Le dysfonctionnement des feux de signalisation à Port-au-Prince et ses impacts économiques
La semaine dernière, plus précisément le 4 mars 2014 la Commission Européenne a réuni à Bruxelles une vingtaine de ministres européens pour la plupart ministre de transport et des travaux publics pour débattre des questions liées à la communication, l’énergie et le transport dans une perspective d’augmentation de compétitivité et de lutte contre le chômage au niveau de l’Union Européenne.
Ces activités sont également très fréquentes dans notre région, en témoigne le montage et la poursuite par Trinidad and Tobago de son fameux « Program for Upgrading Road Efficiency », 2014-2016, un programme qui vise à augmenter le niveau d’efficacité du réseau routier de la Trinidad à l’horizon 2016 pour offrir un meilleur cadre des affaires, une meilleure mobilité des facteurs de production, et ainsi faciliter les investissements. Dans ce plan, entre 2014 et 2016, Trinidad va investir 3,5 milliards de dollars uniquement dans la construction et l’entretien de routes et ponts, un chiffre qui dépasse le budget total annuel de notre République.
Aussi bien qu’en Europe, ces forums, colloques, conférences sur le transport se font également ici en Haïti. On a surement des plans également qui peut être doivent déboucher sur de grands projets d’infrastructures routières à l’avenir, mais en attendant, il y a un petit détail qui frappe aux yeux et qui dérange dans les rues de Port-au-Prince.
En effet, il n’est pas un secret pour personne que depuis quelques mois, presque la totalité des feux de signalisation à Port-au-Prince ne fonctionnent pas. A Lalue, à Delmas, en Plaine, à Tabarre ou à Pétion-Ville, partout ou presque partout les feux rouges, verts et jaunes ne brillent plus et laissent les voitures, camions, motos et piétons dans le plus grand désordre possible. La défectuosité des panneaux solaires et des batteries d’alimentation constitue selon le chef du service de la circulation routière le commissaire Will Dimanche les principales causes du dysfonctionnement des feux de signalisation routière.
Cette situation ne facilite pas une bonne circulation routière déjà avec des routes exiguës et en mauvais état pour la plupart. Nous sommes donc exposés aux multiples accidents car la conduite automobile ici devient de plus en plus anarchique et dangereuse. Les règles du jeu sont des plus aléatoires. Cependant les conséquences du dysfonctionnement des feux de signalisation vont au-delà des accidents de la route.
C’est un problème qui a des incidences négatives sur la productivité des employés, sur l’efficacité des entreprises, la rentabilité des tap tap et autobus de transport publics, globalement sur le niveau de vie des habitants et tout simplement sur l’économie nationale.
C’est un problème de plus, alors que les infrastructures routières sont déjà en mauvais état, les réseaux routiers trop coincés, le mauvais comportement des conducteurs, l’inexistence des arrêts spécifiques d’autobus.
Nous sommes en 2014, pendant que même les petits pays de la Caraïbes ou de l’Amérique Centrale prennent très au sérieux les questions de route, de port ou d’aéroport, ne parlons pas d’électricité ou d’eau potable. Nous sommes en train de banaliser le dysfonctionnement des feux de signalisation. Nous fermons nos yeux, comme si c’était normal.
Le temps passé dans les embouteillages est majoritairement considéré comme perdu, n’étant utilisé ni pour le travail ni pour les loisirs. Cette perte a un coût économique très important. Si un million de personnes sur les 3 millions qui vivent dans le département de l’Ouest perdent une heure par jour en transports, cela représente un million d’heures par jour. Et on sait que le temps est un facteur de production au même titre que le capital financier ou le capital physique. C’est une ressource perdue. Le niveau de productivité des employés ou des entreprises en dépend. Ce qui pourrait se faire en une journée nécessitera une journée et demie à force de cumuler des heures d’embouteillage jour après jour.
Autre conséquence, les retards de livraison peuvent être dramatiques pour les entreprises. Des livraisons tardives des approvisionnements ou des services rendus avec des retards importants voire annulés ce sont des manques à gagner pour une économie déjà en manque d’activités. En plus de réduire la vitesse de circulation, l’embouteillage est une source importante de pollution atmosphérique, dû à une consommation supplémentaire de carburant. Donc, pour dire que les conducteurs privés ou chauffeurs de transports publics sont obligés d’utiliser un peu plus de carburant pour un trajet qui nécessiterait en temps normal une quantité moindre. En d’autres termes, une surconsommation énergétique. Un vrai manque à gagner, un cout supplémentaire, pour un bénéfice réduit pour le chauffeur de tap tap et un revenu diminué pour le conducteur privé.
D’un point de vue environnemental, le dysfonctionnement des feux à Port-au-Prince a un impact néfaste à cause de l’augmentation de la pollution qui engendre des coûts économiques et écologiques en croissance exponentielle.
Espérons en tout état de cause, malgré ces problèmes politiques classiques haïtiens que les autorités actuelles de ce pays agiront vite pour résoudre ce problème des feux de signalisations, voire mettre de nouveaux dans certains endroits où la nécessité est on ne peut plus grande, par exemple au carrefour de Gerald Bataille, à Delmas 33, à coté de l’hôpital La Paix et bien d’autre endroits. On ne peut pas penser développement, sans penser de meilleures conditions de transport et de circulation de biens et de personnes. Bref, cette question de feux de signalisation, nous avons juste voulu signaler sa gravité.
Etzer EMILE, M.B.A
Radio Vision 2000
etzeremile@gmail.com