Haïti – Reconstruction: Des maisons haïtiennes résistantes aux séismes testées au Centre Technique du bois (FCBA) à Bordeaux
Une reconstitution grandeur nature d’une maison de 22 m2, typique de l’habitat haïtien, renforcée par une structure bois, a été testée par des chercheurs français. (photo Stéphane Lartigue).
Un nouveau modèle de maison rurale résistant aux séismes a été soumis au test de la table vibrante du Centre technique du bois.
Le 12 janvier 2010, un séisme de magnitude 7,3 sur l’échelle de Richter ravageait la partie sud de l’île d’Haïti et sa capitale Port-au-Prince. Plus de 250 000 morts, 300 000 blessés, 1,3 million de sans-abri : le drame avait ému le monde entier et déclenché un vaste élan de solidarité. Trois ans plus tard, Haïti ne fait plus la une, mais le mouvement se poursuit. Dans la discrétion.
Ainsi une expérience cruciale pour la reconstruction vient-elle de se dérouler dans les locaux du Centre technique du bois (FCBA) à Bordeaux. Cet établissement possède, en effet, l’une des trois tables vibrantes disponibles en France qui permettent de simuler les tremblements de terre.
Sur la table de 6 mètres par 6 a été construite grandeur nature, en deux semaines, une maison de 22 mètres carrés, typique de l’habitat rural haïtien, en terre et en pierre. À ceci près qu’elle avait été renforcée par des croisillons de bois, sensés mieux absorber le choc. Pour analyser jusque dans leurs moindres détails les effets produits par une accélération de 0,3 G (équivalent d’un séisme de magnitude 7,3), l’habitation était bardée d’une soixantaine de capteurs reliés à des ordinateurs. Légèrement en retrait, quatre caméras numériques opérant à 1 000 images par seconde avaient été disposées pour mesurer les champs de déformation. À la manœuvre, Patrice Garcia, responsable du laboratoire de mécanique du FCBA, et Yannick Sieffert, chercheur à l’université de Grenoble. Parmi les spectateurs attentifs : Karl Balmont et Christian Belinga Nko’o. Le premier, président de l’association des Haïtiens de Bordeaux (Lakay), était intéressé à double titre puisqu’il est aussi ingénieur du génie civil. Il se rend chaque année dans son pays où il constate que « la reconstruction est au point mort par manque de moyens » et que « les compétences constructives ont disparu ».
Le second, architecte spécialisé dans le bâti en terre et plus largement à base de matériaux locaux, est le consultant de l’ONG allemande Misereor. Elle est partenaire du Groupe d’appuis au développement rural (Garu) d’Haïti, dans le cadre d’un programme de reconstruction de 5 000 logements. Cette ONG avait sollicité le laboratoire grenoblois CRA-Terre pour une assistance technique. Et ce laboratoire, lauréat d’un appel à projet sous l’égide de l’Agence nationale de la recherche (ANR), s’est vu confier la mission Reparh (Reconstruire en parasismique en Haïti). C’est dans ce cadre que s’est déroulée l’expérience bordelaise.
La simulation du tremblement de terre de janvier 2010 a duré moins d’une minute. La maison est restée debout, seuls quelques petits pans de murs sont tombés. Pour les concepteurs de l’opération, l’objectif est atteint. « L’essai a confirmé la pertinence du nouveau concept de maison », commente Patrice Garcia : « Alors que les remplissages de pierres et de terre peuvent se fissurer voir d’effondrer, l’ossature en bois assure la capacité de la structure. »
C’est d’autant plus important que la finalité reste de « préserver les vies ». Les paramètres enregistrés serviront à améliorer ce qui peut encore l’être. Ils serviront également de base à un modèle numérique à partir duquel sera établi un « procédé constructif » et donc reproductible des nouvelles habitations rurales haïtiennes. « On n’invente rien, renchérit Yannick Sieffert. C’est une innovation que l’on redécouvre car la maison à colombages est un concept ancien. »
Les maisons qui s’étaient écroulées il y a trois ans étaient surtout faites de terre et de pierres. Le pari du nouveau concept est non seulement qu’elles résistent au risque sismique mais qu’elles demeurent économiquement supportables par les populations, en utilisant des matériaux locaux disponibles ou apportés, car le bois est rare sur l’île.
Le coût de la maison testée à Bordeaux est d’un peu moins de 2 000 euros. Les bénéficiaires participent eux-mêmes à la construction : « On regroupe cinq ou six familles qui forment la main-d’œuvre, encadrées par des maçons professionnels », explique Christian Belinga-Nko’o. Le projet comprend également de la formation et du transfert de compétence.
Financée par le Conseil régional d’Aquitaine, la table vibrante du FCBA, mise au point par Patrice Garcia et son équipe, a pour mission première d’évaluer les constructions en bois à l’aune du nouveau zonage sismique français. L’expérience haïtienne lui confère toute sa pertinence. (http://www.sudouest.fr)