Pauvreté chronique en Amérique latine et en Haïti: quelles perspectives pour une meilleure économie haïtienne?
La persistance de la pauvreté au niveau régional notamment en Haïti continue de préoccuper certaines organisations régionales et même internationales compte tenu de la fragilité d’une telle situation et de ses implications pour les générations à venir. En effet, selon un dernier rapport de la Banque Mondiale publié hier Lundi 9 mars 2015, la pauvreté chronique affecte 130 millions de personnes en Amérique latine et dans les Caraïbes. Les personnes qui se trouvent dans cette catégorie vivent avec moins de 4 dollars par jour, malgré la croissance économique atteinte par la région au cours de la dernière décennie et les efforts pour encourager l’accès au marché du travail.
Dans cette étude intitulée «Les oublies: pauvreté chronique en Amérique latine et dans les Caraïbes », les auteurs Reindeer Vakis, Jamele Rigolini et Leonardo Lucchetti ont révélé qu’une personne sur cinq dans la région de l’Amérique Latine et des Caraïbes vivent dans la pauvreté toute sa vie et qu’il existe des variations importantes entre les pays.
En 2004, le pourcentage de pauvres en Amérique latine s’est élevé à 44,9%, tandis qu’en 2012 ce taux avait chuté pour atteindre 25,7%. Et, selon les dernières données de la CEPAL, environ 28% de la population en Amérique Latine se trouvait en situation de pauvreté en 2014.
L’Uruguay, l’Argentine et le Chili sont les trois pays avec les meilleures conditions, donc avec moins de pauvres. Ils enregistrent alors les taux de pauvreté chroniques de pauvreté les plus faibles soit autour de 10%, tandis que dans l’autre extrême, on retrouve le Nicaragua avec un taux de pauvreté de 37%, Guatemala près de la moitié de sa population et Haïti avec un taux qui dépasse 70%, ce qui parait très choquant pour des analystes qui questionnent encore le niveau de gouvernance économique de ce dernier pays durant ces 30 dernières années.
Il y a quand même des disparités entre la situation dans les villes et celle qui prévaut dans les campagnes. En effet, la mobilité sociale au sein des pays de la pauvreté chronique a conduit aussi vers les centres urbains, comme au Chili, au Brésil, au Mexique, en Colombie et en République dominicaine ont des taux plus élevés de pauvres chroniques dans les villes entre 2004 et 2012 que dans les campagnes.
Les disparités entre ville et campagne en Haïti sont encore plus grandes. On se rappelle que la Banque Mondiale en juillet 2014 avait publié un rapport sur les différences de taux de pauvreté en Haïti en milieu rural et en milieu urbain. Haïti a toujours été reconnu comme le pays le plus inégalitaire en Amérique latine et dans les Caraïbes; 20% de la population détient plus de 64% de la richesse totale, tandis que les 20% les plus pauvres détiennent à peine 1% de la richesse.
Mais la plus grande inégalité est géographique – entre les villes et la campagne. L’écart entre le niveau de vie des populations urbaines et rurales en Haïti est saisissant: plus de 70% des ménages ruraux sont considérés comme chroniquement pauvres, contre un peu plus de 20% dans les villes. Cela signifie qu’ils vivent en dessous du seuil de pauvreté d’Haïti avec moins de 2 dollars par jour et n’ont pas accès aux biens et services de base.
Pour reprendre les conclusions de ce nouveau rapport de la BM, les facteurs à prendre en compte pour éradiquer la pauvreté sont multiples. Il ne suffit pas à un pays d’enregistrer des taux de croissance intéressants, que nous n’avons même pas d’ailleurs, mais l’application de toute une politique sociale et économique, avec notamment l’intégration de l’innovation, et le développement des infrastructures. Il faut aussi faire la promotion de la paix sociale et la stabilité. Les perspectives pour arriver à une meilleure économie haïtienne dans les 5 à 10 prochaines années sont des plus sombres par rapport à cette image que projette l’appareil politique en Haïti. La route est vraiment longue et tortueuse pour l’amélioration durable des conditions de vie dans ce pays, surtout avec les soubresauts quotidiens et les instabilités créées qui perturbent et ralentissent les activités économiques. Ceci ne fait que compliquer la situation et hypothéquer la relance de notre économie et la lutte contre la pauvreté.
Etzer S. Emile, M.B.A
Economiste
Radio Vision 2000