Haïti-pauvreté : La Saline / Croix -Des -Bossales, le spectre de la reproduction de la pauvreté extrême et de l’indigence

Port-au-Prince, Haïti : La Saline/Croix –Des- Bossales fut une place de vente d’esclaves ou de bossales (Bazabas, 1997 :44) ; ces derniers que l’on a opposés aux créoles, durant toute l’histoire économique et sociale d’Haïti. Cette polarisation séculaire s’est dessinée dans une logique de colonie intérieure assimilée au pays en dehors, pour reprendre Gérard Barthélemy (2000). Ainsi assiste-t-on, dans la même lignée, à  l’exclusion d’un groupe majoritaire face à de nantis auto proclamés qui sont  ces créoles. Les paysans longtemps repliés dans les mornes, de plus en plus dépossédés et appauvris, ont finalement gagné les villes, et en transit pour l’étranger. Il sévit davantage de l’exclusion et la pauvreté extrême, avec la nature prédatrice de l’Etat haïtien existant.

 

Dans les années 1860, l’exode rural commençait à battre son plein dans un contexte d’expansion du capital international spéculatif dans le pays accompagné d’un embryon d’urbanisation. L’effritement des revendications au droit à la propriété et la dépossession du même coup de petits propriétaires ont donné lieu à ces migrations(CEPODE,2012 :107).Dans ce panorama est née l’enclave urbaine de La Saline, dans les proximités de la paroisse de Saint Joseph vieille des années 1870-frappée tout de suite après son établissement, de deux incendies, en 1879 et 1897 , suivi de celui de 1926.Ce, tout en ayant participé à  l’extension de la capitale de Port-au-Prince, de dix quartiers est passée à seize, à la fin des années 1890. Les incendies sont presque récurrents (1958) à la base du projet de Cité Simone Ovide Duvalier (Boucard, 1968) devenue en 1986 Cité Soleil. Les plus récents incendies sont ceux de 1993, durant le sanglant coup d’Etat militaire d’alors et en novembre 2018 selon les enquêtes policières autorisées de la Direction Centrale de Police Judiciaire d’Haïti.  

 

Aussi, un peu plus tard, avec la promotion de la politique de substitution par importation a été érigée la première Cité ouvrière à Croix Des Bossales-La Saline, soit dans les années 1930, au prix de dépossessions et d’éradications de taudis des pauvres établis dans des lieux délaissés par des nantis pour leur valeur dérisoire et leur positionnement marginal. Ces éradications sont répétées et recoupent tous les régimes politiques. Le bidonville de La Saline/Croix-Des-Bossales fut déjà le plus infect de la capitale (Corvington, 1987 :212) ; cette condition n’a pas changé jusqu’à date. En effet, cette réalité est pareille dans la plupart des villes latino-américaines et ceci explique la lutte pour le droit à la ville dans l’accès au sol et l’appropriation des mécanismes de logement et des services urbains » (Debuys et Yepez Del Castillo, 1987 : 223). Le plus souvent, il s’agit d’occuper les interstices de l’espace dominant de ces nantis. Ce qui est une forme d’intégration perverse (FLACSO, 1997), soit un abri ou un cadre permettant d’être « quelque part ». Tout renvoie au droit d’établissement qui soit un attribut au droit à  la ville. Nous nous gardons d’indiquer les législations haïtiennes qui séparent de manière étanche l’espace citadin de l’espace paysan, pour un autre papier. Cette séparation n’est formellement dépassée récemment qu’en 1991.Ce, à l‘avènement d’une participation météorite du peuple » bossale » sur l’échiquier politique, lors des élections du 16 décembre 1990, suivi de désillusions malencontreusement. 

 

Ainsi ce « quelque part » conquis est-il le plus souvent à l’origine un lieu vide, un terrain d’extension urbaine. C’est le cas des populations à La Saline entre autres. Jadis ces fils de « Bossales » furent traités de vagabonds et d’oisifs lorsqu’ils fuient les règles sévères du caporalisme agraire pour s’établir dans les villes (Barthélemy,2000). Ils/elles sont des itinérants qui ne vont que s’entasser dans des conditions précaires, d’insalubrité et de misère dans ces « quelque part » ou lieu vide appelés plus tard Bidonvilles. Il a été des lors associé travail informel au fondement économique des bidonvilles et des zones marginales urbaines (Cadet,1996 :72).Ainsi devrait-on assigner à a ces itinérant/e/s des rôles subalternes dans le procès du capital dans les activités domestiques, la prostitution, le travail dégradant, les petits métiers a revenus insignifiants , et comme chômeurs structurels (Castells, 1976).Les populations (pobladores) de La Saline-Croix Des Bouquets se sont reproduites dans la pauvreté extrême et l’indigence de la période coloniale à la phase de » veille Onusienne » de 2005-2019 , en passant par la période dite haïtienne  et celle des Occupations Américaines. Entretemps ces populations ont subi tant de calamités dans ses conditions précaires (exposée aux incendies, aux effets néfastes de cyclones, aux inondations dans des bâtisses précaires, entassées dans l’insalubrité extrême alors frappées par le chômage massif tout en étant enclines à l’instabilité foncière et la persécution politique).

 

La Saline/Croix –Des-Bossales se reproduit dans la pauvreté extrême et l’indigence séculaire dans des tentacules à Boston (1972), Wharf (1978) Brooklyn (1982) (Département des Affaires Sociales, Office National du Logement,1979). Elle a aussi des satellites à Delmas, Canaan , Tabarre, Tchétchénie(Pétion Ville) (CEPODE,2012), dans les mornes de Gressier .Enfin, les populations se sont disséminées dans des réseaux, circuits et des poches dans les « quelque part ». En guise de quelques notes conceptuelles, le cas de La Saline nous porte à oser d’introduire la théorie du colonialisme interne en lien à  une considération ethnique de la question de la pauvreté dans cette place jadis vouée a la vente d’esclaves selon Bazabas. Il s’agit de prendre en compte dans les analyses un examen des formes de travail de migrants et celles en relation au phénomène de coercition dans le travail comme l’esclavage, la servitude ou le péonage et j’ajoute le travail domestique et dégradant et la présence des enfants et des jeunes Restavek (en domesticité) aussi bien que des chômeurs structurels et de lumpen.

 

La mobilité sociale des immigrants est bloquée pour le colonialisme intérieur en question, par des mécanismes qui s’appuient sur une variété de code légaux, idéologiques, ethnocentristes et racistes (Portes et Bach, 1985 :14). Je suis désolé d’oser d’adhérer à une telle théorie, dans un pays  pour lequel  on a tendance à  passer sous silence des considérations ethniques, vu l’aspect criant des conditions de vie de ces populations examinées.

 

La Saline/Croix –des-Bossales se maintient et se reproduit comme le seul « quelque part » est rebaptisé, dans l’élégance linguistique, plutôt bidonville, dans la pauvreté extrême et l’indigence à la limite de processus mortifères de la citoyenneté malgré la manipulation exercée dans ces lieux pour Alain Gilles comme banques de votes (Hector & Jadotte, 1991 :201).

 

Il ne reste à La Saline les 4 secteurs actuels : La Saline avec Rue Neuve et Chancerelles. Cité Simone, rebaptisée Cite Soleil, par le peuple, le 7 février 1986.Brooklyn. Boston (Haïti, Cent-quarante petites écoles, Henri Deschamps, 1987). En même temps, La Saline/Croix-Des-Bouquets  comme enclave de pauvreté extrême et d’indigence a des racines profondes et vivaces.

 

 

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