (avec une moyenne de 35).
Depuis 2012, seuls 20 pays, dont l’Estonie et la Côte d’Ivoire, ont considérablement amélioré leur score, et 16 ont sensiblement régressé, parmi lesquels l’Australie, le Chili et Malte.
L’IPC 2018 s’appuie sur 13 enquêtes et évaluations d’experts pour mesurer la corruption du secteur public dans 180 pays et territoires, en attribuant à chacun un score allant de zéro (fortement corrompu) à 100 (très peu corrompu).
Pour progresser réellement dans la lutte contre la corruption et consolider la démocratie dans le monde, Transparency International appelle donc tous les gouvernements à :
renforcer les institutions chargées de maintenir l’équilibre des pouvoirs, notamment les freins et contrepoids au pouvoir politique, et veiller à ce qu’elles puissent fonctionner sans subir de pressions ;
combler les écarts au niveau de la mise en œuvre de la législation, des pratiques et de l’application des normes destinées à la lutte contre la corruption ;
soutenir les organisations de la société civile qui sont un relais en matière politique et assurent un suivi des dépenses publiques, en particulier au niveau local ;
soutenir les médias libres et indépendants et garantir la sécurité des journalistes de telle sorte qu’ils puissent travailler sans faire l’objet d’intimidations ni de harcèlement.
Patrick Saint-Pré
Le Nouvelliste