Agrotourisme, inclusion financière et technologie, au menu de la BRH
Comme cela est devenu une tradition, le gouverneur de la Banque de la République d’Haïti, en présence du ministre de l’Économie et des Finances Ronald Décembre, du ministre du Tourisme Marie Christine Stephenson, des organisateurs et d’une assistance selecte, a délivré le principal discours de la soirée de gala du 9e Sommet international de la finance et de la 4e édition de Fintech Haiti. Jean Baden Dubois a profité pour lier l’action de la Banque centrale avec les thèmes débattus cette année.
Mesdames/Messieurs
La 9e édition du Sommet de la Finance couvre un thème d’un double intérêt pour l’action de développement en Haïti. Il s’agit à la vérité d’une thématique qui recoupe les deux secteurs d’activités les plus présents dans les documents de politique publique en Haïti. Le secteur agraire dans ses dimensions agricoles et spatiales et le secteur touristique dans les formes différentes d’exploitation qu’il présente.
Rien ne saurait nous interpeler davantage qu’une réflexion sur l’agritourisme qui joint des domaines d’actions incontournables à une politique viable de redistribution dans la création de richesse.
C’est cette vision des choses que caresse le banquier central que nous sommes en cette année du quarantième anniversaire de la Banque de la République d’Haïti.
L’enjeu est de taille parce qu’il nous ramène de façon consciente au besoin de
combler un déficit de croissance bientôt vieux de près de quatre décennies.
Cependant, Aussi que énorme soit l’enjeu, il prend un secteur agricole dynamique et une industrie touristique florissante pour contrer la paupérisation à travers notamment la modernisation continuelle de l’espace rural.
J’y vois le savoir-faire de l’entrepreneur agricole associé au savoir de l’agronome.
J’y vois la compétence du développeur touristique associé au génie artistique de nos professionnels de la culture.
J’y vois un environnement institutionnel allègre pour réduire les coûts de transactions et libérer le financement de ces secteurs.
J’y vois un système de sécurité et de justice qui garantit la protection des investissements.
C’est cette vision des choses qui me vaut l’insigne honneur de vous adresser le discours de ce soir.
Mesdames, Messieurs,
Bienvenue au cocktail traditionnel du sommet de la finance qui réunit comme à l’accoutumée le meilleur de nos ressources dans les domaines de la finance, de l’entreprenariat et du savoir académique. Chaque année je vois agrandir le cercle de participation à un horizon de plus en plus large qui couvre autant la diversité des générations que celle des domaines multiples de compétences. Il s’agit, s’il en est besoin d’un indicateur probant de l’intérêt sans partage que suscitent ces assises sur la finance et la technologie.
Cette année, la tenue du Sommet est l’occasion d’une triple célébration. Le double anniversaire des quarante ans de la Banque Nationale de Crédit et de la Banque de la République d’Haïti et celui des vingt-cinq ans d’existence de Group Croissance.
Je me plais à penser que les institutions ont la pérennité des idées qui les font naître. Des fois elles changent de nom en s’adaptant aux exigences de modernité. La BNC a choisi de garder son nom en s’adaptant à ces exigences. On ne se défait pas d’un label qui est tout un patrimoine !
C’est certainement cette logique qui a traversé les vingt-cinq ans de modernité qui font de Group Croissance ce label qui inspire nombre de jeunes entrepreneurs. Je m’associe donc aux autres membres du Conseil d’Administration pour souhaiter à la BNC et à Group Croissance nos vœux de succès continu à l’occasion de leur anniversaire.
J’en profite pour renouveler au grand public notre invitation aux activités qui couvrent toute l’année de commémoration des quarante de la Banque Centrale.
J’adresse une salutation spéciale aux autorités publiques pour le niveau élevé de leur participation à cet évènement. Je me réjouis de cette manifestation d’intérêt. Elle augure de bonnes perspectives pour les dispositions institutionnelles qui devront faciliter la concrétisation des idées que les échanges de ces assises auront fait germer.
