Ajustement des prix à la pompe, entre mesure importante et socialement endommageable

Les dispositions prises par les autorités d’ajuster les prix des  produits pétroliers sur le marché local continuent d’occuper les espaces médiatiques et l’actualité économique depuis ce weekend dernier. Les réactions coulent à flot et sont vraiment de taille tant de la part des couches les plus affectées par cette mesure que de la part des partis politiques les plus prisées du pays.

Si le gouvernement n’avait pas d’autres alternatives, l’erreur grave qu’il a commise c’est de n’avoir pas préparé l’opinion publique sur la nécessité d’ajuster les prix à la pompe en Haïti par rapport à un ensemble de facteurs notamment:

1)      L’évolution des prix du baril de pétrole sur le marché international qui ont augmenté de 54% de fin janvier à août 2016

2)      Les difficultés financières auxquelles confronte le gouvernement : diminution des appuis budgétaires de l’international (autour de 30 milliards de gourdes) ; la baisse considérable des apports du programme Petrocaribe, dont les recettes se retrouvent presqu’en dessous des 3 milliards de gourdes ; la chute de 14.6% des recettes fiscales au 3ème trimestre de l’exercice ; l’augmentation de près de 15% du taux de change de janvier à août 2016 et cet accord du  »cash management » qui empêcherait à la BRH de financer les déficits budgétaires du gouvernement. Donc, tous ces facteurs, entre autres, empêcheraient au gouvernement de répondre à ses obligations non seulement au sein de l’état mais aussi face au CEP pour lequel il doit mobiliser des ressources pour la réalisation des élections.

De toute façon, la population accueillerait toujours très mal cette mesure brutale d’ajuster les prix à la pompe sans des négociations et des explications très convaincantes au préalable, car près de 60% de cette population vit dans la pauvreté et à peu près 24% dans l’extrême pauvreté, pendant que les activités économiques dans le pays sont au ralenti depuis 2014, il n’y pas de création d’emplois, il n’y pas de programmes de filets de sécurité depuis 2015,  l’inflation ne cesse d’augmenter en glissement mensuel, la gourde continue de se déprécier par rapport au dollar américain et la rentrée des classes s’avérait déjà très difficile par rapport à la situation économique du pays.

Ces nouvelles dispositions d’ajuster brusquement les prix à la pompe peut paraitre techniquement logique et juste, mais elles auront des conséquences économiques et sociales endommageables sur cette partie de la population qui vit avec moins de 130 gourdes par jour et sur une bonne partie de la classe moyenne qui lutte avec l’inflation et la dépréciation de la gourde.

Le gouvernement devra probablement trouver un accord avec les acteurs concernés, sinon les prochains jours risquent d’être très agités dans la capitale et dans certaines villes de province.

Riphard Serent, MPA

Economiste

riphardserent@gmail.com  

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