Haiti-RD : 15 organisations canadiennes de solidarité demandent au Canada de rompre le silence sur les « retours forcés »

Lettre ouverte du regroupement Concertation pour Haiti

Document soumis à AlterPresse le 9 juillet 2015

L’honorable Stephen Harper
Premier ministre du Canada

Monsieur le Premier ministre

Concertation pour Haïti (CPH) est un regroupement d’organisations de la société civile et de membres individuels du Québec et du Canada qui participent au mouvement de solidarité avec le peuple haïtien. La CPH œuvre au niveau de la promotion des droits humains et des libertés fondamentales en Haïti, du développement solidaire et de la sensibilisation du public.

Concertation pour Haïti fut profondément indignée par l’arrêt 168-13 du Tribunal constitutionnel dominicain qui enleva la nationalité dominicaine à des milliers de Dominicains et Dominicaines d’ascendance haïtienne, et les rendirent de fait apatrides, comme nous l’écrivions à l’honorable John Baird, ministre des Affaires étrangères le 23 octobre 2013. Cet arrêt, dont les effets sont rétroactifs jusqu’en 1929, a ouvert la porte à de nouvelles expulsions et mesures répressives prises par les autorités de la République Dominicaine, en violation flagrante des droits humains et du droit international.

Depuis le 17 juin 2015, date de l’échéance du Plan national de régularisation des étrangers, notre indignation s’est transformée en colère face à la crise humanitaire découlant des expulsions massives et violentes effectuées dans des conditions infrahumaines, dégradantes et révoltantes. Derrière l’apparence « volontaire » du retour massif en Haïti des immigrants haïtiens et des dominicains d’ascendance haïtienne, se cache une vraie « chasse aux sorcières », volontairement incontrôlée par l’État dominicain. Depuis le 17 juin, plus de 17 000 personnes sont arrivées en Haïti. où, chaque jour, des centaines de personnes n’ayant pu régulariser leur statut ont été expulsées manu militari. La plupart d’entre elles n’ont pas eu la possibilité de prendre leurs maigres effets personnels et certaines sont mortes en cours de route. La majorité est composée de femmes et d’enfants et souvent ces derniers ont été séparés de leurs parents. Dans les centres d’accueil improvisés en Haïti, la situation humanitaire devient problématique. Toutefois ici on entend peu parler de cette crise dans les nouvelles internationales.

Monsieur le premier ministre, nous demandons que le Canada brise le silence et condamne haut et fort l’imposture de ces retours forcés, la brutalité des agents de la force publique dominicaine et les violations massives des droits fondamentaux et de la dignité humaine afin que cessent ces expulsions contraires aux engagements internationaux de la République dominicaine.

Reprenant à notre compte les demandes des organisations haïtiennes des droits humains, de la société civile et du secteur religieux du 25 juin 2015 [1], la CPH réclame que le Gouvernement canadien :

1. Exige de l’État dominicain le respect de la dignité des Haïtiens-nes et du protocole de 1999 signé par les deux États sur les mécanismes de rapatriement (informations préalables sur les personnes, respect du regroupement familial, rapatriements dans des points officiels et pendant les jours ouvrables, possibilité offerte aux gens de prendre leurs effets…) ;

2. Demande à l’État dominicain de faire cesser la « chasse aux Haïtiens et Haïtiennes » ;

3. Sollicite sur le champ une session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la question en vue de recommander, en urgence, une mission d’évaluation sur la frontière et sur le territoire dominicain (articles 13 et 20 de la Charte de l’ONU) ;

4. Explore et utilise toutes les voies juridico-diplomatiques et stratégiques appropriées à la situation dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies et des autres institutions régionales (OÉA, CARICOM) ;

5. Propose son appui à la préparation et à l’organisation en Haïti des états généraux de la nation sur le plan économique et social afin de faciliter la réinsertion des nombreux rapatriés et trouver des solutions à long terme à l’exode historique vers la République dominicaine ;

6. Offre son concours à la création d’une cellule de crise au niveau de l’État haïtien sur la question haïtiano-dominicaine, qui respecte les principes de bonne gouvernance (transparence, reddition de compte, efficacité…) ;

7. Encourage l’État haïtien à établir des mécanismes clairs et transparents pour l’accueil des ressortissant-e-s haïtiens-nes expulsés, en misant sur des centres provisoires pour mieux orienter les gens, sans toutefois entrer dans une logique de camps afin d’éviter de fortes concentrations démographiques.

8. Offre d’appuyer l’État haïtien et les organisations de la société civile dans l’élaboration et la mise en ouvre de programmes de réinsertion qui répondent lire la suite sur alterpresse.org

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