Je salue avec emphase la présence des acteurs impliqués dans le développement des activités liées au milieu rural et de celles de l’industrie touristique. Cette dernière connait une année particulièrement éprouvante en raison des retombées négatives des récents événements sociaux.
La tenue des assises de cette semaine est le gage d’une foi profonde dans l’avenir d’une industrie pour laquelle nous avons, en quantité et en qualité suffisantes, les dotations naturelles pour en faire un succès.
J’étends ces salutations à la communauté élargie de la Finance pour l’engagement qu’elle partage avec nous dans le financement de domaines d’activités dont le degré inhérent de risque impose souvent d’évoluer en dehors de la zone de confort de l’orthodoxie.
Je m’en voudrais d’oublier les professionnels de média qui jouent, avec le dosage qu’il faut, ce rôle essentiel de levain pour donner du relief social à la pâte des idées débattues lors de ces assises. Je les remercie au nom des acteurs économiques qui prendront connaissance des réflexions à travers les créneaux médiatiques.
Finalement je clôture la tournée des salutations par les remerciements traditionnels mais toujours mérités à l’endroit des organisateurs. Group croissance et le Comité de la BRH sont cette fois encore à la hauteur de l’evenemt. Le Conseil d’Administration de la BRH est manifestement satisfait du déroulement des activités de la 9 édition du sommet. Je remercie Kesner Pharel pour son sens de leadership et sa vision. Je voudrais qu’il transmette ces remerciements aux cadres de Group Croissance qui ont travaillé à la réalisation de ces assises. A Ronald Gabriel, pour son sens du devoir, un collègue, un ami qui coordonne les activités de participation de la BRH à ce Sommet et aux cadres de l’institution impliqués à un niveau ou à un autre dans leur mise en œuvre, je dis chapeau ! C’est vrai qu’il nous reste de longs mois d’activités pour les 40 ans de la Banque Centrale. Mais je sais, comme toujours et spécialement cette année, que vous y mettrez le cœur à l’ouvrage.
Mesdames, Messieurs
L’Agritourisme renvoie à un ensemble d’activités où le tourisme et l’agriculture se croisent. Les récents développements veulent en promouvoir l’idée d’un domaine de production de biens et services nés de la synergie entre ces deux secteurs pour l’optimisation des valeurs créées au sein d’une économie locale, régionale voire nationale.
Quel que soit le cadre auquel on se réfère pour le définir, le milieu rural demeure la toile de fonds de son contenu. La réflexion sur le financement de l’agritourisme constitue donc l’occasion idéale d’adresser une dimension pas toujours présente dans l’analyse de la problématique du milieu rural en Haïti : Le développement d’activités liées à cet espace dans une perspective d’écosystème et suivant une approche plutôt holistique.
Le thème entier du sommet sied bien cette démarche : Agritourisme, Fintech et Inclusion Financière. On y trouve tous les ingrédients pour promouvoir un système générateur de valeurs avec une logique interne de reproduction et une logique externe d’interaction avec l’espace plus large qu’est l’économie nationale. Citons les facteurs suivants :
• Une agriculture largement biologique.
• Un patrimoine culturel à la fois unique dans ses spécificités et universel dans son syncrétisme et dans les idéaux qu’il charrie.
• Un espace rural qui défie encore les prévisions les plus pessimistes et qui prospèrera si l’on sait inverser la paupérisation ambiante.
• Un système financier de plus en plus ouvert à la novation.
Et c’est là, pour rester dans une note positive, l’enjeu prédominant de toute politique publique actuellement en Haïti : la création durable de richesse pour
contrer la paupérisation. A faire l’évaluation de notre diversité écologique ; A faire l’inventaire de nos sites historiques ; A répertorier la grande diversité culturale et culturelle d’un terroir pas plus grand que le nôtre ; je réalise que notre principal facteur d’inhibition à la création de richesse c’est nous ! L’agritourisme, en raison des modalités de production de biens et de services qui le caractérisent et des dotations naturelles dont nous disposons, se prête à une expérience prometteuse en Haïti.
