30 propositions d’amendement de la Constitution pour « refonder la nation »

Changer de régime politique, rendre le président de la République passible des tribunaux de droit commun, réduire le nombre de parlementaires, alléger le processus d’amendement de la Constitution… Après environ un an de travail, la commission spéciale de la Chambre des députés sur l’amendement de la Constitution a présenté, mardi à l’hôtel Karibe, 30 propositions d’amendement de la loi mère…

Le gratin de la société était là. À l’exception du chef de l’État et du Premier ministre, tous les membres des autres pouvoirs publics et des personnalités de toutes les couches de la société étaient au rendez-vous à l’hôtel Karibe le mardi 28 août. La commission dirigée par le député Jerry Tardieu impressionne et promet de refonder la nation à travers ces 30 propositions d’amendement.D’entrée de jeu, la commission propose de changer de régime politique. « Que le régime politique de la Constitution de 1987 change et fasse place à un autre régime où l’exécutif sera composé d’un président et d’un vice-président élus au suffrage universel. Le poste de Premier ministre est ainsi éliminé, ce qui aura aussi pour vertu d’éliminer l’espace de « marchandage » où viennent s’engouffrer des parlementaires désireux d’imposer des ministres en échange de leur vote de ratification de la politique générale du chef de gouvernement désigné et la formation de son cabinet », selon la première proposition d’amendement.

Toutefois, pour les commissaires, malgré ce changement majeur, le Parlement restera fort mais néanmoins cantonné dans son double rôle de légiférer et de contrôler l’exécutif. Cela permettrait également de ne plus perdre un temps précieux (plusieurs mois souvent) qui retarde l’entrée en fonction d’un gouvernement légitime apte à mettre en oeuvre les actions et politiques publiques attendues par la population.

Ensuite, « Que le président de la République ne soit plus ‘’conçu’’ comme mineur mais qu’il soit désormais passible des tribunaux de droit commun pour les crimes de corruption, c’est-à-dire qu’il soit poursuivi pour les crimes financiers éventuels et gabegie administrative qu’il aurait commis dans l’exercice de sa fonction de président. Tant qu’il est président, il est passible de la Haute Cour de justice. Lorsqu’il redevient simple citoyen, il sera passible des tribunaux de droit commun dans les formes prévues par la loi », propose la commission de Jerry Tardieu.

D’un autre côté, la commission propose que les cartels municipaux de trois membres soient désormais remplacés par un seul maire élu au suffrage universel, et que le maire soit assisté dans sa tâche d’une assemblée municipale composée d’un représentant de chaque section communale (l’ancien membre de CASEC devient un conseiller municipal et représente sa section au sein de l’assemblée municipale). Le sigle du conseiller de la section communale est CSC.

À ce niveau, la commission recommande l’élimination des ASEC mais que soit débattue en assemblée l’opportunité de garder le ou la conseillère de ville (anciennement délégué de ville).

« Que l’apurement des comptes publics ne soit plus une responsabilité partagée entre le Parlement et la Cour des comptes, mais soit désormais confié exclusivement à la Cour des comptes pour toutes les catégories de comptables publics (et non des ordonnateurs). La CSC/CA aura seule la responsabilité d’octroyer le certificat de décharge », propose la commission.

Elle a souligné qu’une autre option a émergé lors des discussions avec les secteurs de la vie nationale. Elle implique les étapes suivantes : « L’intéressé produit une demande de décharge à la CSCCA qui dispose d’un délai de six mois pour produire le rapport. Passé ce délai, l’intéressé bénéficie automatiquement de sa décharge. Si la Cour produit le rapport dans le délai imparti (c’est-à-dire dans les 6 mois), le Parlement dispose d’un délai d’un mois pour statuer sur le rapport de la Cour. »

Une autre proposition d’amendement vise à alléger le processus d’amendement de la Constitution en supprimant l’étape de la déclaration d’amendement et la proposition d’amendement sera examinée en Assemblée nationale pour être adoptée durant une seule et même législature.

La commission propose aussi que « que le quorum des séances soit réduit à 1/3 du nombre des parlementaires après trois appels nominaux sur un même ordre du jour, que la Chambre des députés dont les élus bénéficient d’une proximité plus rapprochée aux communes que les sénateurs ait seule la prérogative de voter le budget de la République, que la décision de la Chambre des députés s’impose lorsqu’il y aura conflit entre les deux corps après deux navettes d’un projet ou une proposition de loi».

