Haïti – Économie: Le rapport bilan du Ministère de l’Agriculture pour l’exercice 2013-2014. Quelles réalisations ? Quels impacts ?
Le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural a présenté et validé en atelier son rapport du bilan pour l’exercice 2013-2014. Toutefois, il a fallu attendre un certain temps pour une publication officielle. Il faut encourager la démarche et souhaiter que toutes les entités ministérielles ou les directions, voire les entreprises privées entrent dans cette logique de rendre public les rapports d’activités et également les bilans financiers.
D’abord il faut dire que les actions sectorielles de 2013/2014 ont été conçues et exécutées selon les orientations du PSDH (Plan Stratégique de Développement d’Haïti) et en cohérence avec le cadrage technico-stratégique du Programme Triennal de Relance Agricole (PTRA) 2013/2014. Du point de vue programmatique, le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural a bénéficié d’un crédit de 6,9 milliards de gourdes incluant le fonctionnement soit 778,9 millions de gourdes et l’investissement avec 6,14 milliards de gourdes, soit 89% du budget alloué au Ministère de l’Agriculture. Au total cela représente 6 % du budget national, mais un montant qui est 30 % inférieur au budget de l’exercice précédent. Paradoxale quand même, avec moins d’argent pour espérer de meilleurs résultats.
En fin d’exercice, les dépenses globales sont estimées à plus de quatre (4) milliards de gourdes. Les décaissements ont été de 98.7 % pour le budget de fonctionnement, soit le montant de 768,6 millions de gourdes, alors que pour les investissements, ils ont été de 769,7 millions de gourdes sur les fonds du trésor public et les fonds engagés sur les ressources externes sont estimés à 2,5 milliards gourdes. Donc, au clair, le budget d’investissements était surtout finance par les ressources externes. Mais il faut dire que seulement 68.6% du budget d’investissement a été décaissé.
Ce rapport du ministère de l’agriculture parle de plusieurs réalisations au cours de l’année fiscale précédente. D’abord, le rapport parle de renforcement Institutionnel et de la gouvernance du secteur agricole, l’appui à l’agriculture familiale notamment avec les questions de subvention d’intrants agricoles et subventions de fertilisants. Le rapport a évoqué également le renforcement de l’agriculture à finalité commerciale notamment avec la création de l’Unité de Promotion à l’Investissement Privé dans le Secteur Agricole (UPISA).
Enfin le Ministère de l’Agriculture se vente de ses réalisations au niveau des infrastructures rurales et aménagement des bassins versants. A titre d’exemple, le rapport parle de plus de 5 800 hectares de terre irriguées et plus de 170,000 mètres linéaires de canaux curés contre d’autres réhabilités et d’autres construits.
Bref, nous devons nous questionner un peu sur le caractère objectif du rapport vu qu’il est produit par l’entité qui gère encore les programmes, donc il très probable que les réalisations soient plus bonnes dans le rapport que dans la réalité, surtout avec un gouvernement qui fait beaucoup de communication positive et de démonstration flamboyante, même quand les choses ne marchent pas bien.
D’abord, il faut admettre que l’efficacité des programmes n’est pas justifiée uniquement par des chiffres positifs mais nécessairement par l’atteinte des objectifs qui ont été fixés, et surtout avec les ressources dont on disposait. Cela veut dire, irriguer 5 mille hectares de terres n’est pas en soi un excellent résultat si on devrait irriguer 50 mille avec les mêmes ressources. A titre d’exemple la croissance de 4.5% du secteur prévu n’a pas été atteint. L’impact sur la réduction du chômage comme retombées des résultats au niveau agricole n’est pas du tout visible, au contraire, le dernier rapport de la Banque Mondiale sur la pauvreté parle d’accélération de la pauvreté en Haïti, notamment dans les régions rurales. La situation persistante d’insécurité alimentaire dans le Plateau Central et dans le nord Ouest, des zones alors à fort potentiel agricole, est un exemple palpable.
Peut être à l’avenir, dans 2 ou 3 ans, nous aurons a voir les impacts de ces ensembles de réalisations qu’il faut prendre avec des pincettes, mais pour l’instant, les régions à prédominance agricole souffrent beaucoup, d’ailleurs la sécheresse de l’année dernière, et les dernières inondations ont pratiquement entrainé la perte de près de 50% des récoltes dans plusieurs régions, en référence au dernier bulletin de la CNSA. C’est le moment pour d’autres entités, des universités, des partis politiques et d’autres organisations de réaliser des études sur ce secteur pour évaluer les progrès, mais surtout de mettre en lumière les défis et les obstacles pour qu’on puisse avancer plus objectivement sans se faire des illusions.
Etzer S. Emile, M.B.A
Economiste
Radio Vision 2000