Haïti fait appel aux instances internationales face à la crise humanitaire causée par les rapatriements massifs de la RD

Par Gotson Pierre

P-au-P., 26 juin 2015 [AlterPresse] — Le premier ministre Evans Paul confie que son gouvernement entreprend des démarches auprès de diverses instances internationales, face à la crise humanitaire créée par le refoulement en Haïti de 14.000 personnes, dont des apatrides, en provenance de la République dominicaine.

« Plus d’une dizaine de rencontres » ont déjà eu lieu autour du dossier avec des représentants d’organisations multilatérales à Port-au-Prince, indique Evans Paul, lors d’un entretien avec un groupe de journalistes, dont un représentant d’AlterPresse.

Les Nations-Unies ont été touchées ainsi que son organisme spécialisé, le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés, et l’Organisation internationale pour la migration (Oim).

Une correspondance formelle du ministre de l’intérieur Ariel Henry a également été adressée au représentant adjoint du secrétaire général de l’ONU chargé des questions humanitaires « pour lui demander d’aider à gérer ce problème », précise le chef de gouvernement.

Une illustration de l’urgence humanitaire est la situation qui prévaut à Tête-à-l’eau, une localité d’Anse-à-Pitre (sud-est), où « 900 personnes vivent dans des conditions exécrables ».

Un début d’épidémie a été rapporté et « une mission d’aide humanitaire d’urgence, des matériels, médicaments, nourriture et kits hygiéniques » ont été envoyés dans cette zone.

Le gouvernement envisage de « déplacer ces gens, parce qu’ils se trouvent sur une nappe d’eau qui alimente Anse-à-Pitre et même une partie de la République dominicaine (…) C’est une question qui nous préoccupe », souligne Evans Paul.

D’autre part, les personnes arrivées en Haïti « sont pour la plupart des enfants nés en territoire dominicain, qui n’ont aucune identification et qui n’ont pas été à l’école », dénonce le chef de gouvernement.

Toutefois, « on reçoit tout le monde. On ne peut pas refouler les apatrides. On fait appel aux instances internationales pour essayer de gérer cette question ».

Retours volontaires ?

Evans Paul s’inscrit en faux contre les arguments mis en avant par les dirigeants dominicains tendant à faire passer les rapatriements massifs pour des « retours volontaires ».

Pour le premier ministre, avec l’arrivée de 14.000 personnes dans différentes régions frontalières d’Haïti en quelques jours, on ne peut pas parler de retours volontaires. « C’est le résultat d’une psychose de peur, de la propagande, de la pression, de l’insécurité et de la violence, organisées soit par des agents du gouvernement (dominicain), des personnes à la solde du gouvernement, ou travaillant pour le gouvernement ».

Dans cette situation, les migrants haïtiens et des Dominicains d’origine haïtienne ont été obligés de traverser la frontière vers Haïti par de nombreuses localités sur une longueur de plus de 300 km.

« On a dénombré 141 points de passage. Ce chiffre n’est pas exhaustif. Il est difficile d’organiser l’accueil », précise Evans Paul, qui critique le fait que la République dominicaine utilise les points les plus reculés pour éviter que la situation soit répercutée par la presse.

« Nous pensons que cette attitude n’est pas correcte ».

Sur le même ton, le dirigeant haïtien réitère son constat d’un « double langage » de la part de la République dominicaine, rappelant que le ministère dominicain des affaires étrangères a annoncé un moratoire, alors que le ministère de l’intérieur a annoncé « autre chose ».

« C’est palpable qu’il y a double langage », dit-il, ce qui met l’État haïtien « dans une position difficile ».

Le gouvernement haïtien a demandé aux autorités dominicaines l’acheminement des dossiers, du flux des déportés à travers 2 postes frontaliers : Malpasse (Ouest) et Ouanaminthe (Nord-Est).

Mais cette requête est restée lettre morte, regrette Evans Paul.

En outre « on commence à utiliser des mensonges. C’est une façon de déplacer le débat », juge Evans Paul à propos des rumeurs concernant la supposée interdiction de la vente de produits dominicains en Haïti.

Toutefois, c’est une question qui peut être mise sur la table. « C’est dans l’ordre des choses possibles (…) Nous recevons nos réfugiés, on peut toujours évaluer ce que nous recevons sur le plan commercial », prévient le premier ministre haïtien.

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