Réactions des banques commerciales suite à l’augmentation des taux directeurs de la BRH
Sans surprise, après la dernière décision de la BRH d’augmenter les taux sur les bons BRH et le taux de mise en pension, les banques commerciales ont normalement réagi. Selon le journal Le Nouvelliste, ‘’dans certains cas, les crédits à la consommation se voient frappés par des taux de 4,40 % ou 4,16 % par mois et des lignes de crédit affrontent des taux allant jusqu’à 36%’’.
La réaction des banques commerciales n’est pas une surprise, car, dans tous les pays du monde, du moment qu’une banque centrale augmente ses taux d’intérêt dans l’objectif de stabiliser les prix, automatiquement les banques augmentent les leurs. Toutefois le contexte est très diffèrent en Haïti et les résultats que l’on cherche ne passent pas par les mêmes mécanismes.
En fait, si au niveau international la tendance ces jours-ci dans les banques centrales est favorable à la baisse des taux d’intérêt pour stimuler la croissance économique et augmenter l’inflation jugée trop faible− c’est le cas par exemple aux Etats-Unis qui accuse une faible inflation annuelle de 1.4% et en République Dominicaine avec une inflation de 0.92%− le contexte est tout à fait diffèrent en Haïti où nous n’avons pas de croissance, le taux chômage est très élevé et les prix augmentent dans l’économie sur fonds d’autres facteurs qui ne sont pas la demande. Cette situation est contraire à un ensemble de théorie économique notamment le carré magique de l’économiste Nicholas Kaldor et la Courbe de Philipps.
On doit aller droit au but pour dire que le resserrement du crédit au niveau du système bancaire, suite à une augmentation des taux directeurs, accompagnés d’un ensemble d’autres mesures notamment les injections de dollars sur le marché et d’autres mesures administratives, constitue le prix à payer pour casser cette vague de 100 gourdes pour 1 dollar qui était sur le point d’arriver sur le marché des changes avec toutes les conséquences qui s’ensuivraient, notamment une inflation qui aurait pu même atteindre 20% au mois de juillet dernier.
Il est clair que pour stabiliser le taux de change, il n’existe pas que ces mesures sur les taux d’intérêt et les autres mesures de politique monétaire et administratives à appliquer. Cependant, le fait qu’il n’y a pas de gouvernement, il n’y a pas de budget, la situation socio-politique est très tendue avec des actes d’insécurité, entre autres, les décisions de politique publique qui pourraient être prises pour stimuler la production nationale et favoriser une augmentation des exportations de biens et de services, notamment le tourisme, ne sont pas au rendez-vous, ce qui aurait des impacts positifs sur le taux de change et sur l’inflation.
La grande question qu’on doit se poser aujourd’hui face à cette situation et autour de laquelle on doit effectuer certaines recherches : si on avait laissé le taux de change atteindre la barre fatidique de 100g ou plus pour un dollar, provoquant ainsi une inflation d’au moins 20%, est-ce que ça ferait moins mal à l’économie que serrer le crédit au niveau du système bancaire ; sachant que près de 60% du crédit est destiné à l’importation et non à la production nationale ?
De toute façon, on doit continuer à suivre l’évolution des indicateurs économiques, car le seul risque et la seule inquiétude ici c’est de voir une éventuelle transmission du coût du crédit bancaire aux prix à la consommation, puisqu’il y a quand même une demande interne à satisfaire et cette demande, malheureusement, n’est pas satisfaite par la production locale pour laquelle il existe des programmes incitatifs de crédit mais plutôt par les importations.
Riphard Serent, MPA
Economiste