Haïti – Économie: Evolution récente du panier alimentaire et conditions actuelles de sécurité alimentaire en Haïti

Selon le dernier bulletin de la Coordination Nationale pour la Sécurité Alimentaire (CNSA), une certaine surchauffe est observée sur le marché des produits alimentaires de base, depuis le début de cette année. Cette situation se trouve au niveau des différents marchés régionaux, à l’exception de la Croix des Bossales (PAP), de Port-de-Paix et particulièrement des Cayes où le coût du panier alimentaire a diminué de plus de 5 pourcent en moyenne, mais qui n’a pas vraiment d’impact significatif sur le pouvoir d’achat des ménages haïtiens les plus vulnérables.

D’abord regardons l’évolution du coût réel du panier alimentaire ?

Le coût du panier montre une tendance relativement stable sur l’ensemble des marchés, toutefois,  un certain surchauffe est observé sur le marché des produits alimentaires, ceci tant du côté des produits locaux que celui des produits importés, hormis le riz, le sucre et le maïs qui sont évidemment parmi les produits essentiels des ménages. Il faut dire que le cas du haricot noir est interpellant, dans le sens que, parmi les denrées locales, il est le seul à enregistrer une forte croissance durant trois mois consécutifs. La hausse est particulièrement importante entre février et mars 2014 où elle atteint plus de 10% par rapport à janvier et de près de 18% entre les deux trimestres. Selon la CNSA, une telle tendance serait la conséquence des pertes de récoltes d’hiver, enregistrées dans la plupart des zones agro écologiques du pays, notamment dans les zones irriguées (Sud, Nord-Est, Nord-Ouest, Ouest, Nippes) et quelques régions en montagne comme dans le Sud-Est.

Cette situation de surchauffe au niveau des produits alimentaires est peut être également tributaire d’une part de l’anticipation des agents économiques d’une remontée vertigineuse du cours du billet vert sur le marché haïtien et, d’autre part, d’ éventuelles troubles socio politiques qui pourraient découler des prochaines élections en perspective. La nécessité de se prémunir contre des risques ou des chocs éventuels tend à se refléter dans le prix des aliments de base.

Il faut rappeler que le marché local est, à 80 pour cent pour certains produits, alimenté de l’extérieur. Mais sur le marché mondial, les prix font montre d’une relative stabilité et l’offre de grain tend à s’accroitre, notamment avec la baisse du prix du pétrole au niveau international. A ce titre, le contexte international semble encore favorable à la stabilisation des prix sur le marché mondial. Donc les causes de cette tendance à la hausse sur le marche local semblent provenir de l’intérieur même en raison du contexte socio-économique et politique fragile qui sévit dans le pays depuis plusieurs années et de la mauvaise qualité de récolte.

En termes de perspective des prix alimentaires et de sécurité alimentaire pour le prochain trimestre, comme on vient de le noter, le climat n’est pas trop favorable à une amélioration des conditions de sécurité alimentaire, ceci pour différentes régions du pays. Par exemple, de nombreuses zones dans la péninsule du sud, l’ouest, le Nord et dans le Plateau Central se retrouvent en situation de Stress (Phase 2 de l’IPC), une situation qui peut s’étendre jusqu’au mois de juin, donc jusqu’aux prochaines récoltes. Les revenus et les aliments provenant de ces deux campagnes ont diminué en raison des pertes enregistrées au niveau des plantations de haricot d’hiver et de maïs notamment dans les plaines irriguées et les montagnes semi-humides.

Malheureusement, les agriculteurs devront donc faire face à de grandes difficultés pour se procurer des intrants agricoles nécessaires à la campagne agricole du printemps. Même si le début des cueillettes (mangues, arbres véritables, aliments sauvages) en mai tendra à assouplir la situation dans les zones précitées, un suivi très soutenu de la situation alimentaire est toutefois nécessaire dans le bas Nord-Ouest et certaines communes dans le Sud-est où des conditions climatiques adverses font grimper rapidement l’insécurité alimentaire parmi les ménages pauvres.

Bref les perspectives ne sont pas encourageantes et s’avèrent très alarmantes pour les mois a venir. En outre, la complication de la situation socio-politique notamment avec les élections à venir peut rendre la situation encore plus difficile pour une population qui vit a plus 30% au niveau national dans l’insécurité alimentaire, et à près 76% dans la pauvreté. Les élections de cette année devraient en principe permettre aux meilleurs programmes de développement de gagner pour de meilleurs résultats notamment la réduction de la pauvreté, mais bref, la majeure partie des électeurs vote souvent sous le coup de l’émotion. Nous votons des fois les gens qui savent faire rire. Le pire c’est que des fois nous avons des dirigeants que nous n’avons même pas votés.

Etzer S. Emile, M.B.A

Economiste

Radio Vision 2000

etzeremile@gmail.com

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