Les Etats-Unis veulent comprendre les défis à relever pour « former un gouvernement »

La sous-secrétaire adjointe principale (PDAS) au Bureau des affaires de l’hémisphère occidental du Département d’Etat américain, Julie Chung, a bouclé, mercredi 26 juin, une mission de quarante heures en Haïti. Mme Chung a « rencontré le président Jovenel Moïse, le président du Sénat Carl Murat Cantave, le président de la Chambre des députés Gary Bodeau et des représentants de partis politiques et de la société civile haïtiens afin de mieux comprendre les défis à relever pour former un gouvernement », a informé un communiqué de l’ambassade des Etats-Unis, sans souligner que le président Jovenel Moïse a déjà formé un gouvernement, dirigé par Jean Michel Lapin, qui, à trois reprises, n’a pas pu présenter sa déclaration de politique générale aux fins de sanction au Parlement haïtien.

Les Américains lancent un signal quant aux effets nocifs de la corruption et de l’impunité en Haïti. Mme Chang, selon le communiqué, « a également exprimé l’inquiétude du gouvernement des États-Unis quant à la manière dont la corruption et l’impunité ont fortement entravé les objectifs de développement d’Haïti, et a réitéré l’importance de voter des lois pour lutter contre la corruption et la nécessité de mettre en place un pouvoir judiciaire indépendant pour enquêter et poursuivre ceux impliqués dans des actes de corruption », a informé le communiqué des Américains qui soutiennent le président Moïse, accusé par la rue, après le second rapport de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif d’être un corrompu et un obstacle à la tenue du procès des personnes responsables crimes et délits au détriment de la communauté haïtienne.

Enjeux, perspectives et discussions en cours…

Les Américains ne le crieront pas sur tous les toits mais ils sont pour la formation d’un autre gouvernement. Ceci a été dit, en Haïti, au plus haut niveau. Pour eux, leur soutien au président Jovenel Moïse n’est pas un « lunch gratuit ». Le président, selon eux, et c’est sa dernière chance, doit pouvoir former un nouveau gouvernement avec des personnalités crédibles. C’est-à-dire, pour le chef de l’Etat, démontrer une certaine capacité de convocation sur des secteurs de la vie nationale dont une majorité réclame son départ. C’est-à-dire aussi montrer qu’il peut contenir les appétits de parlementaires et de partenaires qui ont imposé des ministres dans de précédents cabinets, a confié au journal des sources bien informées.

Les Américains sont bien plus préoccupés par la situation en Haïti qu’ils ne le disent, selon les personnes interrogées par le journal. Entre septembre 2018 et mai 2019, le nombre de boat-people qui ont essayé d’atteindre les côtes des îles Turks and Caicos, des Bahamas et des Etats-Unis a augmenté à cause, entre autres, de la dégradation de la situation socioéconomique du pays. Compte tenu de l’importance de l’immigration dans l’agenda de l’administration Trump, les Américains ne voudraient surtout pas voir des boat-people haïtiens débarquer sur les côtes de la Floride, un Etat clé dans la campagne pour la réélection de Donald Trump. Ils ne veulent pas ça, ont expliqué nos sources.

Par ailleurs, le journal a appris de sources proches du secteur privé que des discussions se poursuivent avec beaucoup d’acteurs mais en priorité des secteurs non politiques. Il y a des discussions en cours entre des associations du secteur privé et ces entités en vue de présenter une alternative, ont poursuivi nos sources, soulignant que pour le secteur privé, le président Moïse fait partie du problème. Il faut discuter, dialoguer. Les Américains encouragent le secteur privé à poursuivre ces discussions, ont confié nos sources.  Au niveau du secteur privé, il y a une claire compréhension qu’il faut trouver une formule de sortie de crise. Une formule, ont expliqué nos sources, susceptible d’écourter le plus possible la mise à l’écart d’Haïti du concert des nations à cause d’une probable interruption du mandat constitutionnel du président Jovenel Moïse.  Cette mise à l’écart, prévue dans les chartes de l’ONU, de l’OEA en cas d’interruption du mandat constitutionnel, impactera les relations d’Haïti avec les institutions de Breton Woods. Le FMI, la Banque mondiale, c’est l’ONU. La BID, c’est l’OEA. Donc il faut trouver une formule, pas celle de certaines structures politiques qui proposent une transition de trois ans. Ce n’est pas soutenable dans l’état actuel de l’économie où plusieurs secteurs comptent des entreprises en situation de faillite. « Nous travaillons. Il y a urgence. Il faut que la société civile se mette d’accord sur une alternative avant de discuter avec la société politique », a expliqué une source du secteur privé.

Comprendre les obstacles à l’avancement du dialogue national

Cette responsable a voulu comprendre aussi « les obstacles à l’avancement du dialogue national ». « Les États-Unis restaient attachés à la démocratie et a renforcé que la recherche de solutions à l’impasse politique et socio-économique actuelle en Haïti devait être un processus dirigé par les Haïtiens », a souligné Mme Chang, selon le communiqué de l’ambassade.

« PDAS Chung s’est entretenue avec des dirigeants de la société civile et du secteur privé sur les moyens pouvant aider à rétablir la stabilité micro et macro-économique d’Haïti en vue de satisfaire les besoins fondamentaux de tous les Haïtiens. Lors d’une réunion avec le directeur général de la Police nationale d’Haïti (PNH), Michel-Ange Gédéon, elle a participé à une table ronde avec l’unité de police communautaire pour mieux s’enquérir de la manière dont la PNH s’attaquait au problème de la violence croissante des gangs. PDAS Chung a poursuivi sa discussion avec des jeunes qui ont exposé leurs points de vue sur le problème de la violence des gangs, et sur de possibles solutions pour encourager les plus jeunes générations d’Haïti à s’engager », a informé le communiqué de l’ambassade des Etats-Unis.

« PDAS Chung a également rencontré l’ambassadeur de Taïwan en Haïti, et ensemble ils ont mis l’accent sur l’importance de la démocratie et de la transparence. La visite de PDAS Chung souligne le partenariat continu entre les États-Unis et Haïti, ainsi que leurs efforts communs pour une Haïti plus sûre, plus sécuritaire et plus autonome », a informé le communiqué.

Roberson Alphonse

Le Nouvelliste

 

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