Haïti- Reconstruction : Les Charognards toujours là

Plus de trois ans après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 qui a tué plus de 200 000 Haïtiens et fait 300 000 blessés, l’année 2012 a connu une sécheresse puis deux ouragans assombrissant encore un peu plus la situation. Mais les catastrophes naturelles ne seraient pas aussi meurtrières si les charognards capitalistes n’étaient pas en train d’intensifier le pillage du pays.
Le reportage récemment diffusé en France mettait en lumière la réalité de l’aide humanitaire et de la reconstruction d’Haïti1, trois ans après le tremblement de terre qui a jeté plus de 1, 5 million de personnes dans les camps de réfugiés. L’aide humanitaire est un véritable désastre au vu des sommes englouties dans le fonctionnement et pour un résultat ­catastrophique sur place. Pire, quand elle n’est pas détournée par l’oligarchie locale, la mafia, ou les ONG elles-mêmes, elle sert à multiplier les zones franches qui recouvrent le pays de béton, ajoutant aux réfugiés des milliers de paysans expulsés.

Bienfaiteurs ou impérialistes ?

Pour rappel historique, après la période d’occupation de 1915 à 1934, les deux dernières invasions américaines datent de 1994, sous la présidence de Clinton, et de 2004, sous la présidence de Bush. En 2010, la gestion de la reconstruction et d’une partie des fonds internationaux pour la reconstruction d’Haïti est confiée à ces deux experts de Haïti2. Ce fait illustre parfaitement le néo-impérialisme.
Alors que 360 000 personnes vivent toujours dans des abris de fortune, qu’un million de personnes sont retournées dans des bidonvilles, la priorité des moyens mis en œuvre va à des projets servant l’oligarchie locale, quand ce n’est pas à l’ancien président démocrate lui-même. En plus de ne pas résoudre le problème de la reconstruction, les projets mis en place tendent à l’établissement de zones franches. Les ressources naturelles sont pillées et bétonnées, et les infrastructures publiques (électricité, eau) vont en priorité vers les quartiers riches où pullulent affairistes américains, mafieux et oligarques…

Macoutisme patronal

L’exemple du parc de zone franche de Caracol est en ce sens très parlant. Clinton, qui avait déjà acheté toutes les terres de cette commune de 7 000 habitants en 2009, est venu récemment, accompagné de Mme Clinton, secrétaire d’État aux Affaires étrangères de la présidence Obama, inaugurer le tout nouveau parc de zones franches. Situé au nord du pays, sur la côte, au plus près de Cap Haïti et des États-Unis, la zone franche s’est construite en expulsant les paysans de cette plaine cultivable. La multitude des zones franches bétonne un peu plus un pays qui ne compte plus que 1 % de forêt, un pays qui ne cultive pas assez pour nourrir sa population et rend donc les Haïtiens plus dépendants de l’aide alimentaire des multinationales américaines, canadiennes et française.
Mais les zones franches sont surtout des outils à profit et exploitation. Un jeune ouvrier haïtien déclarait récemment : « La situation que nous vivons et la situation que vivent les esclaves est la même »3. Ces ouvrierEs sont exploités sans droits ni salaires décents. Ils gagnent moins de 200 gourdes par mois (4 euros). Et quand certains sont parvenus, avec l’aide de l’organisation Batay Ouvriye, à monter un syndicat reconnu par le ministère des Affaires sociales et du Travail, le macoutisme patronal a rejeté le document officiel, menaçant de révocation plusieurs membres de la délégation syndicale4. L’entreprise choisie par Clinton est par ailleurs réputée pour sa répression et sa maltraitance physique des salariéEs, particulièrement des syndicalistes 5.
Le tremblement de terre a donc permis aux impérialistes américains et canadiens (français et espagnols dans une moindre mesure) d’accélérer leur mainmise sur l’île. (http://www.npa2009.org)

Thibault Blondin

1. Assistance mortelle de Raoul Peck, Arte, diffusé le mardi 16 avril 2013
2. http://www.clintonbushhaitifund.org/
3. La Sentinelle du peuple, Volume III numéro 9, janvier-février 2013, journal de Batay Ouvriye en Haïti
4. Communiqué de l’Union syndicale Solidaires, 11 février 2013
5. Rapport de Workers Rights Consortium : http://flk.r.mailjet.com

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