Haïti-Culture: Québec-Haïti, partagé entre deux îles
Québec voici Haïti
Je suis partagé entre deux îles, Québec etHaïti. Entre deux métiers, auteur, éditeur. Deux ordres géographiques, le chaud et le froid. Deux langues, le créole et le joual.
Je voudrais m’éviter cet arrachement à cette douce schizophrénie. Je suis un être divisé, mais enrichi.
Enrichi d’être à la fois d’ici et d’ailleurs. D’être ce paradoxe ambulant dans les rues de Montréal, avec l’odeur des fruits tropicaux et des phrases créoles.
C’est le destin des êtres, paraît-il, de vivre l’expérience troublante de la confusion des éléments et des paysages.
Il doit y avoir une éthique de l’ambiguïté.
Comment vivre avec ces mémoires et tracés, avec ces îles et autres territoires, qui interpellent et qui sont tous étranges et étrangers à leur manière. En rassemblant les continents. En abattant les frontières.
Je lis, d’une même voix, Gaston Miron et Davertige, Jacques Roumain et Gabrielle Roy, Louise Dupré et Marie Chauvet, Jacques Stephen Alexis et Anne Hébert.
Je suis citoyen de deux îles.
Pour exister, au-delà de la rhétorique de la diversité, il m’a fallu repousser la mer et amener les écrivains du Québec en Haïti pour leur dire voici mon peuple créole.
Ils ont la poésie dans les yeux. Ils ont le cœur à la fête, et ils ont appris à rêver au lever du jour.
Camarades d’Amérique, vos papiers !
Aujourd’hui, pour les dix ans de Mémoire d’encrier, maison d’édition que j’ai fondée à Montréal pour faire circuler librement les rumeurs du monde, et pour aménager les passerelles entre les imaginaires, je suis heureux d’être en Haïti.
Car nous sommes ensemble au bout du petit matin, dans la fraternité du poème, le combat pour un autre soleil.
Camarades du Québec, voici Haïti, terre de mon enfance, terre de mes doutes et espérances, tant qu’il est vrai qu’ « aucun peuple n’est plus petit que son poème ».
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Crédit photo : Sylvain Lewis (alterpresse.org)