Haïti – Politique: Rapport d’enquête sur l’utilisation des fonds PetroCaribe
Source HL/ HaïtiLibre
Mercredi la Commission sénatoriale permanente « Éthique et Anti-corruption », Présidé par Youri Latortue a remis à Ronald Larèche Président du Sénat son rapport et rendu public le même jour, un résumé de ce rapport d’enquête [très politique] sur l’utilisation des fonds du programme PetroCaribe que nous vous invitons à partager :
Texte intégral du résumé du rapport d’enquête sur le fonds PetroCaribe :
« […] Le 12 avril 2006, Haïti a adhéré au programme PetroCaribe après la signature de la convention y relative par les présidents Hugo Chavez du Venezuela et René Préval d’Haïti. Ce programme constitue une facilité offerte à divers pays de la région pour faire l’acquisition des produits pétroliers à un coût raisonnable et payer leur commande suivant des modalités avantageuses. Haïti avait ainsi la possibilité de payer un certain pourcentage de sa facture pétrolière à la livraison et de verser le solde dans un fonds qui devait servir à financer des projets économiques et sociaux. Il s’agit en fait d’un prêt concessionnel au taux préférentiel de 1% l’an remboursable sur vingt-cinq (25) ans avec un délai de grâce de deux (2) ans.
Dès sa mise en application en 2008, jusqu’au 21 mars 2016, le Fonds PetroCaribe a monétisé USD 3 833 890 217,58. À partir de ce montant, le BMPAD paye comme dette à court terme (30 jours) pour les produits pétroliers reçus USD 1,714,288 623,21. La somme de USD 2 119,601 594,37 a alimenté le budget d’investissement de l’État sur cette période. Depuis 2013, Haïti, qui avait bénéficié d’une remise de sa dette externe en 2004, a dû introduire de nouveau dans son budget une ligne pour le service de la dette.
Les ressources du Fonds PetroCaribe ont servi à financer de multiples projets à travers le payshttp://www.haitilibre.com/article-13289-haiti-politique-rapport-petrocaribe-le-moment-de-verite.html Cependant, à tort ou à raison, nombreux sont les citoyens qui s’interrogent sur l’utilisation efficace de cet argent par les gouvernements qui se sont succédé ces dernières années. Il y a au sein de la population le sentiment qu’au mieux, ces fonds ont été mal utilisés et au pire ont été en partie détournés pour servir à enrichir personnellement certains dirigeants qui avaient la responsabilité d’en assurer la gestion.
Il est donc justifié que des représentants du peuple se saisissent de cette question et fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour éclairer la nation sur la réalité de ces faits imputables à des dirigeants ayant eu à charge la gestion des deniers de l’État. C’est dans cette quête de la vérité que la Commission Éthique et Anti-corruption du Sénat a décidé de mener une enquête aussi complète que possible sur d’éventuelles malversations dans l’utilisation des fonds PetroCaribe.
Compte tenu de l’énormité de la tâche et de la limitation des moyens matériels et humains dont elle disposait, la Commission n’a pas pu investiguer chaque projet et chaque décaissement effectué. Cependant, la Commission a eu le souci permanent de veiller à éviter toute partisannerie dans l’exercice de ses travaux. Les investigations ont porté sur tous ceux qui ont eu la responsabilité de la gestion du fonds sans égard pour leur rang ou pour leur appartenance politique.
Ainsi, ont été analysées les transactions réalisées par les administrations Préval/Pierre-Louis (septembre 2008 – octobre 2009) USD 197 500 000.00, Préval/Bellerive (novembre 2009 – mai 2011) USD 348 240 830,01, Martelly/ Conille (novembre 2011- Mai 2012) USD 210 303 222,68 , Martelly/ Lamothe (Mai 2012 – Décembre 2014) USD 668 315 429,20, Martelly/Paul (Janvier 2015 – Mars 2016) USD 280 003 698,66. Aucune administration n’a été laissée de côté. L’obligation de rendre compte concerne toutes celles et tous ceux qui ont eu le privilège et l’honneur d’être aux commandes des affaires de l’État.
D’une manière générale, il est apparu clairement que le système mis en place pour la gestion des fonds PetroCaribe, couplé à une utilisation abusive des dispositions des lois d’urgence successives, ont créé une situation qui a permis aux dirigeants d’échapper à tout contrôle dans l’attribution des marchés et surtout dans la détermination des prix facturés à la collectivité. Les décaissements se font en principe sur la base de résolutions adoptées en Conseil des ministres et sur lesquels étaient imputés des projets présentés par différents ministères. Mais pour brouiller les pistes, les dirigeants ont pris la mauvaise habitude de modifier les résolutions de manière imprécise en omettant d’indiquer que certains montants figuraient déjà dans des résolutions précédentes ou modifier des contrats sans signer d’avenants ou de donner des ordres aux entreprises contractantes d’exécuter des tâches différentes de celles prévues. Et dans les cas les plus fragrants, de signer des contrats sans résolutions pour les autoriser. Tout ceci a rendu très difficiles les recherches et a compliqué les investigations.
Un autre élément troublant est le recours systématique aux lois d’urgence pour signer des contrats qui n’avaient rien d’urgent juste pour contourner les dispositions de la législation sur la passation des marchés publics, conçues justement pour garantir la transparence, éviter le népotisme et assurer que l’État obtienne le meilleur rapport qualité-prix. Des marchés ont été conclus sous la loi d’urgence et n’ont été exécutés que des années plus tard. Il est évident que la loi sur l’État d’urgence devra être revue ou interprétée par les tribunaux de façon restrictive pour éviter les dérives constatées. La justice doit demander des explications à ceux qui ont antidaté des contrats passés à partir de résolutions adoptées en 2013, 2014 et 2015, pour les faire tomber dans la période d’urgence qui s’est terminée en novembre 2012. La manœuvre est grossière et démontre, si besoin était, que ces administrations ont volontairement bafoué la loi pour éviter tout contrôle de la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP).
L’enquête a permis de confirmer les soupçons de népotisme et de prévarication et de corruption dans la gestion de ce programme. En effet, le recours au mécanisme de gré à gré ou d’appel d’offres restreint pour l’attribution des marchés publics a facilité la signature de contrats au détriment des intérêts de l’État. Des dirigeants ont autorisé, par exemple, trois sociétés appartenant aux mêmes personnes de faire des offres pour des marchés totalisant plusieurs centaines de millions de dollars, ce qui leur a permis de les rafler tous sans compétition. Quand la Commission retrouve des informations pertinentes montrant que ces personnes pourraient avoir fait des dons substantiels pour le financement de la campagne électorale de ceux qui allaient par la suite ordonner ou approuver ces marchés douteux, elle est en droit de demander aux instances judiciaires compétentes de pousser les investigations plus en profondeur.
La Commission a collecté suffisamment d’informations et mis au grand jour des pratiques inacceptables dans la gestion…..lire la suite sur haitilibre.com