Jerry Tardieu et son équipe proposent en outre d’améliorer le fonctionnement du pouvoir judiciaire et son indépendance en attribuant la dénomination de « Procureur » aux commissaires du gouvernement ; en permettant aux représentants du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) de prendre part aux phases d’élaboration et d’adoption du budget pour tout ce qui a rapport avec le pouvoir judiciaire, entre autres.

La commission propose que les juges de la Cour de cassation, les juges à la cour d’appel et les juges de paix soient nommés par le président de la République.

Elle propose également que le président de la République ait l’obligation de publier les lois et autres actes du corps législatif et de l’Assemblée nationale dans le journal officiel de la République dans un délai ne dépassant pas quinze jours, après le délai d’objection de huit jours dont il dispose. Dans ce cas, le Parlement a pour obligation de s’ériger en Assemblée nationale pour acheminer ladite loi au journal officiel de la République pour promulgation, précise la commission.

Par ailleurs, les commissaires veulent créer des circonscriptions législatives à l’extérieur pour permettre aux Haïtiens établis hors d’Haïti d’élire des représentants à la Chambre des députés. Le découpage extraterritorial dépend de l’importance démographique des populations haïtiennes de l’extérieur. Ainsi, les Haïtiens vivant à l’extérieur seront représentés au Parlement à travers des députés siégeant comme suit : un représentant pour les USA ; un représentant pour le Canada ; un autre pour l’Amérique du Sud ; un pour le Mexique, l’Amérique centrale et la Caraïbe ; un autre pour l’Europe, l’Afrique et l’Asie ; un représentant pour la République dominicaine et un sénateur pour l’ensemble des Haïtiens vivant à l’extérieur.

Dans la même logique, la commission propose que des nouvelles dispositions constitutionnelles sur la nationalité permettent le rétablissement des droits politiques pour tous les Haïtiens sans distinction ; le droit de vote aux élections haïtiennes et le droit de représentation parlementaire pour les Haïtiens vivant à l’étranger.

Pour permettre aux députés d’être plus efficaces, la commission propose que les périodes des sessions de la Chambre des députés soient désormais établies comme suit : la première allant du troisième lundi de janvier au deuxième lundi de juin, la seconde allant du troisième lundi de septembre au deuxième lundi de décembre.

Les commissaires proposent par ailleurs que l’exercice fiscal s’étend du premier janvier au 31 décembre.

Par ailleurs, ils proposent que soit changé le nom du Conseil électoral permanent en Conseil électoral national (CEN), que les candidats aient recours devant la Cour de cassation contre les décisions du CEP et que le Conseil électoral national (CEN) soit structuré en fonction d’une claire séparation des fonctions administratives et juridictionnelles.

Que soit complété l’article 284.3 en précisant la possibilité de consulter le peuple par voie référendaire afin de permettre une consultation de la population en ce qui concerne les grandes décisions politiques importantes.

L’une des propositions ayant retenu l’attention du public et recueilli le plus d’applaudissements est celle qui vise à réduire le nombre de parlementaires en un sénateur par département et un député par arrondissement.

À propos du rythme des élections et du mandat des parlementaires, la commission propose un mandat de cinq ans pour tous les élus. Cette formule permettra au pays de faire des économies avec l’organisation d’une seule grande élection tous les cinq ans, a fait remarquer la commission.

Selon le député Jerry Tardieu, la commission entend engager des discussions avec le Sénat de la République afin que le Parlement puisse éventuellement faire une proposition d’amendement consensuelle avant la fin de l’actuelle législature pour respecter la date limite prévue à l’article 282.1 de la Constitution de 1987.

Les membres de la commission : député Jerry Tardieu, commune de Pétion-Ville, président député Louis Marie Bonhomme, commune de Anse-à-Foleur, vice-président député Ronald Etienne, commune de Pestel, secrétaire-rapporteur députée Raymonde Rival, commune de Cornillon Grand-Bois, membre député Myriam Amilcar, commune de Saint-Michel de l’Attalaye, membre député Jacob Latortue, commune des Gonaïves, membre député Jacques Michel Saint-Louis, commune de Mombin-Crochu, membre député Price Cyprien, commune de Thomazeau, membre député Daniel Letang, commune de Port-à-Piment, membre

Robenson Geffrard

Le Nouvelliste

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