La perte de valeur de la gourde est un sacrifice sans récompense

Le 23 juillet 2014, le taux de référence calculé par la Banque de la République d’Haïti (BRH) indiquait que le dollar américain valait 45 gourdes 3357. Le 23 juillet 2018, le dollar américain vaut 67 gourdes 3697, selon le taux de référence de la BRH. Cela fait une dépréciation de près de 50% en quatre ans de la devise nationale.

Dans les faits, le dollar américain s’échange ce 23 juillet 2018 à 70 gourdes pour les montants importants.

Comme le disent si bien les économistes, la dépréciation ou la dévaluation d’une monnaie n’est pas un mal en soi. Certains pays ont laissé se déprécier ou ont dévalué leur monnaie, de façon forcée ou volontaire. D’autres jouent leur monnaie à la baisse, la sous-évalue. Dans ces cas connus, il s’agit toujours de stratégies pour atteindre des objectifs ou pour rétablir des positions.

Dans le cas d’Haïti, nous sommes comme devant une fatalité. Dans tous les cas, nous accomplissons un sacrifice sans espoir de récompense.

En quatre ans, nous n’avons pas réussi à augmenter de 50% nos exportations. Car une dépréciation de la monnaie aurait pu faire exploser notre attractivité dans la sous-traitance, par exemple. Nous n’avons pas multiplié le nombre de visiteurs ou de nuitées de notre secteur touristique pendant la période. En fait, il sera difficile de trouver à vue d’œil quel secteur a profité de la dépréciation de plus de 50% de la gourde ces quatre dernières années.

Nous aurions pu profiter de l’appréciation du dollar américain pour réduire nos importations. On se serait serrés la ceinture et aurait augmenté la production locale, avec des biens et services plus compétitifs. Il n’en a pas été question. L’agriculture haïtienne n’a pas pu, n’a pas su remplacer nos importations par des denrées produites sur place. Nous avons continué à importer, à importer plus chaque année, pendant les quatre dernières années, en dépit d’une dépréciation de plus de 50% de notre monnaie.

Nous vivons, il faut le dire, sur les dollars de la diaspora. Près de 30 % de notre produit intérieur brut nous arrive en don des familles établies à l’étranger.

Le choc de la dépréciation de la gourde ces quatre dernières années n’est pas dû à un embargo ou à des troubles graves en Haïti. Le choc est le simple fruit de la mauvaise gouvernance. Il ne s’atténuera que si et seulement si les autorités haïtiennes s’arment de courage pour changer de politiques.

Cela fera mal. Cela aura des conséquences. Mais on remontera la pente.

L’autre option est de laisser courir le train de la dépréciation de la gourde. Cela fera mal. Cela aura des conséquences. Mais on ne remontera pas la pente. Aux autorités haïtiennes de faire leur choix.

Et si on ne change pas de cap dans la gouvernance, nous n’avons même pas à choisir à quelle sauce nous serons mangés.

 

Frantz Duval

Le Nouvelliste.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *