Le Viaduc de Delmas, nouvel outil d’évaluation du climat sociopolitique en Haïti

Les statistiques sont les premiers outils des journalistes pour évaluer la mobilisation sociales et l’importance des mouvements sociaux. Lors ces événements, certains chiffres sont manipulés par le gouvernement  pour minimiser la portée des protestations alors qu’ils sont souvent majorés par les organisateurs pour forcer la main aux décideurs. En Haïti, mouvements sociaux et médias ne font pas toujours bon ménage. Certains médias, pro-gouvernementaux, prennent carrément position et font pression sur les journalistes dans le traitement des informations. L’inverse est aussi vrai. Certains médias anti-gouvernementaux poussent les reporters à majorer les chiffres pour mieux sensibiliser l’opinion publique nationale et internationale sur la portée de ces mouvements sociopolitiques.

 

Depuis quelques mois, la mobilisation anti-gouvernementale récurrente, a obligé les organisateurs à faire preuve d’imagination pour mieux évaluer la portée de leur mouvement : Le viaduc de Delmas !

 

En effet, cette structure de béton, de métal et d’asphalte ne sert pas seulement à la circulation des véhicules mais encore à l’évaluation du climat social du pays. Ce petit pont surplombant l’intersection de la route de l’Aéroport, ne peut mentir ni aux spectateurs branchés à leurs téléviseurs par la magie de la retransmission mais aussi à leurs téléphones grâce aux réseaux sociaux, ni aux participants qui, au haut de ce lieu, peuvent facilement se faire une idée de l’importance de la foule répondant à l’appel des organisateurs. Le viaduc de Delmas est devenu incontestablement le nouvel outil de statistiques fiables permettant d’évaluer ces mouvements.

Les dates du 14 et 28 Février ont montré une fois de plus que la situation politique du pays est préoccupante. Les milliers de personnes remarquées sur le viaduc en disent long et le gouvernement devrait prendre de sérieuses mesures pour répondre aux attentes de la population qui demande plus de sécurité et des mesures concrètes pour combattre les gangs qui sèment la terreur dans la région métropolitaine et dans certains endroits du pays. Alors que les citoyens se préparaient à prendre les rues dimanche, un médecin très connu, Ernst Paddy encore appelé affectueusement par son entourage « Titi », a été abattu froidement de plusieurs balles à la tête par des individus cagoulés qui voulaient l’enlever dans une Toyota Noire. Une image qui fait le tour des réseaux sociaux grâce à une caméra de surveillance qui avait filmé la scène.

 

Une scène qui a, peut-être, servi de leitmotiv aux citoyens qui ne peuvent plus de ces nouvelles dramatiques et qui menacent la vie des personnes paisibles qui veulent vivre tranquillement dans leur terroir. La mobilisation sur le Viaduc est d’une signification telle que les organisateurs protestants n’ont même pas été cités dans plusieurs reportages des journalistes, car la cause était devenue nationale et citoyenne. Le Viaduc de Delmas pendant toute cette semaine restera vide avec le passage de quelques véhicules, mais les grondements sociaux resteront intacts si le gouvernement ne fait rien pour stopper cette hémorragie sécuritaire qui détruit les familles et enlèvent la paix aux citoyens qui ne savent à quel saint se vouer.

 

Mais au-delà de ces considérations sécuritaires, il y avait également sur le Viaduc un message hautement politique. Les manifestants entendaient démentir Mme Hélène Lalime, la Représentante du Secrétaire général de l’ONU en Haïti qui, dans son rapport au Conseil de sécurité,  avait souligné qu’environ 3.000 personnes prenaient part à des mouvements sociaux contre le gouvernement. Le Viaduc du 28 Février à multiplier ce chiffre. Même si aucune instance n’a donné les statistiques exactes de la participation, il était remarquable que des hommes politiques, des membres du secteur de la société civile, des militants d’organisations populaires, des jeunes, des religieux, bref, des milliers de citoyens ont marché contre ce qu’ils appellent l’intolérable politique.

 

Le message du Viaduc est, on ne peut plus clair. Et l’international devrait jeter un regard plus attentif sur la situation d’Haïti qui se somalise de plus en plus à quelques heures de vol de la plus grande démocratie du monde que représentent les Etats Unis d’Amérique. Ces citoyens qui ont marché dimanche ne l’ont pas uniquement fait pour le départ de Jovenel Moïse, mais encore pour le respect de la Première République Noire. Les Citoyens veulent la démocratie, l’alternance du pouvoir, le respect des minorités mais pas à n’importe quel prix.

 

Le Viaduc aura donc parlé une fois de plus !

 

 

 

Source: HPN   

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