Haïti – Économie: Radiographie du secteur de la microfinance au sommet de la finance et de la technologie appliquée
Au troisième jour du sommet de la finance et de la technologie appliquée qui se termine aujourd’hui, des chiffres tirés d’une étude intitulée « Évaluation du secteur de la microfinance» préparée par la firme Phareview que dirige l’ex-ministre de l’Economie et des Finances Daniel Dorsainvil ont été rendus publics. Cette étude financée par HiFive, un projet de USAID se concentre sur les institutions de microfinance formelle et a présenté un état des lieux de ce secteur.
Le premier constat fait par cette étude est la prédominance du commerce qui continue d’être la branche d’activité qui mobilise la plus forte proportion des prêts au sein des institutions de microfinance (IMF) en 2014 soit 66 %, même s’il faut admettre que ce pourcentage est devenu plus faible par rapport à 2010 quand le taux était de 72% pour l’ensemble du secteur.
Du coté de la production, le crédit accordé à cette branche enregistre quand même progression quoique faible, car il est passé de 2 % à 11 % au cours de la même période.
En 2014, selon Association nationales des institutions de microfinance en Haïti (ANIMH), les IMF formelles totalisent 194 sans compter les structures de financement de base (banques communautaires, mutuelles de solidarité) qui totaliseraient environ 3 500.
Quand au nombre d’emprunteurs, il faut dire que ce chiffre a plus que doublé entre 2010 et 2014, passant de 87 448 à 199 668, soit une augmentation de 128 % dans l’ensemble. En ce qui a trait au lieu de résidence des bénéficiaires, l’étude a constaté un début de déconcentration des prêts ou plus de la moitié soit 51% en 2010 étaient octroyés uniquement à Port-au-Prince. Alors qu’aujourd’hui Port-au-Prince reçoit 41% des prêts, une diminution de la part de Port-au-Prince au profit d’une progression du volume de prêts dans les villes de province, et les zones rurales entre 2010 et 2014, qui s’établit désormais à 59%.
Toutefois, il faut admettre que le crédit des IMF reste quand même très cher pour la clientèle, ce qui constitue un obstacle au développement des entreprises. Il faut dire que globalement au sein des institutions de microfinance, les prêts sont octroyés à des taux mensuels qui peuvent atteindre jusqu’à 4% le mois, un vrai calvaire pour des petits entrepreneurs. On reconnaît néanmoins le niveau de risque qui est associé à ce secteur, risque pays, risque d’insolvabilité, mais on se demande est ce qu’on exagère pas en fixant des taux nominaux mensuels aussi élevés sans même parler des frais de dossier. Bref. On est en droit de se demander si effectivement ce secteur peut vraiment aider le pays à sortir de l’extrême pauvreté. Les avis sont partagés, mais la réalité est bien là, les clients ont doublé en 3 ans, mais le revenu annuel par habitant en Haïti n’a pratiquement pas augmenté et la pauvreté touche aujourd’hui 6 millions de personnes sur les 10 millions d’habitants.
Un autre problème qui est soulevé par cette étude est la taille des prêts. Alors que le volume du portefeuille de crédit brut a augmenté de 51% en termes réels entre 2010 et 2014, la taille moyenne des prêts a chuté de 18 % durant la même période. Donc, les montants des prêts sont devenus plus faibles, ce qui rend plus difficile l’accumulation de capital au niveau des entreprises. Cela conduit de préférence à l’entrepreneuriat de survie, qui ne permet pas aux entrepreneurs de se développer voire changer leur niveau de vie. D’ou le paradoxe, d’un cote le développement exponentiel du secteur de la microfinance en Haïti et d’un autre coté, le ralentissement économique et la décapitalisation de la population.
Etzer S. Emile, M.B.A
Economiste
Radio Vision 2000