Haïti-Séisme-3 ans : Les camps restent encore les plus effroyables témoins du drame
La réalité n’a pas changé pour des milliers de jeunes femmes, de jeunes hommes, de mères et de nourrissons, dans les camps de fortune, établis après le passage du tremblement de terre du 12 janvier 2010, observe l’agence en ligne AlterPresse.
L’organisme de réflexion et d’action pour le logement Fòs refleksyon ak aksyon sou koze kay (Frakka) estime à 400 mille le nombre d’Haïtiennes et d’Haïtiens actuellement dans les camps, sous des tentes et abris de fortune.
Un chiffre, qu’a également évoqué le bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha), le mardi 18 décembre 2012, lors du lancement d’un plan d’action humanitaire 2013.
« Il n’y a vraiment pas de changement de la situation de vie des gens dans les camps », a affirmé Nigel Fisher, le coordonateur de l’Ocha, en la circonstance.
Trois ans passés entre promesses et désespoir
Christiamène a 39 ans et est mère de 4 enfants, dont une fillette de 7 mois. Cette famille vit dans un camp baptisé ‘’Parc Pelé’’ (Ouest de la capitale, bicentenaire).
Christiamène et la fillette de 7 mois ont frôlé la mort le 10 décembre 2012, au moment où les habitants de ce camp tentaient un mouvement de revendication pour réclamer des logements.
L’opération en question a été conduite par la police, explique Christiamène à AlterPresse, déplorant le fait qu’aucune autorité n’ait visité, depuis avril 2010, ce camp établi sur un terrain appartenant à l’Électricité d’Haïti (Ed’H) entité autonome de l’État.
Ce même jour, une dame, tombée sur une grande casserole d’huile de cuisine bouillante, s’est trouvée brûlée à la poitrine, tandis que d’autres personnes ont été violemment frappées.
« Nous demandons une seule chose à l’administration politique de Michel Martelly : qu’ielle nous retire sous les tentes ! », déclare Christiamène, qui appelle le président à tenir ses promesses de campagne.
Une requête, partagée par les autres personnes sinistrées.
« Nous avons des terres, des organisations non gouvernementales (Ong) qui sont prêtes à nous aider à cette tâche. Nous avons des fonds disponibles et la volonté de reloger ces personnes », affirmait Michel Martelly, au moment où il n’était encore qu’un candidat.
Il estimait alors à 200 millions de dollars américains (US $ 1.00 = 43.00 gourdes ; 1 euro = 60.00 gourdes aujourd’hui) le relogement de ces personnes déplacées après le tremblement de terre du 12 janvier 2010.
Les quelques programmes de relogement, organisés par l’actuelle administration politique, tels le 16 /6 (devant permettre à des gens de 16 camps de retourner dans leurs quartiers respectifs au nombre de six) et les expulsions forcées (en exemple la place Jérémie, périphérie sud-est de la capitale, dans la nuit du 20 au 21 décembre 2011), n’ont permis visiblement qu’à débarrasser les places publiques.
Pour le secrétariat exécutif de la plateforme des organisations de défense des droits humains (Pohdh), ces démarches de relogement du gouvernement ne sont qu’une « éviction forcée en douceur ».
La non implication directe des personnes déplacées et des organismes nationaux, ayant une expertise dans le relogement, sont parmi les critiques de la Pohdh.
Autre problème aujourd’hui, c’est que l’administration publique n’est pas à même de dire où sont les familles sinistrées déguerpies.
La Pohdh voit, en cette méthode gouvernementale de relogement, un détour pour éviter de poser le problème du droit au logement en Haïti.
Chaque famille sinistrée n’a reçu que 20,000.00 gourdes (environ 470 dollars américains) pour laisser les lieux.
Les gouvernants n’ont fait que gérer « les zones qui gênent leurs yeux ». C’est juste « une gestion de la façade », estime Guerline Joseph, membre de l’équipe administrative de Frakka.
Un espoir troublé …
Betty, une jeune déplacée de 25 ans, habitant également le Camp ‘’Parc Pelé’’ au bicentenaire, est incertaine.
La dureté du vécu quotidien semble éteindre, à ses yeux, la flamme de l’espoir.
« Les balles, les gaz lacrymogènes, le feu (dans les tentes) sont notre seul espoir », dit-elle, avec un humour sombre.
« Martelly claironnait avoir une réponse efficace pour le peuple, notamment pour les personnes sinistrées et les paysans. Mais, c’est faux. Aujourd’hui, nous sommes notre propre gardien », continue de déplorer cette jeune femme.
Les personnes déplacées fustigent aussi l’utilisation, que font certains particuliers, de leur situation.
Ces particuliers vont demander de l’aide en leur nom, laquelle n’atterrit jamais, dénoncent ces personnes déplacées.
« Les personnes déplacées doivent se mobiliser pour réclamer des logements sociaux décents », conseille Antonal Mortimé, secrétaire exécutif de la Pohdh, les appelant à devenir les artisans de leur espoir.
Pour une autre façon de faire
Résoudre le problème des personnes déplacées dans les abris de fortune implique une prise en compte générale du problème de logement en Haïti, soutiennent Frakka et Pohdh.
Ces deux organismes préconisent une solution similaire, articulée autour de l’identification de terrains vides (en dehors de Port-au-Prince), capables de recevoir la construction de quartiers modernes, l’établissement et l’application d’un cadre général ou plan d’action stratégique de construction de logements sociaux, lequel serait établi avec la participation des citoyennes et citoyens.
Les actuels logements sociaux, aménagés ou inaugurés sous l’actuelle administration politique de Martelly, sont décriés.
Quelques-unes des maisons construites à Zoranje (dans la commune de Croix-des-Bouquets, au nord-est de la capitale) et inaugurées le 15 juin 2011 (département de l’Ouest), servent de latrines à des riverains, tandis que les constructions de Morne-à-Cabris sont considérées comme de petites cages ou des tombes.
Source: http://www.alterpresse.org