Quand l’économie appelle les parlementaires haïtiens à mieux se comporter
Source Riphard Serent, MPA (Policy) Economiste / riphardserent@gmail.com || Le Nouvelliste
La précarité de l’économie et les perspectives économiques sombres pour l’exercice 2016-2017 nécessitent un meilleur comportement du Parlement. Tout comme la conjoncture politique attend une intervention célère de ces 114 hommes parlementaires qui consomment un budget d’au moins 3 milliards de gourdes pour 2016, en vue de remédier à cet imbroglio politique et réduire les anticipations négatives des agents économiques.
Le taux de change s’apprête déjà à atteindre 64 gourdes pour 1 dollar et risque de continuer à augmenter, si rien n’est fait pour calmer les incertitudes politiques. Le taux d’inflation risque de rester au moins dans les 15% pour le reste de l’année. Le gouvernement provisoire entend continuer à réduire les déficits budgétaires et le financement monétaire de la BRH, à travers notamment la politique du «cash management», tout en pénalisant certains projets d’investissement public. D’un autre côté, les prévisions de croissance économique pour 2017, bien que réalistes, sont fixées à seulement 2,2%. Et les menaces de la saison cyclonique sont proches.
À deux mois et quelques jours de la fin de l’exercice 2015-2016, rien ne peut être fait pour doper la croissance de 2016 qui ne va pas dépasser 1% cette année, selon les dernières prévisions des autorités monétaires. Donc, le cap doit être mis sur 2017 et le Parlement pourrait jouer un rôle majeur dans la relance de l’économie à partir de l’année prochaine, après deux ans de faible croissance, une fois que le personnel politique sera au grand complet avec notamment un président élu et installé le 7 février 2017.
La politique attend encore le verdict du Parlement. Le budget rectificatif est dans l’impasse, voire le projet de loi de finances du prochain exercice 2016-2017. Le secteur des affaires aussi a besoin du support de ce corps législatif, ce secteur qui joue un rôle capital dans la création de richesses, tant dans les pays développés que dans les pays en voie de développement ou à faible revenu. Néanmoins, le développement du secteur des affaires repose sur des cadres légales ou des lois. En fait, selon la Banque mondiale, les pays bien classés dans son rapport sur la facilitation de faire des affaires (doing bussiness) sont ceux qui ont «adopté des lois favorables à la création et à la gestion d’entreprises, qui facilitent par exemple l’accès au crédit, l’enregistrement des cessions de biens et le règlement des taxes et impôts et garantissent l’exécution des contrats commerciaux».
En 2005, par exemple, il a fallu remplir neuf (9) formalités pour créer une entreprise au Rwanda, à un coût équivalent à 223 % du revenu par habitant du pays. Aujourd’hui, il n’y a que deux (2) démarches à effectuer en trois jours, pour un coût qui équivaut à 8,9 % du revenu par habitant. D’un autre côté, Rwanda est passé de la 143e place en 2009 à la 58e place deux ans plus tard (2011) dans les destinations de faire des affaires, grâce à l’adoption d’un ensemble de lois en faveur du secteur des affaires. Ainsi, les flux d’investissements directs étrangers sont passés de 118,67 millions de dollars en 2009 à 250,54 millions en 2010, puis à 267,7 millions en 2014.
Si le Parlement haïtien peut s’imposer d’élire un président au second degré et décider de son sort quelques mois plus tard, ce même Parlement pourra utiliser ses pouvoirs pour formuler et adopter des politiques publiques, qui deviendraient ensuite des lois, qui puissent aider à combattre l’insécurité, recapitaliser la classe moyenne, encourager l’émergence des start-up, renforcer les petites et moyennes entreprises (PME), renforcer les institutions publiques, résoudre le problème du cadastre, attirer des investissements directs étrangers, renforcer la réédition des comptes et lutter véritablement contre la corruption, entre autres.
L’économie haïtienne ne décollera pas par un miracle, mais plutôt par nos choix politiques et nos décisions de politiques publiques.