Haïti – Économie: Baisse des prix du carburant sur le marche haïtien, la politique prime une fois de plus sur l’économie
Dans cette chronique nous abordons assez souvent la question de faibles moyens de financement de l’Etat haïtien que ce soit pour son fonctionnement ou pour les investissements publics.
L’économie haïtienne nous habitue donc avec un schéma de faibles ressources, faibles rentrées de devises et des dépenses exagérées pour un déficit budgétaire qui fait tort à l’économie et qui entrave les réalisations.
En effet, mardi dernier, nous avons émis des commentaires sur les derniers chiffres concernant les recettes de l’Administration générale des Douanes (AGD) pour le premier trimestre de l’année fiscale en cours, des chiffres qui parlent des recettes de l’ordre de 7 milliards 751 millions de gourdes, dont 3,8 milliards pour le seul mois de décembre.
Mais nous avons bien noté dans la publication que le directeur général des douanes avait affirmé que les bonnes recettes du mois de décembre dernier, sont surtout imputables aux recettes sur les taxes des produits pétroliers suite à la décision de réduction de la subvention des produits pétroliers. En d’autres termes, la hausse des recettes de décembre qui a fait sourire les autorités économiques de ce pays, a été une conséquence de la hausse du prix du carburant depuis octobre.
Maintenant, la grande question qui préoccupe tous les analystes et économistes avisés de la place concerne évidemment les conséquences ou encore l’impact que cette baisse des prix du carburant, qui est effective des ce matin, va avoir sur les finances publiques et d’autres indicateurs macroéconomiques.
En effet, le weekend dernier, le Ministère de la Communication suite à des négociations engagées entre le Ministère de l’Économie et des Finances et plusieurs syndicats, a publié les prix révisés des produits pétroliers, notamment avec la Gazoline qui a perdu 7.5% de son prix pour passer de 215 à 200 Gourdes et le Diesel de 177 à 167 Gourdes.
Selon les estimations, cette décision de baisse des prix, peut faire enregistrer à l’Etat haïtien un manque à gagner de 3 à 4 milliards de gourde sur l’année fiscale. Ce qui veut dire clairement que le gouvernement aura moins de ressources que celles prévues dans le budget pour fonctionner et respecter ses obligations. Probablement, cette baisse de ses revenus futurs rendra plus difficile les ajustements de salaires tant exigés par les enseignants et autres fonctionnaires de l’Etat.
Donc, clairement, nous sommes en train de causer la baisse des recettes de l’Etat, et de le demander en même temps de dépenser un peu plus pour des salaires et d’autres revendications des différentes communes de ce pays. Donc, cette baisse des prix du carburant va nous enfoncer davantage dans le déficit budgétaire et dans l’incapacité de répondre aux exigences de la population. Et cette même population qui se croit gagner quelques gourdes sur chaque gallon de carburant consommé, doit se préparer à la hausse éventuelle des prix des produits alimentaires sur le marché à moyen termes, comme conséquence de ce déséquilibre macroéconomique qui poussera le gouvernement a faire appel a la planche a billet de la BRH. Le plus dangereux dans tout cela, cette nouvelle subvention du carburant va probablement mettre le gouvernement dans l’embarras face au FMI et la Banque Mondiale, qui voient toujours dans la subvention du carburant une action d’économie planifiée qu’il faut combattre et faire disparaître. Il faut craindre donc un durcissement des rapports avec ces deux bailleurs qui déjà avait énormément réduit leurs apports à l’Etat haïtien pendant ces dernières années.
Dans ce contexte difficile, ne parlons même pas du Venezuela, qui voit sa situation économique se dégrader chaque jour. Avant hier encore un article du New York Times a expliqué le cas choquant d’un des plus prestigieux hôpitaux publics du Venezuela qui a du fermer son unité de chirurgie cardiaque pendant des semaines en raison de pénuries de fournitures médicales. Qui pis est, les économistes prédisent que la pénurie peut être encore plus aiguë et l’inflation qui déjà est à 64% au Venezuela peut continuer à grimper, sans compter le déficit budgétaire qui se creuse de jour en jour avec la baisse continue du prix du pétrole sur le marche mondial.
Sans vouloir être alarmiste ou pessimiste, nous devons le dire honnêtement que notre futur en Haïti est des plus hypothétique, la situation économique et financière de ce pays risque de s’empirer, et les caisses de l’Etat deviendront peut être presque vide pour répéter notre président, avec cette nouvelle baisse du prix à la pompe qui répond aux exigences politiques et pressions sociales mais pas du tout aux rationalités économique et managériales.
Etzer S. Emile, M.B.A
Economiste
Radio Vision 2000