Les chantiers numériques, plaidoyer pour l’émergence de l’art numérique en Haïti

Grâce à l’initiative du commissaire d’exposition haïtien Giscard Bouchotte, David Gumbs, photographe et artiste multimédia de l’île de Saint Martin, est venu à Jacmel dans le cadre d’une résidence pour animer un Master Class Multimédia de 3 semaines du 12 au 31 août 2013 à l’Ecole « Atelier de Jacmel », spécialisée dans le patrimoine et le développement.

Pour marquer la clôture de ces activités d’initiation, l’artiste a présenté le mercredi 3 septembre 2013 l’exposition-rencontre « Somewhere in paradise », inspirée par les paysages de cette ville, deux œuvres interactives intitulées « Soleil Magma » et « Indicible magnitude ».

L’art haïtien en besoin de révolution culturelle et technologique

Dans « Somewhere in paradise », mise en situation dans une grande salle vide, dans le noir, le spectateur découvre deux écrans, seule source de lumière, l’un de face et le deuxième sur le côté gauche. Le premier rappelle la nature, un paysage d’automne plongé dans un monde onirique, qui réagit grâce à un capteur de mouvement. Le deuxième prend la forme corporelle d’un homme avec un fond de ciel bleu et de feuilles vertes, il s’anime et s’active grâce aux mouvements.

Les spectateurs découvrent allégrement leur rôle dans cette exposition et circulent devant les deux écrans pour les faire vivre. Ces créations ont été imaginées et mises au point dans des zones perdues de Jacmel dans le noir, au milieu des détritus, où les mouvements ont été captés pour créer « Le Soleil Magma ». Le concept de paradis est utilisé dans un double sens : la beauté des paysages et le contraste d’Haïti qui lient des codes contradictoires.

L’artiste mêle art numérique interactif, vidéos et photographies afin de concevoir des œuvres évolutives et originales. En distillant la technologie numérique, il en fait ressortir des essences de rêve et de poésie, en utilisant ainsi la partie vivante, sensible, voire fragile.

A travers des formes d’expressions pluridisciplinaires, David Gumbs développe la notion d’interactivité, par laquelle l’œuvre existe et évolue grâce à l’action des spectateurs. Pour lui, c’est le public qui complète l’œuvre. Art interactif, numérique, participatif, installation, design, vidéo, photographies …

Grâce aux formes d’expressions diverses, il réactive les sens au cœur d’espaces et de créations sensibles.

La Master Class, organisée pour une dizaine d’artistes, est l’occasion d’impulser le « net art » dans les œuvres haïtiennes grâce à une solide formation en création multimédia. C’est aussi un espace essentiel pour sensibiliser sur la conception et la réalisation de l’art contemporain, d’une part sur la création graphique et dans un second temps sur l’interactivité. L’objectif affiché est d’accroître les possibilités et les champs artistiques et esthétiques en Haïti. Cela donne l’envie d’innover et de questionner le statut de l’artiste haïtien, de l’artiste contemporain haïtien aujourd’hui.

Bien que l’artiste David Gumbs, également enseignant au Campus Caribéen des Arts de Fort-de-France, déplore les nombreuses coupures d’électricité, il salue cette initiative qui devrait encourager l’avenir de l’art numérique dans le pays. Le bon niveau de ses élèves recrutés sur dossier a facilité l’expérience. Ceux-ci ont créé des prototypes d’animations que le grand public pourra découvrir dès la mi-septembre sur le tumblr du projet : http://chantiersnumeriques.tumblr.com/

L’artiste nous explique sa démarche : « Mes recherches investissent les champs du paysage, le paysage mental et le corps. Afin de répondre à ces questionnements, ma pratique artistique polymorphe explore le dessin automatique pulsionnel et répétitif, la peinture, la photographie, l’image en mouvement par le biais de la vidéo expérimentale, l’animation générative par la programmation, et la vidéo interactive en temps réel. » (www.davidgumbs.com)

Ce travail réalisé dans la ville de Jacmel, valorise les matières, il a été développé autour de deux thématiques « Pays imaginé » et « portraits ». Il met en lumière l’importance de l’utilisation des nouvelles technologies dans les pratiques artistiques d’aujourd’hui, quasi absente en Haïti en dehors du travail de Maksens Denis, plasticien. Ce projet veut surtout inciter à créer et établir des interactions avec le public. L’éclatement des médias doit être de plus en plus utilisé par les artistes haïtiens pour entrer dans les nouvelles formes d’arts et proposer leurs créations.

Nous ne pouvons qu’encourager ce potentiel énorme et cette nouvelle fenêtre ouverte pour l’art contemporain haïtien. Cependant, il faut nous interroger sur les grands obstacles que l’utilisation de ces mediums impliquent en Haïti : une maîtrise totale des logiciels et appareils, accessibilités à ces équipements, problèmes d’électricités et manque de local adapté pour exposer et travailler ces œuvres.

Jacmel, ville culturelle ?

Une trentaine de personnes ont visité l’exposition, notamment des lire la suite sur alterpresse.org

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