Haïti-RD/Déportations : La société civile et le secteur religieux fixent les responsabilités et formulent des propositions
Position du secteur des droits humains, de la société civile et du secteur religieux haïtiens
Document soumis à AlterPresse le 27 juin 2015
« Il n’y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l’Homme seront violés en quelque partie du monde », René Cassin
Les organisations des droits humains, de la société civile et du secteur religieux constatent, avec stupéfaction, les conditions infrahumaines, dégradantes et révoltantes dans lesquelles la République dominicaine déporte les compatriotes haïtiens et expulse des Dominicains (nes).
Après une première évaluation rapide de la situation, elles estiment qu’il y a déjà une grave crise humanitaire (selon les autorités haïtiennes, plus de 10, 000.00 personnes ont déjà été forcées à laisser le territoire dominicain dans les conditions déjà signalées, la plupart d’entre elles n’ont pas eu la possibilité de prendre leurs effets, certaines sont mortes en cours de route…).
Les organisations des droits humains, de la société civile et du secteur religieux estiment aussi que la situation donne lieu à de graves violations des droits fondamentaux et de la dignité humaine, laquelle situation doit révolter la conscience de l’État haïtien et de la communauté internationale dans son ensemble. En effet, le respect de la dignité humaine constitue le fondement de la Charte des Nations Unies et une obligation internationale collective (voir, à ce propos, le préambule et les articles 55, 56 de la Charte de l’ONU).
Face à cette situation révoltante, les organisations signataires de cette note, de la société civile et du secteur religieux soulignent que les responsabilités doivent être assumées à plusieurs niveaux. Tout en reconnaissant que des conditions propices doivent être créées dans le but d’encourager les haïtiens (nes) à rester dans leur pays, les organisations des droits humains, de la société civile et du secteur religieux demandent à l’État haïtien de :
1- suspendre, de façon temporaire, les négociations avec l’État dominicain en attendant qu’il (l’État haïtien) fasse le diagnostic de la situation ;
2- exiger de l’État dominicain le respect de la dignité des Haïtiens (nes) et du protocole de 1999 signé par les deux États sur les mécanismes de rapatriement (informations préalables sur les personnes, respect du regroupement familial, rapatriements dans des points officiels et pendant les jours ouvrables, possibilité offerte aux gens de prendre leurs effets…) ;
3- demander à l’État dominicain de sortir une note officielle demandant aux Dominicains (nes) de ne pas pourchasser les Haïtiens (nes) ;
4- solliciter une session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la question en vue de recommander, en urgence, une mission d’évaluation sur la frontière et sur le territoire dominicain (articles 13 et 20 de la Charte de l’ONU) ;
5- explorer et utiliser toutes les voies juridico-diplomatiques et stratégiques appropriées à la situation dans le cadre des Nations Unies et des autres institutions régionales ;
6- faire une adresse à la nation dans la perspective de présenter à la population un bilan clair ainsi que les éléments de réponse qui vont être apportés en vue de pallier cette situation révoltante ;
7- jeter les bases de la préparation et de l’organisation des états généraux de la nation sur le plan économique et social ;
8- former une cellule de crise au niveau de l’État sur la question haïtiano-dominicaine tout tenant compte du respect des principes de bonne gouvernance (transparence, reddition de compte, efficacité…) ;
10- établir des mécanismes clairs et transparents pour l’accueil des ressortissant(e)s haïtiens (nes) qui sont en train d’être rapatriés, en misant sur des centres provisoires pour mieux orienter les gens dans les zones d’origine, sans entrer dans une logique de camps pour ne avoir une forte concentration démographique dans une seule région.
11- élaborer des programmes de réinsertion qui répondent véritablement aux besoins des différents groupes notamment les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes ayant une déficience… ;
12- créer une structure de terrain entre les organisations de la société civile intervenant sur la ligne frontalière et les autorités locales en mettant à leur disposition les moyens nécessaires (humains, logistiques, financiers, technologique, etc.).
La communauté internationale a aussi une responsabilité historique et juridique à assumer face à cette situation répugnante. Il ne s’agit pas d’une faveur, mais d’une obligation et d’un devoir vis-à-vis de l’humanité tout entière, car le respect des droits humains lie la communauté des États dans son ensemble et pourrait même être considéré comme une « obligation erga omnes ».
Les Nations Unies doivent donc se positionner, de façon formelle, face à cette situation, notamment le Conseil de sécurité, le Secrétariat général, le Haut commissariat pour les droits de l’homme et le Haut commissariat pour les réfugiés.
L’OEA, pour sa part, doit exiger l’application, par l’État dominicain, de l’arrêt du 07 novembre 2014 de la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) dans laquelle la CIDH le condamne et lui demande de n’appliquer ni l’arrêt TC 168-13, ni la loi Médina (loi 169-14). Les États de la région doivent aussi prendre position sur ce sujet.
La CARICOM doit réaffirmer son appui inconditionnel à l’État haïtien face à cette politique discriminatoire, raciste et inhumaine de la République dominicaine.
Sur le plan bilatéral, le Canada et les États-Unis d’Amérique devraient lire la suite sur alterpresse.org