Nouvelle CIN, changement d’identifiant, casse-tête en perspective
L’Office national d’identification (ONI) change les numéros de la Carte d’identification nationale (CIN). Entre le trouble et le doute sur la vraie identité de X ou Z, se dessine aussi un casse-tête pour déterminer la validité d’un ensemble d’actes de la vie civile et en rapport avec l’administration…
L’Office national d’identification (ONI) invite les citoyens et citoyennes de plus de 18 ans « désireux d’obtenir leur nouvelle carte d’identification » à se présenter dans plusieurs centres de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, selon un communiqué signé, le 3 mai 2019, par le directeur de l’institution, Jude Jacques Élibert. L’ONI a cependant omis d’informer, dans ce communiqué, que dans la nouvelle carte d’identification, le numéro, l’identifiant, change, passant de 17 à 10 chiffres, a appris le journal qui a eu accès à cette nouvelle carte.
Le changement non annoncé aura des impacts. « Le changement de numéro peut jeter le trouble, créer des doutes sur l’identité des gens en Haïti où les cas d’homonomie sont si fréquents », a soutenu Me Bernard Gousse, soulignant que dans d’autres pays, pour éviter des travers à l’individu on s’assure de « la portabilité de son numéro de téléphone ». « Le décret ayant créé le CIN prévoit son utilisation dans tous les actes de la vie civile et toutes les fois qu’on a affaire avec l’administration. On ne peut rien faire sans la CIN », a poursuivi l’ex-ministre de la Justice, un des concepteurs du décret de 2005 créant le CIN. La loi sur le Numéro d’identification nationale unique (NINU) n’a pas été votée. « On ne peut pas faire quelque chose par anticipation », a estimé Me Bernard Gousse.
« L’exécutif balaie un processus étendu sur près de douze ans qui a conduit à l’identification de 6,7 millions d’Haïtiens et d’Haïtiennes. Nous sommes dans un vaste imbroglio provoqué par l’exécutif », a avancé le sénateur Youri Latortue. Il a mis en avant un ensemble de transactions, avec le choix de l’exécutif, qui devra être actualisé. « C’est une catastrophe », a estimé Youri Latortue, qui a une nouvelle fois descendu en flammes l’exécutif à cause du traitement du dossier Dermalog. « Je pense que l’exécutif a choisi de rester dans la voie de l’illégalité en décaissant de l’argent pour cette compagnie qui n’a pas de contrat », a-t-il précisé. Il n’y a aucun texte de loi sur le changement de la CIN. « Nous sommes dans la plus complète illégalité », a estimé le sénateur Youri Latortue. Le coordonnateur du RNDDH, Pierre Espérance, a indiqué, dans la même veine, que le changement de CIN sans loi est illégal. Ce changement causera en plus des préjudices aux citoyens et citoyennes, a poursuivi le militant des droits de l’homme, qui s’interroge sur ce qui motive cet empressement.
Pour Rock André, responsable du Centre d’entrepreuneurship et de leadership d’Haïti (CEDEL), avoir en circulation deux numéros de CIN et un NIF posera beaucoup de problèmes. D’abord de crédibilité d’un document signé par un Haïtien parce qu’il y aura un questionnement sur la vraie identité de la personne, a-t-il indiqué, soulignant « pour qu’un entrepreneur puisse faire des affaires dans un environnement approprié il y a des questions qu’il n’a pas à se poser comme celle sur la vraie identité d’une personne et son numéro d’identité ». « Cela peut avoir des impacts sur l’accès au crédit dont l’un des problèmes est la traçabilité du débiteur, son adresse et son identité », fait remarquer Rock André.
La « confusion totale » est préjudiciable. « Nous entrons dans un tourbillon. Nous devons être plus sérieux en évitant de créer des problèmes qui auront des impacts non seulement sur le social, mais aussi l’économique », a poursuivi Rock André, sans faire l’économie de citer l’exemple des États-Unis où de la naissance jusqu’à la mort la citoyenne, le citoyen ont un identifiant, le numéro de sécurité sociale. Sans l’économie de l’interrogation sur le coût d’opportunité de ces modifications dans le système national d’identification susceptibles de compliquer la vie, Rock André croit que l’une des options pourrait être l’utilisation du NIF comme numéro unique. « Quitte à le porter sur le Carte d’identification nationale et permettre à tout citoyen majeur ou non d’avoir un NIF, comme c’est le cas pour le Social Security Number », a-t-il soutenu.
RFID
Le communiqué du 3 mai n’a pas annoncé l’utilisation dans les nouvelles cartes CIN de la RFID. La radio-identification, le plus souvent désignée par le sigle RFID (de l’anglais radio frequency identification), une technologie utilisée pour mémoriser et récupérer des données à distance en utilisant des marqueurs appelés « radio-étiquettes » dans des cartes d’identification, des cartes d’identification, des cartes de crédit, des passeports dont l’un des avantages est la possibilité de lire des données sans qu’un lecteur RFID ne se situe à proximité du tag. L’un des inconvénients de ce système est la confidentialité des informations transmises, a appris le journal.
Le journal a soumis un questionnaire à l’ONI afin de recueillir ses commentaires. Il n’a pas encore répondu.
Roberson Alphonse
Le Nouvelliste