Haïti-Energie/Projet Phoenix : Un scénario « Garbage in, Garbage out »
« Le gouvernement haïtien risque de conclure une entente très couteuse pour l’État et les contribuables » avec le projet Phoenix de l’International electric power (Iep), sorte de partenariat public-privé d’incinération de déchets en vue de la production de 30 mégawatt d’électricité.
C’est la conclusion d’un article de la journaliste américaine Jane Regan, coordonnatrice du consortium médiatique Ayiti kale je (Akj), publié cette semaine sur le site de cette plateforme, dont AlterPresse fait partie.
Les données rassemblées laissent à penser que les élus et le peuple haïtien sont « aux prises avec un scénario de Gigo (acronyme de Garbage in, Garbage out) potentiellement couteux et risqué ».
Selon les informations fournies par la journaliste d’investigation Jane Regan, l’Iep cherche à obtenir un prêt d’environ 250 millions de dollars US de l’Overseas private investment corporation (Opic) du gouvernement américain pour financer le projet.
Ne possédant que 10% de ce possible partenariat public-privé, l’Etat haïtien, par le biais de l’entreprise publique « Electricité d’Haïti », achèterait l’énergie entre les mains de l’Iep.
« Les représentants d’Iep ont annoncé à Akj que les autorités avaient déjà signé deux protocoles d’entente les engageant à payer la nouvelle compagnie pendant 30 ans : l’un, ayant force obligatoire, pour l’opération des installations, et l’autre, optionnel, pour tout l’achat d’électricité. L’État donnerait aussi un terrain au nord de Port-au-Prince », précise l’article.
Jane Regan, également professeur de journalisme d’investigation à l’Université d’État d’Haiti, souligne la contradiction entre les estimations de l’Iep et les conclusions du Laboratoire national de l’énergie renouvelable du gouvernement américain (Nrel en anglais).
Le Nrel estime que « les déchets d’Haïti ne conviendraient pas à une usine de combustion », alors que l’Iep donne « une valeur calorifique » aux déchets haïtiens qui renfermeraient « entre 65% et 75% de matière organique ».
Les contacts de Ayiti Kale Je avec le Nrel et le Programme des nations unies pour l’environnement (Pnue) n’ont pas permis de confirmer l’affirmation de l’Iep, indique l’article.
Le très récent rapport 2012 de la banque mondiale sur les déchets déclare sans fard que pour « les pays à faible revenu », la valorisation énergétique des déchets par combustion n’est « « ni courante… ni généralement un succès, en raison de son grand cout capital, technique et d’exploitation, ainsi que de la haute teneur en humidité des déchets et du grand pourcentage de matières inertes. »
Sur la question des coûts également, l’article mentionne une étude du « Updated capital cost estimates for electricity generation » qui conclut que « les incinérateurs à déchets sont parmi les installations les plus couteuses à construire et à exploiter, comparativement aux autres technologies ».
La construction d’une nouvelle usine de 50 MW, soit le projet Phoenix en un peu plus grand, couterait 8232 $US (2010) par kilowatt (Kw) de capacité, et 376 $US (2010) par Kw en frais fixes d’exploitation.
En revanche, une usine de biomasse à « lit fluidisé bouillonnant » couterait 4755$US (2010) par Kw de capacité, et environ 100 $US (2010) par Kw en frais fixes d’exploitation.
Enfin, une installation photovoltaïque solaire de 150 MW couterait 4755 $US (2010) par Kw à installer, et environ 17 $US (2010) par Kw en frais fixes d’exploitation. (alterpresse.org)