Haïti – Politique : Le Conseil de sécurité et les amis d’Haïti, déçus…

Vendredi, lors du point de presse hebdomadaire de la Minustah, Nigel Fisher le Représentant spécial du Secrétaire Général Adjoint des Nations Unies en Haïti et Chef de la Minustah par intérim, qui revenait d’une réunion au Siège des Nations Unies à New York, où il a rencontré les membres du Conseil de sécurité, les États-membres du Groupe (connu sous le nom des Amis d’Haïti), s’est montré très critique devant la situation en Haïti et fait savoir que les participants à cette réunion, se sont dit préoccupé et ont manifesté déception et frustration devant la lenteur des progrès.

Extraits de l’intervention de Nigel Fisher :
« Je rentre juste du Siège des Nations Unies à New York, où j’ai rencontré les membres du Conseil de sécurité, les Etats-membres du Groupe connu sous le nom des Amis d’Haïti, ainsi que les principaux responsables des Nations Unies. Je dois vous confier que les sentiments communs auxquels j’ai été confronté ont été la préoccupation et une certaine frustration.

Il y a un an, nous célébrions des succès, comme la création du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, la publication des amendements constitutionnels et une amélioration de la sécurité, notamment en matière de violence, d’homicides, et de cas de kidnapping. Mais aujourd’hui, l’impression générale qui prédomine au sein des membres du Conseil de sécurité et des Amis d’Haïti, c’est celle d’une impasse. Il y a bien sûr eu des progrès, mais ils ont été beaucoup, beaucoup plus lents que ceux auxquels nous nous attendions au début de 2012. Les investissements n’ont pas atteint le niveau espéré. La croissance du PIB n’a été que de 2,5% l’année dernière, bien loin des 8% prévus en début d’année.

Pourquoi ? On peut blâmer les partenaires extérieurs pour leur lenteur à débourser l’assistance promise. Mais le problème est bien plus large. Lorsque les amis d’Haïti et les investisseurs potentiels se demandent si « Haïti est ouverte aux affaires », si Haïti est « open for business », certains répondent oui, mais la majorité, après un temps de réflexion, disent « Pas encore ».

Pourquoi cela ? Et bien d’abord à cause des processus d’offres, de contrats et d’attributions des marchés. Peu d’acteurs les considèrent suffisamment justes et transparents pour garantir une compétition saine. Le Président Martelly a identifié ces questions comme des problèmes nécessitant des réformes pour garantir la protection des investissements, tout comme les douanes et les impôts, ainsi que les conditions de création d’entreprises. Mais ces réformes sont toujours en cours.

[…] Mais, s’il y a une question qui cristallise la déception des amis d’Haïti aujourd’hui, c’est celle de l’impasse dans l’organisation des élections. Selon la Constitution d’Haïti, les élections pour les Sénateurs élus en 2006 devaient avoir lieu avant la fin de leur mandat en janvier 2012. Nous voilà aujourd’hui, plus de 13 mois plus tard, et l’élite politique haïtienne est toujours en train de tenter de trouver un compromis qui semble hors d’atteinte pour former la base d’un accord permettant d’avancer vers ces élections. Des élections qui doivent en outre être crédibles, justes et inclusives.

[…] La semaine dernière, lorsque j’ai rencontré les Présidents des deux chambres législatives, on m’a laissé croire que la Commission bicamérale annoncerait sa décision concernant les représentants au CTCEP hier, le 14 février. C’est ce que j’ai annoncé au Conseil de sécurité et aux amis d’Haïti cette semaine. Mais cela ne s’est pas produit. Comme me l’a dit mardi dernier un très bon ami d’Haïti, originaire de cet hémisphère : « Siempre manana. Seguro que un dia, tiene que ser hoy ». « Toujours demain. C’est sûr, un jour, cela doit être aujourd’hui ».

Dans un mois, le dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur Haïti sera l’objet de débat au Conseil de sécurité. Je serai là pour le présenter. Le projet de rapport actuel n’est pas si optimiste. C’est pourquoi, ces prochaines semaines […] j’espère pouvoir travailler avec les dirigeants du pays, le Gouvernement, l’Exécutif et le Législatif pour pouvoir témoigner de progrès tangibles. Le symbole de ce progrès, ce seront des preuves d’une sortie de l’impasse des élections : un accord sur une date, la mise en place du CTCEP et, je l’espère, au moins un accord politique ad minima sur les étapes à suivre pour mettre ce processus d’élections en mouvement. La Minustah et les amis d’Haïti sont prêts à accompagner Haïti dans toutes ces étapes pour garantir la tenue d’élections crédibles le plus tôt possible, cette année.

Le Conseil de sécurité et le Secrétaire général m’ont aussi demandé de préparer, avec le Gouvernement haïtien, une feuille de route pour les prochaines années, qui va définir clairement un ensemble limité de priorités pour la Minustah, afin de promouvoir la stabilité et la sécurité, de renforcer l’Etat de droit, le respect des droits de l’homme et la bonne gouvernance. Cette feuille de route établira aussi de manière transparente les conditions dans lesquelles la Minustah sera en mesure de poursuivre la réduction de ses effectifs et devrait être incluse dans le Rapport du Secrétaire Général que le Conseil de sécurité examinera à la mi-mars. Donc, encore une fois, nous avons peu de temps.

Dès mon retour de New-York, j’ai rencontré le Premier ministre Lamothe et nous avons convenu que dans les prochaines semaines, le Gouvernement et la Minustah vont travailler ensemble pour finaliser cette feuille de route qui nous permettra d’évaluer nos progrès ensemble et qui permettra au Conseil de sécurité d’en faire autant.

J’ai proposé quatre priorités centrales pour cette feuille de route :

  • Premièrement, renforcer la sécurité, en particulier en augmentant le nombre, la qualité et la répartition de la Police Nationale d’Haïti ;
  • Deuxièmement, renforcer l’autorité du Conseil électoral permanent pour qu’il assume la pleine responsabilité et l’appropriation nationale de l’organisation et de la tenue des élections futures.
  • Troisièmement, renforcer la culture de l’Etat de droit et des Droits de l’homme en soutenant le renforcement de mécanismes de base fonctionnels et responsables, comme le Conseil supérieur du Pouvoir judiciaire, la Cour supérieure des Comptes et des Contentieux administratifs, l’Inspection générale de la PNH et l’Office de la Protection du Citoyen et de la Citoyenne, entre autres ; et de soutenir plus largement la réforme législative qui est cruciale.
  • Quatrièmement, dans le domaine de la bonne gouvernance, soutenir le renforcement des institutions de l’Etat pour faire les réformes politiques essentielles et renforcer les mécanismes décentralisés et participatifs.


[…] Nous sommes impatients de définir ensemble une feuille de route afin d’être en mesure d’avancer, pas à pas, de manière visible et mesurable, vers un Haïti sûr et stable où les droits de tous les Haïtiens sont respectés et protégés. »

Source: http://www.haitilibre.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *