4% du PIB : une estimation questionnable de la croissance de l’économie haïtienne pour l’année 2013…
La Commission économique de l’ONU pour l’Amérique latine et la Caraïbes (CEPAL) qui suit de très prêt l’évolution des économies de la région a rendu public cette semaine son dernier rapport habituel sur la croissance de ces économies intitulé ‘’ Balance préliminaire des économies de l’Amérique latine et de la Caraïbe 2013.
En effet, selon ce rapport, la croissance du produit intérieur brut (PIB) de l’économie haïtienne en 2013 est estimée à 4 %, en comparaison à ce taux de 2,8 % enregistré en 2012. Ce taux de croissance économique estimé à 4% pour Haïti pour l’année 2013 a surpris plusieurs analystes et économistes qui anticipaient une croissance reflétant la réalité et l’état de la santé de l’économie haïtienne qui a confronté tant de soubresauts en 2013.
Selon le rapport de la CEPAL, ce taux de croissance de 4% estimé pour l’économie haïtienne en 2013 serait la résultante des développements positifs enregistrés dans le secteur agricole, par rapport à sa dégringolade (-2,2 %) en 2012 et un rebond plus prononcé dans le secteur de la construction dont les activités ont augmenté de 11%, la fabrication 7 % et les activités commerciales 7%.
Selon les experts de la CEPAL, qui viennent en Haïti pendant une semaine et collectent surtout les points de vue du gouvernement, cette tendance pourrait éventuellement être consolidée sur l’exercice 2014 avec une croissance encore plus robuste de 4.5% du PIB, ceteris paribus, c’est-a-dire en dehors des circonstances défavorables comme la question climatologique ( ouragans) , les principaux prix internationaux ( pétrole et aliments ) et la santé de l’ économie mondiale, en particulier celle des États-Unis.
L’inflation annuelle moyenne (7%) a légèrement augmenté par rapport à 2012 où elle a atteint 6,8%. Cependant, en fin d’exercice (Septembre) elle a chuté de 6,5% à 4,5%.
En ce qui concerne le secteur extérieur, toujours selon la CEPAL, pour la troisième année consécutive, les dons vers Haïti continue de baisser ( -37 % ), alors qu’à l’inverse les transferts privés de la diaspora haïtienne vers l’économie ont augmenté de 10.5%, ce qui a partiellement modéré ce grand déficit du compte courant (7% du PIB ) dans l’économie haïtienne.
Il faut rappeler qu’en Août 2013, le gouvernement d’Haïti a achevé la sixième revue de la Facilité élargie de crédit (FEC ) avec le Fonds monétaire international (FMI) et la dernière évaluation macroéconomique du programme a été globalement satisfaisante dans sa septième révision en Novembre 2013, bien que les résultats obtenus au niveau des finances publiques du gouvernement Martelly/Lamothe aient été moins positifs que prévu .
En ce qui concerne le commerce extérieur, il faut dire que les exportations (biens et services) d’Haïti ont augmenté légèrement passant de $ 1,046 millions en 2012 à $ 1,077 millions en 2013. Tandis que les importations du pays ont baissé légèrement, passant de 3,841 millions de dollars US à 3,807 millions de dollars.
Au niveau du secteur public, il faut dire que l’augmentation des dépenses est due à une accélération des dépenses courantes (10 %) provoquée par l’augmentation de 5% des salaires, conformément à une augmentation de 6 % des emplois dans le secteur public et du coût de fonctionnement (10 %). Tandis que l’investissement public a augmenté de seulement 2,3 % dans l’économie.
L’évolution non satisfaisante des recettes fiscales dans l’économie est due à la réduction pour la deuxième année des recettes tarifaires (-5,8 % en 2012 et -3,6% en 2013), alors que les recettes recueillies des impôts indirects (TVA) ont augmenté de 9,4%.
Le crédit net au secteur privé a augmenté de seulement 11% en termes réels en 2013 contre 22% en 2012. Toujours selon les données estimatives publiées par la CEPAL, les investissements directs étrangers continuent de régresser dans l’économie haïtienne avec des flux de 156 millions de dollars en 2012 contre 118 millions en 2013.
Le stock de la dette extérieure d’Haïti a atteint 1.474 millions de dollars, soit une nette augmentation de 38 % associée à la dette Petrocaribe envers la République bolivarienne du Venezuela.
En dernier lieu, toujours selon le rapport de la CEPAL, le secteur touristique en Haïti cette année a connu des développements positifs notamment avec l’achèvement des travaux de construction au niveau du secteur hôtelier plus précisément les hôtels Oasis, Best Western, NH El Rancho et une augmentation de 25 % dans le nombre de visiteurs par rapport à l’année précédente (2012).
Selon les experts de la CEPAL, en 2013, la croissance de l’économie haïtienne est estimée à 4% et les prévisions pour 2014 tablent sur une croissance du PIB de 4,5%.
Une croissance de 4% pour 2013 vraiment questionnable jusqu’ici par rapport à la réalité économique du pays, un taux qui va surement susciter certains débats au niveau du secteur économique avisé…A t-on tenu en compte le fait que la douane a dû fermer ses portes pendant pratiquement trois semaines et que dire de la crise actuelle dans le secteur de la sous-traitance? Une estimation de croissance qui pourrait être révisée et qui sera favorable à la crédibilité de la CEPAL.
Riphard Serent
Vision 2000