Michel Patrick Boisvert braque de grands projecteurs sur les ombres du marché pétrolier
Premium imposé, index de fixation des prix bancal, frais absents de la structure de prix, gains et surgains engrangés dans l’opacité, le ministre de l’Economie et des Finances Michel Patrick Boisvert, sans accuser nommément aucune compagnie, braque de puissants projecteurs, donne un coup de pied dans la fourmilière du marché pétrolier en Haïti, sans faire l’économie d’un coup de griffes à l’Etat, à ses pairs fonctionnaires qui ont laissé faire les compagnies pétrolières… Le ministre annonce que le gouvernement se fait aider du FMI pour voir clair.
Le prix négatif du pétrole sur le marché international il y a quelques mois n’ayant induit aucune baisse à la pompe en Haïti et le fait que l’Etat a continué de subventionner les produits pétroliers, à l’exception de deux importations, ont mis la puce à l’oreille et fait ressortir la nécessité, au nom d’économie à faire, d’un « nettoyage de la structure des prix » des produits pétroliers, a confié le Michel Patrick Boisvert à la matinale de Magik (100.9 FM), mardi 9 juin 2020.
Le passage à la loupe de la structure des prix, a révélé le ministre, a permis de tomber sur le pot aux roses : des coûts non inscrits dans la structure de prix mais supportés par le trésor ; la perception de « gains, de surgains » par les compagnies pétroliers important elles-mêmes leurs produits depuis avril 2019 et qui fixent elles-mêmes des « premiums exagérés » payés également par l’Etat.
Frais de stockage payés, absents de la structure des prix…
Les frais de stockage ne sont pas inscrits dans la structure des prix. « Dans la structure de prix, il y a des coûts qui n’étaient pas pris en compte. Nous parlons du stockage. Quand le produit arrive, il est stocké à Varreux, Thor ou Martissant. Ce sont des corps de métiers à part. Vous ne voyez nulle part où l’on paie pour cela. Mais il y a des coûts liés à ces activités… Ce sont des coûts qu’il faut prendre en compte si nous voulons avoir une structure réaliste », a indiqué le ministre de l’Economie et des Finances, Michel Patrick Boisvert, qui a annoncé qu’il n’y aura plus de frais financiers dans la nouvelle structure de prix.
Les frais financiers mis en place par rapport aux fluctuations du taux change auxquelles l’importateur peut faire face ont fait leur temps. « « Dans la nouvelle structure, les frais financiers n’ont pratiquement aucun sens», a indiqué Michel Patrick Boivert. Le grand argentier de la République a évoqué d’autres perspectives de réévaluation de marges pénalisantes pour l’Etat. « Il y a des marges qui sont évaluées en dollars à l’intérieur de la structure de prix. La pondération de ces marges par rapport aux prix fixés n’a subi aucune modification (…) Toutes ces marges sont supérieures au niveau qu’elles devraient être. C’est-à-dire qu’il y a des revenus tirés qui sont pénalisants pour la structure, pour l’Etat, pour les consommateurs », a indiqué le ministre de l’Economie et des Finances, qui brandit la « transparence » en évoquant deux « postes qui méritent des réévaluations ». « C’est sûr qu’il y a des gains, des surgains qui ont été réalisés. Même si ces coûts n’apparaissent pas, ils ont été supportés », a-t-il dit.
Interrogé sur la durée et le montant de ces gains et surgains, le ministre a évoqué des analyses en cours. « Au moment où je vous parle, on est en train de conduire des analyses au ministère pour arriver à mettre des chiffres. Cela remonte à l’accord PetroCaribe, mais la situation s’est aggravée à partir du mois de mars 2019, lorsqu’il a été décidé que les compagnies réalisent elles-mêmes leurs importations», a souligné le ministre de l’Economie et des Finances. « L’Etat a payé au titre de subvention aux produits pétroliers une enveloppe d’environ 16 milliards de gourdes », a indiqué Michel Patrick Boisvert, qui a souligné que cette subvention mensuelle représente près de 2 milliards de gourdes.
