La grève des douaniers risque d’avoir des conséquences négatives sur les prévisions de croissance 2018

Source Riphard Serent, MPA / Economiste / riphardserent@gmail.com | Radio Vision 2000 

Cette grève qui persiste depuis environ une semaine au niveau des douanes d’Haïti risque d’avoir des conséquences néfastes sur les prévisions de croissance économique fixées par les autorités dans le budget 2018, selon notre toute dernière analyse de la situation, en considérant les impacts sur un ensemble de secteurs qui contribue directement à la croissance du PIB du pays.

D’abord, il faut rappeler que dans le budget actuel, le gouvernement prévoit de rentrer environ 93 milliards de gourdes, en termes de recettes domestiques, dont 19 milliards des douanes haïtiennes. Ceci représente environ 20% du total des recettes domestiques prévues en 2018 dans le budget. Avec cette grève au niveau des douanes, le gouvernement est en train d’enregistrer des manques à gagner énormes, soit déjà plus d’un demi-milliard de gourdes de recettes. Par conséquent, le gouvernement risque de voir la part des douanes diminuer dans les recettes fiscales totales prévues pour l’année, ce qui pourrait réduire les marges de manœuvre du gouvernement pour répondre à certains engagements. De plus, on risque de voir le déficit budgétaire accentuer beaucoup plus que prévu en 2018.

D’un autre côté, l’un des secteurs clés qui subit les conséquences de cette grève dans les douanes et qui représente une part importante du PIB du pays est le commerce extérieur, soit un peu plus de 35% du PIB du pays en 2017. En parlant de commerce extérieur il faut voir tout de suite les exportations d’Haïti de biens qui reposent sur le textile, soit à plus de 90%. Aujourd’hui, le secteur textile est pratiquement en crise, le parc Caracol menace de fermer ses portes, des dizaines de milliers d’ouvriers sont au chômage conjoncturel, des engagements du secteur textile envers des fournisseurs internationaux ne peuvent pas être honorés, des intrants pour les activités de production sont bloqués dans la douane. Fort de tout cela, entre autres, il faut s’attendre à une chute du secteur textile pour 2018, comme c’était le cas en 2017 (baisse de 2%) avec la grève des ouvriers ou la crise du salaire minimum.

Il ne faut pas oublier également une rareté possible de certains produits sur le marché local, ce qui ne manquerait pas d’avoir des conséquences sur les prix de ces produits et le fonctionnement du secteur commercial qui représente un peu plus de 20% du PIB du pays. Plus loin, on pourrait penser aussi à ces entrepreneurs et ces commerçants dont leurs activités sont pratiquement paralysées à cause de leurs marchandises qui sont restées bloquées au niveau des douanes du pays.

Peu importe le bien fondé ou pas des revendications des douaniers, Il faut dire que ces manques à gagner pour l’Etat, en termes de recettes fiscales, les impacts sur le commerce extérieur, notamment le secteur textile, et les conséquences sur les activités commerciales du pays risquent d’hypothéquer les prévisions de croissance de 3.9% fixées par les autorités pour 2018.

Alors qu’Haïti a besoin de réaliser des taux de croissance de 7 à 8% sur une période de 25 ans pour réduire une bonne partie de la pauvreté, comme le visent actuellement le Rwanda et l’Ethiopie qui sont sur la bonne voie, Haïti ne peut même pas faire 3% sur 10 ans et aujourd’hui, au lieu d’une amélioration, la situation s’empire et devient de plus en plus alarmante pour les prochains trimestres.

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