Politique – Esclavage à Haïti : la Caisse des dépôts attaquée en justice
© Le Parisien. La Caisse des dépôts (CDC), le bras financier de l’Etat, aurait conservé l’argent qui devait dédommager les propriétaires terriens d’Haïti.
La procédure juridique a peu de chances d’aboutir mais le Conseil représentatif des associations noires (Cran) a annoncé vendredi, à l’occasion de la journée de commémoration de l’abolition de l’esclavage, qu’il assignait en justice la Caisse des dépôts (CDC), lui reprochant d’avoir profité de la traite négrière. Le 10 mai est la date retenue pour la journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, célébrée depuis 2006 et issue de la loi Taubira de reconnaissance de la traite et de l’esclavage comme crime contre l’humanité (2001). «La CDC est complice d’un crime contre l’humanité», a déclaré Louis-Georges Tin, président du Cran, qui assigne la CDC et deux de ses filiales devant le tribunal de grande instance (TGI) de Paris parce que la banque a encaissé les sommes versées par Haïti en contrepartie de son indépendance. «Nous assignons en justice la Caisse des dépôts et consignations, la banque d’Etat qui a joué un rôle considérable dans l’esclavage», a-t-il insisté lors d’un point presse devant le palais de justice, précisant que l’assignation serait remise lundi à la banque. Haïti a acquis son indépendance en 1804 contre les troupes de Napoléon Bonaparte, mais la France a alors exigé un tribut financier pour indemniser ses colons. Haïti a payé de 1825 à 1946 «des sommes équivalentes à 21 milliards de dollars» d’aujourd’hui, selon M. Tin. C’est la CDC qui a encaissé cet argent, a-t-il souligné.
La fin de non-recevoir de François Hollande
La CDC s’est également «enrichie grâce à l’exploitation colonialiste», selon Me Norbert Tricaud, avocat du Cran, puisqu’elle a géré les comptes de plusieurs banques coloniales. Plus généralement, l’assignation contre la CDC s’insère dans une campagne du Cran pour obtenir des réparations de l’esclavage. «Si on fait cette assignation, c’est pour alimenter le débat», a dit Me Tricaud. Face à «l’impossible réparation» des traites négrières et de l’esclavage, François Hollande a prôné «la paix des mémoires réconciliées» lors d’une cérémonie de commémoration au Jardin du Luxembourg. «Le seul choix possible, le plus digne, le plus grand, c’est la mémoire, la vigilance et la transmission», a déclaré le chef de l’Etat, adressant ainsi une nouvelle fin de non recevoir aux revendications de réparations matérielles portée par quelques voix associatives. Il reste ainsi fidèle à la ligne déjà explicitée lors de son voyage au Sénégal en octobre dernier et de son hommage aux victimes de la traite transatlantique sur l’île de Gorée. «Notre responsabilité est de donner un avenir à cette mémoire», a affirmé le président, annonçant que l’Etat apporterait sa «contribution» au «projet emblématique», jusqu’alors porté par la région Guadeloupe (fief du ministre des Outre-mer, Victorin Lurel) de centre d’expression sur la traite, baptisé «memorial ACTe», à Pointe-à-Pitre. «C’est la paix des mémoires réconciliées et non l’oubli qui rendra la France plus forte», a-t-il ajouté. (http://news.fr.msn.com)