Haïti: un feuilleton télé éducatif et divertissant pour les rescapés du séisme

Une toile de tente, de la boue et une fausse table de cuisine, tel est le cadre d’un feuilleton proche de la réalité que vivent des milliers d’Haïtiens après le séisme meurtrier de janvier. Intitulé « Sous le ciel », cette série, qui a planté son plateau de tournage dans un camp de rescapés, vise à diffuser des messages à but pratique mais aussi distraire le 1,5 million d’Haïtiens sans abri.

Vendredi, le tournage du 3e épisode, qui devait porter sur la sécurisation des abris face aux intempéries de la saison des pluies, a été interrompu à cause d’inondations et de coupures de courant. Le réalisateur américano-haïtien Jacques Roc a décidé de prendre le risque de tourner dans un camp de Port-au-Prince vulnérable aux inondations afin de s’approcher au plus près de la réalité vécue par les réfugiés.

« Il y a beaucoup de choses qui se passent dans les camps et quand on y est, on s’en rend compte », explique-t-il.

Ce feuilleton raconte la vie d’une famille qui a trouvé refuge dans un camp de rescapés après le séisme dévastateur du 12 janvier. Des acteurs connus en Haïti comme Junior Metellus, 35 ans, jouent dans la série, qui mêle comédie, drame et messages éducatifs. L’objectif initial des créateurs était de dépeindre une famille de la classe moyenne pour montrer que la catastrophe affecte toutes les couches de la société haïtienne.

« Tous ceux qui sont dans les tentes ne viennent pas d’un milieu modeste. Certains avaient une maison, et certains ont toujours leur voiture », explique Jacques Roc, qui s’est installé aux Etats-Unis à l’âge de 14 ans et a étudié la réalisation à l’Université de New York.

Chacun des 16 épisodes de 15 minutes aborde un thème déterminé par la mission de l’ONU en Haïti, la Minustah, qui est à l’origine du projet et finance les 6.000 dollars que coûte chaque épisode. Les responsables de la force onusienne de 9.000 hommes espèrent que le feuilleton donnera des informations utiles aux sinistrés sur la survie dans des conditions difficiles et leur apportera aussi une distraction.

« Le soir, il procure un divertissement et une manière de communiquer des informations qui est utile », explique David Wimhurst, porte-parole de la Minustah. Les thèmes abordés concernent la sécurité, la prévention de la violence, l’enregistrement des habitants des camps et tout autre danger ou défi auxquels les rescapés du séisme sont confrontés au quotidien.

Le feuilleton est diffusé sur des écrans en plein air dans une dizaine de camps de réfugiés et sur six chaînes de télé haïtiennes. Il pourrait également être téléchargé sur YouTube et distribué aux chaînes de la diaspora haïtienne aux Etats-Unis.

Lorsque la mission de l’ONU donne le thème d’un nouvel épisode, l’équipe de Jacques Roc l’écrit, le tourne et le monte en quelques jours. Les deux premiers épisodes ont été diffusés quelques heures seulement après avoir été achevés.

L’épisode 3 devait être tourné vendredi. La Sécurité civile avait émis une alerte aux inondations, mais l’équipe du feuilleton a quand même gagné le plateau de tournage, situé dans un camp de la périphérie de Port-au-Prince. Des pluies diluviennes ont inondé la zone et le tournage a finalement été reporté.

Le lendemain, les habitants des camps de Port-au-Prince ont dû se contenter d’une rediffusion du 2e épisode. Mais personne ne s’est plaint parmi la dizaine de personnes rassemblées sous la pluie autour de l’écran installé au Champ de Mars, près du palais présidentiel effondré.

« Dès que (le week-end arrive), c’est là que je viens passer le temps », confie Luknor, 19 ans. « Ils viennent avec le grand écran pour nous montrer ce qui se passe dans le pays ». Luknor dit avoir appris grâce au premier épisode de « Sous le ciel » que retourner dans sa maison, proche du principal stade de football de la capitale, serait dangereux pour sa famille.

Bien qu’évoquant la situation tragique du pays, le feuilleton fait volontiers dans l’humour, ce qui explique en partie son succès, selon Jacques Roc. « Les Haïtiens aiment la comédie, ils aiment rire », souligne le réalisateur. « Même si c’est grave, ils ont besoin de rire d’une manière ou d’une autre ».
AP

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