Haïti – Économie: Bilan économique 2014, quelles sont les perspectives économiques pour 2015?

L’année 2014 prend fin dans quelques heures et c’est bel et bien le moment du bilan, pour évaluer 2014 sur le plan économique et voir les perspectives pour l’année à venir. Il faut dire que notre bilan contrairement à beaucoup d’autres ne compte pas énumérer les différents faits qui ont marque l’année, mais de préférence de revoir les indicateurs économiques et l’évolution de certains secteurs porteurs de l’économie.

Premier élément de notre analyse, c’est la croissance économique. Hier nous l’avons clairement commenté à cette rubrique: sans surprise, l’économie haïtienne n’a pas pu atteindre l’objectif de croissance de 3.6% fixée pour l’exercice fiscal 2013-2014. Selon les estimations préliminaires de la Direction des Statistiques Économiques (DSE) du MEF le Produit Intérieur Brut (PIB), en volume, devrait croitre de seulement 2.8%, une croissance similaire à celle de 2012 et qui traduit une nette décélération par rapport à l’année dernière où l’économie avait franchi la barre de 4% de croissance.

De faibles taux de croissance qui confirment que nous ne sommes vraiment pas sur le point de devenir un pays émergent en 2030. Car cet objectif nécessiterait de préférence une série constante de taux de croissance très élevés pour ne pas dire a deux chiffres, à la chinoise. Bref.

En profondeur, quand nous regardons les composantes de la croissance du PIB, cette faible croissance de 2,8%,  nous avons remarqué une baisse substantielle par rapport à 2013. A titre d’exemple, la Consommation finale, en volume, a progressé de 2.3% contre 2.7% en 2013; l’investissement dans le pays, en termes réels, s’est tristement accru de seulement 2.0% contre 6.1% en 2013; et l’exportation, à prix constants, a augmenté de 4.5% contre 5% l’année dernière.

Dans ce bilan il faut noter également, la réduction de l’aide externe, qui normalement devrait être un bon signe en termes de réduction de dépendance, mais dommage cela a eu des impacts négatifs sur le financement de certaines activités, vu le poids du financement externe pas rapport à nos ressources internes. Il faut dire d’autre part que cette réduction de l’aide externe à Haïti est du à l’annulation de la dette et aux faiblesses de gouvernance, et à la faiblesse institutionnelle.

Un autre indicateur important est l’inflation. En effet, les prix à la consommation dans l’économie haïtienne ont été maintenus à un niveau relativement acceptable mais quand même moins bon que l’année dernière. Ainsi, l’inflation, à la fin de l’année fiscale de 2014, s’est chiffrée à 5.3% contre 4.5% en septembre 2013, soit une hausse de 0.8 point de pourcentage. Ce qui veut dire clairement que la croissance des prix des produits dans l’économie a été plus rapide en 2014 qu’en 2013. La dépréciation de la gourde haïtienne par rapport au dollar américain y est pour beaucoup. Rappelons que le dollar qui valait environ 43 gourdes en janvier est passé en fin d’année à 47 gourdes. Ce qui a rendu les produits importés plus chers notamment les produits alimentaires. Une situation qui a exacerbe la situation de l’insécurité alimentaire qui met en péril près de 40% de la population dans certaines  région comme le Nord’ouest, dans un contexte de perte de récolte et de sécheresse. La CNSA dans son dernier bulletin publie le mois dernier a exprimé beaucoup de préoccupation par rapport à cette situation.

Un autre élément qu’il faut mentionner est la hausse du prix des produits pétroliers à la pompe en Haïti depuis octobre, suite a la décision du gouvernement de réduire sa subvention pour ainsi arriver a réduire ses manques a gagner. Un développement qui a affecté le cout de la vie pour bon nombre de ménages notamment au niveau de leurs dépenses de transport.

D’un autre coté, le programme de Petrocaribe qui finance la plupart des investissements en infrastructures de l’Etat haïtien selon des analystes est devenu moins alléchant et à risque avec la crise économique au Venezuela et la chute du prix du pétrole sur le marché international.

Nous n’avons pas des chiffres officiels du CFI sur le volume d’investissement directs étrangers reçus par notre économie en 2014, mais de par notre observation nous admettons que l’économie a reçu quand même des millions de dollars notamment dans le tourisme et la manufacture, mais la mauvaise note de notre pays dans le rapport de Doing Business 2015 de la Banque Mondiale nous fait penser que les chiffres ne devraient pas être excellents. A rappeler que l’année dernière, nous n’avons pas pu dépasser la barre des 200 millions de dollars d’IDE soit 25 fois plus faible que notre voisin la République Dominicaine.

Donc pour reprendre le rapport Doing Business 2015, cette année, Haïti était classée 180e sur 189 pays en ce qui a trait à la facilité de faire des affaires. Il s’agit de l’un des pires classements du pays depuis la publication du rapport Doing Business puisque le pays occupait la 177e place sur 189 en 2014 et 174e place sur 185 en 2013 et 2012.

Coté tourisme, la note est plus encourageante, car le secteur touristique continue d’enregistrer de bons résultats. Pour les 9 premiers mois de 2014, les arrivées de touristes ont cru de 21, 1%.

Qu’en est-il du chômage ? Toujours pas de chiffres officiels, mais les diverses estimations font état d’un taux qui varie entre 40 et 50 %. Le pire dans tout cela, c’est que l’autre partie de la population qui est considérée comme occupée, est majoritairement dans l’auto emploi, ou dans des emplois précaires ou tout simplement informels.  En conclusion, Haïti maintient le taux de chômage le plus élevé de la région.

Cela justifie en grande partie le renforcement de notre dépendance vis a vis des transferts de la diaspora qui représente près d’un quart de notre PIB et constitue le revenu régulier de près de 30% de nos familles. Il faut aussi mentionner le renforcement de notre dépendance vis-à-vis des produits dominicains qui continuent d’envahir le marché haïtien sans des accords commerciaux cohérents et mutuellement bénéfiques pour les deux pays.

Bref ! Le décollage économique n’est donc pas pour demain. Les perspectives pour 2015 sont des plus sombres par rapport à la conjoncture politique du pays. Les réalisations en 2014 sont de petites envergures, disparates et ne rentrent pas un plan de relance globale de notre économie, malgré la présence du document de PSDH (plan stratégique de développement d’Haïti) qui n’est vraiment pas mise oeuvre comme prévu.

Les vœux traditionnels de fin d’année ne pourront pas trop aider, nous disons bonne année quand même à Haïti et àtous les haïtiens, mais, l’économie haïtienne de 2015 ne peut pas être bonne si les conditions ne sont pas réunies, si les acteurs politiques ne s’entendent pas, si les grands chantiers ne sont pas attaquées.  Elle sera aussi précaire si l’électricité ne devient pas plus accessible, si l’emploi ne rentre pas dans une politique adaptée, si le financement n’est pas devenu plus démocratique pour les petites et moyennes entreprises, si la justice n’est pas plus juste.

Etzer S. Emile, M.B.A

Economiste

Radio Vision 2000

etzeremile@gmail.com

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