Le succès de quelques activités d’agritourisme en Haïti montre le fort potentiel de ce secteur. La réalisation de ce potentiel nécessite une double démarche :
• Une dynamique institutionnelle publique dans le cadre d’un paquet volontariste. Il va de soi qu’on ne saurait envisager une floraison d’entreprises rentables dans ce domaine sans la garantie du premier des biens publics : la sécurité. Une composante essentielle dans la mise en place de l’environnement institutionnel primordiale à cet épanouissement. Le véritable effet de levier viendra donc de ce paquet de politiques publiques préposé à cet effet et que nous appelons de nos vœux.
• Une dynamique institutionnelle privée qui associe le charme et le savoir traditionnel du milieu rural au savoir-faire de professionnels rompus aux pratiques du tourisme alternatif. L’offre de l’agrotourisme est à la clé de ce partenariat. Nombre des succès de l’agrotourisme dans les économies occidentales sont à la frontière de l’économie solidaire. Cette dernière n’exclue point la recherche d’une rentabilité optimale susceptible d’attirer l’investissement direct étranger. Mais cela implique au départ une volonté de financement local qui sied au besoin de cimenter ce partenariat.
C’est à ce stade que le leadership du banquier central peut se révéler déterminant et payant. Nous partons de l’hypothèse que la force de notre diaspora et son attachement culturel sont la garantie d’une immense demande pour les produits de l’agrotourisme. Dès lors, la promotion d’un schéma de financement approprié trouvera facilement écho auprès d’investisseurs conscients de ce potentiel de la demande. Voilà ce qui complète le cycle d’une logique interne de reproduction et qui en fait un écosystème viable dont les éléments se déclinent aisément :
• Un domaine de production diversifiée de biens et services catégorisables qui en garantit une offre soutenable.
• Un potentiel important de demande locale et internationale initialement supportée par une diaspora solvable.
• Un espace privilégié qui donne contenu à un label territorial : le milieu rural.
On voit donc que tout y est, y compris la mise en place des facteurs de fluidité des échanges que les modules désormais complets de l’inclusion financière permettra de garantir. Le développement des infrastructures économiques et des infrastructures sociales de base, comme composante essentielle de ces facteurs, ne devrait pas tarder grâce à la création soutenue de valeurs marchandes dans un espace de multiplication des échanges.
Je m’en voudrais de ne pas laisser, les esprits alertes que vous représentez, inférer : `
• les retombées positives pour le reboisement de nos sols, la viabilité de notre habitat et la soutenabilité de notre écologie.
• L’impact progressif mais continu sur la réduction des phénomènes de pauvreté
• Les gains pour l’ensemble du système productif par la dynamisation des chaines de valeurs.
Pour les besoins de politiques publiques de nature sectorielle et macroéconomique, je vois une plus grande richesse d’interaction au sein de la matrice input-output de production. Une dynamique plus large capable de porter les germes d’une croissance endogène et moins vulnérable aux chocs externes. Et c’est dans ce cadre que se manifestera la logique externe d’interaction de l’écosystème avec l’espace plus large qu’est l’économie nationale.
Mesdames, Messieurs,
Le développement de l’agritourisme ne devrait point souffrir d’un manque de ressources financières ni d’une absence de dispositifs sectoriels de financement. Et ce n’est pas sans fierté que la Banque Centrale réalise le caractère proactif des analyses inscrites dans son agenda pro croissance et l’utilité des mesures qu’il préconise. Les domaines d’activités que recoupent l’agritourisme pourra bénéficier rapidement des avantages offerts au secteur agricole par la circulaire 113 et de ceux offerts au secteur touristique par la lettre-circulaire 09-1.
