les îles Cayemites se cherchent une place sur les cartes de l’aide

Le séisme du 14 août 2021, a fait 1 mort, 68 blessés graves. Il a provoqué la destruction de 215 maisons, laissé dans son sillage dévastation et désespoir aux îles Cayemites où l’on compte zéro médecin, zéro policier pour quelque 16 000 habitants qui s’abreuvent désormais avec leurs bêtes. Entre ciel et mer, petit saut sur l’île qui n’est ni sur la carte officielle de la République ni en bonne place sur celles des ONG et agences internationales.

 

« C’est là. Nous ne sommes plus très loin de Pointe-Sable », lâche Fatima, le capitaine d’une chaloupe après une bonne vingtaine de minutes à naviguer sur une mer calme, de Corail à destination des îles Cayemites, dans la Grand’Anse, peu avant midi, dimanche 5 septembre 2021.

Au loin, comme une aquarelle, les couleurs vives des toitures des maisons encore débout après le séisme du 14 août scintillent avant de mettre à notre approche les pieds à terre sur des roches baignant dans des déchets en plastique et des algues Sargasse.

Sur le littoral de la plus grande de ces deux îles, derrière les quelques bateaux et « bwa fouye » à quai, une évidence saute aux yeux : les dégâts du séisme enfoncent encore plus ces humbles gens dans les abysses de la pauvreté.

Le long de la « rue principale », sur plus de cent mètres, s’étalent des maisons effondrées, des pans de murs fissurés ou en partie renversés.

En parallèle de cette artère, dans un labyrinthe de « rues », dans ce qui ressemble à un amas de débris après une tornade, s’alignent une kyrielle d’hommes et de femmes désespérés ou qui remettent leur sort à Dieu. « Nous ignorons pas ce que nous allons faire », se lamente Réginald Didier, guide volontaire, courant après chaque histoire, de chaque drame vécu par ses voisins, dont un sexagénaire assis sur une galerie, à l’ombre que procure son taudis, sa petite-fille sur la jambe droite. Réginald Didier, ému, écrase un soupir alors que le vieux monsieur, accroché à sa foi, ici où tout part en vrille si souvent, rend grâce à Dieu d’être encore vivant. « Je rends grâce à Dieu. C’est lui qui a voulu que nous vivions ce temps, cet évènement », se rassure-t-il, philosophe, alors que sa fille, la vingtaine avancée, s’inquiète de la rentrée scolaire de son enfant et du sort des habitants de l’île qui ont perdu leurs maisons.

« 215 maisons ont été détruites », confie au Nouvelliste le père Bazile Marc Donale Oward qui, les jours ayant suivi le séisme, s’était mis en quatre, avec le support d’une ONG allemande, pour assurer la prise en charge de 68 blessés graves » dont certains ont été transférés soit à Port-au-Prince, c’est-à-dire à l’hôpital universitaire de Mirebalais, dans le Plateau central.

Le prêtre, qui « fait tout ou presque » sur l’île, sans aide publique mais avec le support des paroissiens et d’autres organisations sur place, s’exaspère.

L’État a abandonné les îles Cayemites où vivent 15 à 16 000 habitants sur cinq habitations, à savoir Mavet, Herbe Guinée, Nan Palmis,  Anse-Source et Anse-du-Nord. Aucune entité de l’État n’est encore venue ici après le séisme. Aucune visite. Ni du MSPP, des TPTC, ni de la délégation de la Grand’Anse, fustige le père Bazile Marc Donale Oward. « Nous sommes dans une situation lamentable à cause de notre position géographique », poursuit le religieux, déplorant au passage que le focus soit mis sur des endroits où des ONG et autres bienfaiteurs peuvent jouir de la visibilité. « Les zones qui sont dans le besoin ne trouvent pas d’aide », estime le religieux. « Il n’y a pas un seul médecin sur l’île. Pas de policier », déplore-t-il avant de souligner l’urgence des urgences : l’eau. Il n’existe pas de source d’eau sur l’île. Les 20 citernes de 20 000 à 40 000 gallons construites jadis par Caritas, une ONG catholique, pour recueillir l’eau des averses, ont été endommagées, indique le père Bazile Marc Donale Oward, qui lance un appel à des donateurs pour trouver des « châteaux d’eau », des réservoirs d’eau.

Furieux, Doumy peste. « Nous n’avons pas de citerne, pas de latrines. C’est à la mer que nous balançons nos excréments », se plaint-il. « Nous n’avons pas d’eau. Nous sommes obligés de boire où s’abreuvent nos bêtes. Nous contractons des maladies dans de pareilles conditions », tempête ce beau jeune homme dont les mots sont imbibés d’acide.

Sur l’île, les habitants comptent sur la solidarité de leurs proches qui vivent sur la grande terre ou dans la diaspora. Si nous n’avons pas déjà crevé la gueule ouverte, « c’est grâce aux saints diaspora », résume en quelques mots une mère de trois enfants qui angoisse quant à la rentrée des classes.

Pour passer les jours difficiles d’après-séisme, pour la rentrée, surtout avec la prochaine rentrée des classes, beaucoup comptent sur cette solidarité. Le père Bazile Marc Donale Oward qui dirige l’école paroissiale qui  accueille près de 500 élèves du kindergarten à la 9e année fondamentale, « soutient que la rentrée des classes » reste un souci. Cette année, dans cette situation de crise, il lance un cri au Programme alimentaire mondial (PAM) et au Programme national de cantines scolaires (PNCS). « Pensez aux îles Cayemites », insiste-t-il, estimant qu’il faut faire des sacrifices pour s’assurer que les enfants de l’île puissent aller au-delà de la 9e année dans leur cursus de formation.

Le pasteur Mickel Loiseau, pasteur de l’église baptiste de Pointe-Sable (MEBSH), fraichement implantée sur l’île, gère déjà la crise, avec l’appui des anciens. « L’église est gravement endommagée. Ce matin, c’est sous des bâches que nous avons tenu notre service », indique-t-il, à fond dans des discussions autour de la réouverture des classes. « L’école reçoit 69 écoliers », se souvient le pasteur Mickel Loiseau, qui « cherche des bâches pour construire des abris provisoires ».

 

 

 

Source: Le nouveliste

 

 

 

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