Haïti – Agriculture : Perspective alimentaire (mars-juin 2013)
La campagne agricole du printemps a démarré presque partout à travers le pays. Cependant, malgré la motivation des agriculteurs, la faible disponibilité de semences tend à compromettre la réussite de l’exercice. L’accès aux produits alimentaires locaux sont de plus en plus rares et se renchérissent dû à la faible production en 2012, par contre, les marchés sont bien achalandés en produits importés dont les prix maintiennent une certaine stabilité. L’insécurité alimentaire continue à frapper des ménages pauvres à travers le pays
Situation actuelle (mars 2013) :
La situation actuelle est caractérisée par le démarrage de la campagne agricole du printemps. Cependant, d’après les rapports publiés en mars par le NOAA [National Oceanic and Atmospheric Administration], les récentes précipitations reçues dans certaines régions du pays comme l’Artibonite, le Nord-Ouest, le Nord, et la Grande Anse, représentent moins de la moitié des accumulations normales. Par conséquent, les conditions actuelles d’humidité du sol sont défavorables au bon déroulement des activités agricoles. Par ailleurs, le Plateau Central, plus spécifiquement les communes de Thomonde, Cerca-Cavajal, Cerca-la-Source, et Thomassique, connaissent une sècheresse persistante depuis novembre 2012, selon une mission d’évaluation effectuée au début de mars par FEWS NET et l’unité de Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA). Des communes du département du Nord-Est comme Mombin Crochu, les Perches, Ste Suzanne, et Mont-Organisé, entre autres, font face à une situation de sécheresse.
Le démarrage de la campagne agricole reste tributaire de la disponibilité des semences. La cherté de ces dernières, liée à leur rareté est susceptible de provoquer une réduction de la surface habituellement cultivée au cours de cette campagne, entrainant dès lors une baisse de la production agricole. Cette campagne compte pour environ 60% de la production agricole nationale. Les ménages pauvres de nombreuses zones du milieu rural, risquent de continuer à faire face à un déficit alimentaire immédiatement après les récoltes de juillet.
Dans les zones rizicoles du Nord, du Nord-Est et de la Vallée de l’Artibonite, les activités agricoles engendrent des emplois bénéfiques aux plus démunis. Dans certaines communes du département du Nord telles que Ranquite, Bahon, La Victoire et Pignon, également frappées par la sécheresse, la migration saisonnière vers la plaine de Limonade et Quartier Morin, reste l’une des principales sources de revenus pour les ménages pauvres. Cependant, due à la sécheresse, la demande de la main-d’œuvre dans ces communes est en déclin. À Tiburon, Dame Marie, Anse d’Ainault et autres, la saison de pêche a aussi démarré mais les ventes sont très faibles par rapport à la normale, d’où un manque à gagner pour la communauté des pêcheurs.
Les prix des produits alimentaires importés sont généralement élevés, mais restent plus ou moins stables par rapport aux mois de janvier et février 2013. Par contre, le prix de certains produits locaux, plus spécifiquement le haricot noir et le maïs moulu, est en hausse en raison de la demande. À Hinche, le haricot a connu une hausse de 18% en février par rapport à janvier alors que le maïs moulu s’est apprécié de 8% pour la même période à Jérémie. À Jacmel, dans le Sud-Est, le prix du maïs moulu a fait bond de 24% pendant ce laps de temps. Il s’en suit une baisse du pouvoir d’achat des ménages pauvres, dont le revenu tend à diminuer à cause de la faible demande de la main-d’œuvre agricole. Dépendant à presque 100% du marché comme source de nourriture, les ménages démunis des zones affectées par les intempéries en 2012, auront de plus en plus de difficulté à se nourrir jusqu’aux prochaines récoltes en juin.
Perspectives jusqu’en juin 2013 :
Les ménages pauvres du Plateau Central (Cerca-la-Source, Cerca Cavajal, Thomassique et Thomonde) et du Nord (La Victoire, Bahon, Pignon, et Ranquitte), entre autres, dépendront essentiellement du marché, et ce, jusqu’en mai et juin, à cause de l’épuisement précoce de leur stock résultant de la faible production agricole en 2012.
Due à la rareté des semences et à leur prix élevé sur le marché, la superficie emblavée au cours de la campagne du printemps sera moindre, entrainant une baisse de la production et du revenu des ménages pauvres.
Tenant compte de la tendance haussière de la courbe des prix, de la baisse des revenus des ménages pauvres et de la diminution de leurs moyens de subsistance, on peut déduire qu’ils resteront en situation de crise (phase 3 de l’IPC). Cette situation, toutes choses étant égales par ailleurs, tend à perdurer jusqu’au début des prochaines récoltes qui auront lieu au cours du mois de juin.
L’assistance humanitaire fournie aux ménages dans le Sud-est et la Gonâve est susceptible de faire passer l’insécurité alimentaire de la phase 3 de l’IPC à la phase 2. Cependant, elle ne semble pas avoir d’effet significatif sur les communes de Thomassique, Thomonde, Cerca-Cavajal, et Cerca-la-Source qui seront en Crise jusqu’en juin.
En savoir plus sur la Classification de la sécurité alimentaire (IPC) :
Phase 1 :
Accès à une alimentation généralement adéquate et stable avec un risque modéré à faible de tomber graduellement dans la Phase 3, 4 ou 5.
Phase 2 : Insécurité alimentaire modérée / limité
Accès limité à une alimentation adéquate avec un risque élevé et récurrent de tomber graduellement dans la Phase 3, 4 ou 5 (en raison de la probabilité d’évènements adverses et d’une grande vulnérabilité)
Phase 3 : Crise alimentaire et des moyens d’existence aiguë
Insuffisance aiguë et critique de l’accès à l’alimentation assortie d’une malnutrition grave et inhabituelle et un épuisement accéléré des avoirs relatifs aux moyens d’existence qui, si la situation se maintient, va faire tomber la population dans la Phase 4 ou 5 et/ou va probablement se traduire par une pauvreté chronique.
Phase 4 : Urgence humanitaire
Insuffisance grave de l’accès à l’alimentation assortie d’une mortalité excessive, une malnutrition très élevée et en progression et un épuisement irréversible des avoirs relatifs aux moyens d’existence.
Phase 5 : Famine / Crise humanitaire
Grave perturbation sociale assortie d’un manque total d’accès à l’alimentation et/ou d’autres besoins de base dans laquelle la famine généralisée, la mort et le déplacement sont incontestables. (haitilibre.com)