Il est utile de rappeler que, dans le premier cas, les institutions financières éligibles couvrent les Banques et sociétés financières de développement (SFD),
les Coopératives d’Epargne et de Crédit (CEC), les Sociétés de crédit-bail et indirectement, les Institutions de Microfinance. Ce qui ouvre un large champ d’intermédiation aux investisseurs potentiels. Dans le second cas, les prêts aux facilités hôtelières sont bonifiés par des dispositions qui réduisent les coûts d’intermédiation. Il va de soi que les perspectives de développement de l’agritourisme ouvriront la voie à des schémas de financement spécifiquement appropriées à ce domaine.
La mise en œuvre totale des modules de l’Inclusion Financière devrait concourir de façon notable à ce développement. Il est vrai que les ambitions de cette politique d’inclusion sont d’ordre national ; mais ses incidences sont de nature à la fois microéconomique, sectorielle et macroéconomique. L’agritourisme y trouvera d’autant son compte que l’intégration financière de l’économie rurale et tout ce qui s’y rattache est un objectif premier de cette démarche. C’est l’occasion pour moi de saluer la phase d’aboutissement de ce travail immense d’intérêt et d’utilité pour l´économie nationale ; disons mieux de portée immense pour la société haïtienne.
Dans un registre différent, la promotion des activités de la Fintech rejoint les préoccupations d’une forme d’inclusion tout aussi importante que nous qualifierions de technologique et qui trouve une application privilégiée dans le domaine de la finance. La multiplication des applications que propose la Fintech ouvre la voie à une redéfinition utile des rapports d’un public de plus en plus large avec les institutions financières.
La Banque Centrale s’est deja embarquee dans l’amelioration de ces rapports a travers par l’education financiere ou la protection des consommateurs deux des pilliers de la Strategie Nationale d’inclusion Financiere. C’est dans ce contexte que nous introduirons au cours la FINTECH :
– L’appli BRH Mobile qui permettra a tout consommateur mobile d’avoir acces a un comparateur des frais pratiques par les banques et la possibilite de les comparaison pour une meilleure decision financiere. Des videos a visulaiser, ou a telecharger ou a partager sur les differentes fonctions d’une banque centrale ou de banques commerciales. Le taux de change et un calculateur. Ce comparateur s’etendra tres vite aux Cooperatives d’epargne et de credit, et les maisons de transfert.
– Un nouveau site brh.ht
– La BRH Ouvrira officiellement en mai prochain, les travaux de reflexions sur l’emission d’une gourde digitale.
– Eh bien sur pour ceux que la question pourrait interesser, l’approfondissement d’un marche financier avance a pas de geant.
Qu’il s’agisse de conseil financier, de protection des consommateurs, d’éducation financière, de financement participatif, d’assurance et du crédit, les solutions innovantes, grâce notamment à la technologie du blockchain, deviennent d’autant plus accessibles que se développent avec force les facilités du téléphone mobile.
L’un des principes de politiques publiques à tirer de ces assises est la promotion des secteurs phares, capables de jouer le rôle de locomotives pour tirer d’autres secteurs à fort potentiel de valeurs ajoutées dans l’économie. Les politiques d’inclusion au niveau financier que technologique devraient porter ces locomotives sur des sentiers de croissance forte et soutenue. Chemin faisant, la politique fiscale s’ouvrirait à la vertu d’un équilibre budgétaire durable, la politique monétaire s’allègerait du poids du déficit d’épargne publique, la politique du commerce extérieur donnerait la mesure de sa compétitivité et la politique du secteur réel deviendrait un vaste champ de restructuration des sphères de production. L’Agritourisme peut être un élément majeur de ce tableau ; si bien sur nous y travaillons.
Mesdames/ Messieurs, je vous souhaite une bonne soirée et une fructueuse participation aux travaux de ce 9e Sommet International sur la Finance.
MERCI
Jean Baden Dubois Gouverneur de la Banque de la République d’Haïti