Premium imposé à l’Etat par les compagnies pétrolières…
La libéralisation du marché ayant permis aux compagnies d’importer elles-mêmes du produit s’est accompagnée de premium imposé à l’Etat. « A partir d’avril 2019, chaque compagnie réalisait son importation avec ses prix. Ces prix nous tombent dessus. Elles communiquaient les prix et nous disaient quel premium qui est fait sur le produit. L’Etat a pris ces informations qui sont devenues pour lui des données. Il les a prises et les a matérialisées à l’intérieur de la structure des prix qui a donné lieu à la subvention par gallon de produit débité. Cela a fait des chiffres vraiment phénoménaux », a indiqué Michel Patrick Boisvert, soulignant que c’est la compagnie importatrice « qui donne son premium sur lequel l’Etat n’avait rien à dire ». « Vous comprenez.., », a-t-il ajouté, expliquant « le Premium est une composante dans la détermination du prix de revient ». Le prix de base tiré de l’indice Platts plus le premium qui donnent la valeur CIF du produit. C’est à partir de cette valeur que l’on va commencer à décliner ce qui est prévu pour les différents corps de métiers prévus dans la structure. Le premium est un élément important. Il permet de déterminer le prix dans la structure. Si le premium est exagéré, le prix est exagéré dans la structure, a insisté le ministre de l’Economie et des Finances.
Interrogé sur le fait, à ses dires, que les compagnies agissaient contrairement aux normes et que l’Etat ne faisait pas son travail, le ministre de l’Economie et des Finances, Michel Patrick Boisvert, a chargé l’Etat, le MEF où il a fait une bonne partie de sa carrière qui réalise avec le BMPAD la structure des prix. « Disons de préférence que l’Etat ne faisait pas son travail. Ce sont des investisseurs. Si l’Etat est absent, on ne peut qu’en profiter », a indiqué le ministre qui assure que l’Etat fait maintenant son travail. « Beaucoup de mesures ont été prises », a-t-il assuré, informant que l’Etat a passé contrat avec une firme pour avoir les données sur les coûts des différents opérations liées au commerce des produits pétroliers. Par ailleurs, le gouvernement a sollicité une assistance technique du FMI, qui débute le 11 juin, pour élaborer une structure des prix standard pour les produits pétroliers, a dit le MEF.
Entre-temps, la sortie de la libéralisation des importations de produits pétroliers a donné lieu à un nouvel appel d’offres gagné par la compagnie Prebel-Rish Haïti. « Avec l’appel d’offres, nous espérons avoir de meilleurs premiums pour que l’on puisse avoir des coûts, si d’aventure la baisse des prix continue, qui pourraient être répercutés sur le marché. Cela permettra de sortir de la subvention, commencer à faire des recettes et revenir aux dispositions de la loi de 1995 », a expliqué le ministre.
Interrogé sur Prebel-Rish, présentée comme une compagnie qui a des faveurs en haut lieu lui permettant de gagner des appels d’offres et d’engranger des contrats dans différents secteurs d’activité, Michel Patrick Boisvert s’est référé au BMPAD pour indiquer que la compagnie en question a un objet « un peu vaste ». Le MEF, via cet appel d’offres, cherchait un premium lui permettant de faire des économies, a insisté Michel Patrick Boisvert.
Questionné sur la capacité de Prebel-Rish à assurer la fourniture du produit dans le cadre de contrat de six mois, le ministre Boisvert a indiqué qu’il faudra attendre et voir ce que cela va donner. La compagnie a la garantie que nous allons la payer. Il y a un crédit qui va être accordé à l’Etat qui va nous permettre de mieux gérer le taux de change. L’Etat aura un délai relativement long pour payer. Nous allons pouvoir lisser les interventions sur le marché des changes pour éviter de grandes fluctuations, a soutenu le ministre qui, à l’avantage du secteur, a annoncé un ajustement à la hausse dans la structure des prix des frais de transport fixés de manière non réaliste à 1.5602 gourdes pour que le coût du gallon de tous les carburants soit au même prix sur toute l’étendue du territoire. Mais voilà, a reconnu le ministre, il y a une inadéquation du coût du transport selon le lieu où l’on se trouve. « Pour apporter un gallon d’essence à Port-de-Paix, cela coûte 23 gourdes, à Jérémie, 18 gdes. Au niveau de la zone métropolitaine, il est de 5 ou de 6 gdes. Il n’y a pas d’adéquation entre la réalité et 1.5602 gourdes inscrite dans la structure de prix. Cela mérite un ajustement à la hausse », a-t-il expliqué.
Source: Le Nouvelliste