Haïti – 5e édition du Sommet sur la finance et la technologie appliquée : Disparité criante entre les communes
Source Dieudonné Joachim / Patrick SAINT-PRE | Le Nouvelliste | radiotelevisioncaraibes.com
En termes de recettes propres et d’investissement public, la réalité des collectivités territoriales en Haïti est loin d’être homogène. Certaines des 140 communes vivent dans la nudité totale tandis que d’autres contribuent à hauteur de plus de 10 millions de dollars dans les caisses de l’Etat. C’est ce qui ressort de la première journée de la 5e édition du Sommet sur la finance et la technologie appliquée dont le coup d’envoi a été donné ce lundi 20 avril 2015, à l’hôtel Karibe et qui se déroule, cette année, autour du thème « Financer les exportations d’Haïti ».
Collecter des taxes et impôts est une tâche ardue en Haïti comme dans le reste du monde. Mais la disparité entre deux communes d’Haïti dans ce domaine peut surprendre. Entre Delmas, la commune la plus riche qui perçoit plus de 10 millions de dollars et Anse-à-Foleur, la plus pauvre, qui ne collecte que l’équivalent de 621 dollars américains d’impôts annuellement, la différence est énorme. Les chiffres avancés par le Group Croissance parlent d’eux-mêmes. Les investissements de l’Etat sont concentrés dans le département de l’Ouest et sept communes de la zone métropolitaine de Port-au-Prince collectent plus de 439 millions de gourdes sur un total de 517 millions durant l’exercice 2013-2014.
Qu’il s’agisse du sénateur Jocelerme Privert, de Joseph Paillant ou encore d’Yves Bastien, le constat est unanime : les recettes au niveau des 140 communes du pays sont trop faibles. Ces derniers se sont évertués à donner une réponse à la question « Comment augmenter les recettes municipales ?», et cette interrogation a servi de fil conducteur à leur exposé.
Ariel Henry, ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, en donnant lecture du discours d’ouverture du sommet, a reconnu volontiers que les collectivités territoriales peinent encore à remplir leurs fonctions et que ces dernières sont défaillantes. « 85% des communes dépendent exclusivement des allocations versées par le pouvoir central », a déclaré le ministre, qui en a profité pour témoigner tout l’intérêt accordé par le MICT à pareil évènement.
« Les recettes des collectivités territoriales ne représentent qu’un pour cent des ressources totales collectées », a fait savoir le sénateur Jocelerme Privert, ancien secrétaire d’Etat aux Finances au début des années 2000. Selon ce dernier, les 140 communes ont réussi à collecter, pour l’exercice précédent, environ 517 millions de gourdes alors que la Direction générale des impôts (DGI) et l’Administration générale des douanes (AGD) avaient prévu initialement, avant que ne soit révisée la loi de finances 2014-2015, de collecter 60 milliards de gourdes.
Sur une douzaine d’impôts levés au niveau des collectivités territoriales, dont les droits de location d’espace dans les marchés publics, le droit d’inhumation, le droit de péage sur les routes et dans les entrées des villes ou encore les redevances dans les carrières, mines et nappes, la Contribution foncière de la propriété bâtie (CFPB), couramment appelée « impôt locatif » et la patente représentent 501 millions de gourdes sur 517 millions collectées.
Le fiscaliste Joseph Paillant a déclaré que « les gens souffrent d’allergie fiscale en Haïti » dans un souci d’illustrer cette situation préoccupante. Pour Yves Bastien, dont la présentation a été empreinte de lyrisme et d’émotions, cette situation est due à « notre indifférence ».
Le département du Nord avec ses 19 communes n’a collecté que 17 millions de gourdes tandis que le Sud avec ses 18 communes est au dessous des 10 millions de gourdes, soit plus de 8 millions de gourdes. L’Ouest, sans les 7 communes de la zone métropolitaine, arrive à collecter 14 millions de gourdes pour ses 13 communes. Le Nord-Est est en queue de peloton puisque ses 13 communes n’ont collecté qu’environ un million de gourdes pour l’exercice fiscal écoulé.
Au moment où les collectivités se plaignent du manque de moyens, à la première journée du 5e Sommet sur la finance et la technologie appliquée, des spécialistes de technologie et de la communication ont mis en relief leurs travaux, leur savoir et savoir-faire ainsi que des outils pour faire fructifier les ressources des communes.
Carl Clermont, P.D.G. de CompuConsult, a axé son intervention sur l’importance des TIC dans la bonne gouvernance et s’est permis un instant d’énumérer quelques caractéristiques de la bonne gouvernance: l’esprit de consensus, la capacité de suivre, de respecter les lois, les normes établies, le devoir de reddition des comptes, le devoir de transparence, la recherche de l’efficience. M. Clermont a souligné que le taux de pénétration de l’Internet en Haïti avoisine les 14%. Le spécialiste en TIC a pris des exemples pour monter comment de simples tâches comme le géo-référencement des propriétés bâties des collectivités peuvent-être gérées à partir d’une tablette numérique ou d’un téléphone intelligent.
Dans un autre registre mais toujours à la recherche de résultats pour les collectivités, Kurth Jean-Charles, P.D.G. de Solutions, qui a presenté Civitax, un logiciel dont la conception est financée par l’Agence américaine pour le développement international (USAID) et qui sert à renforcer les capacités des municipalités dans les domaines de la gestion de leur rôle fiscal et de leur budget. Civitax, qui a été remis au ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, est présenté par son concepteur comme un moyen de coordonner les actions des différents partenaires des municipalités, élargir la trousse des outils des municipalités et arbitrer à travers l’outil des standards à adopter dans la gestion des services fiscaux.
A la mairie de Carrefour où ce programme a été expérimenté pour la première fois, les résultats sont probants, selon Kurth Jean Charles : de 5 millions de gourdes collectées avant l’arrivée de Civitax, cette municipalité a pu collecter 13, puis 80 millions de gourdes. Ce programme utilisé par plusieurs mairies, dont celles du Cap-Haïtien, de Pétion-Ville, de Delmas, est aujourd’hui propriété de l’Etat haïtien via le ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales. Le responsable de Solutions promet que ce logiciel qui permet l’intégration de systèmes va en s’améliorant.
Pour cette première journée, l’accent a été mis sur les finances municipales et, en ce sens, les principaux intervenants n’ont pas manqué, dans leurs prises de parole respectives, de partager avec l’assistance l’état des lieux des finances municipales, statistiques à l’appui, de proposer des stratégies pour augmenter les revenus des communes et présenter les principaux défis et opportunités pour les futurs responsables municipaux.
Kesner Pharel, P.D.G. du Group Croissance, et principal instigateur de ce sommet, qui, pour l’occasion, s’est mué en maître de cérémonie, a rappelé, lire la suite sur radiotelevisioncaraibes.com